Excité comme il ne l'avait jamais été de toute son existence, Julius Lange avait eu sacrément du mal à trouver le sommeil en cette chaude nuit du 27 juin 2005.
S'étant finalement mis au lit à minuit, il avait d'abord feuilleté distraitement un livre sur Jackson Pollock, le maître du Dripping, avant de se sentir envahi par le souvenir de la folle et inoubliable journée qu'il venait de vivre à l'Hôtel Drouot.
Il s'était revu en train d'attendre fébrilement le passage du lot 66 qu'il avait convoité dès qu'il avait reçu par la poste le catalogue de la vente de tableaux modernes et contemporains appelée à être dirigée par M° Courçon.
Hypnotisé d'emblée par l'œuvre étonnante reproduite en pleine page, il s'était retrouvé dans un état d'excitation extrême accompagné cependant de moments d'abattement causés par l'attente de la vente de ce portrait fascinant de « Duna » par Lucian Freud. Fascinant était le mot, tellement ce visage tordu éreinté de douleur au regard vibrant, pénétrant, plein de morgue et de défi avait subjugué Julius jusqu'à le rendre malade de l'envie de le posséder.
Le moment tant espéré était enfin arrivé. Ne tenant plus en place depuis des jours, Julius avait pris la résolution d'acheter ce portrait coûte que coûte quitte à se ruiner pour l'avoir. Les minutes précédant le passage de ce lot si désiré avaient paru durer une éternité. Debout parmi une foule compacte, il avait senti monter en lui une peur panique pareille à celle qui devait s'emparer de n'importe quel soldat bondissant d'une tranchée sous une grêle de balles ennemies.
Justement, les ennemis acharnés à s'emparer du lot 66 s'étaient probablement tapis dans cette salle surchauffée prêts à le poignarder à coups d'enchères assassines.
« Lot 66, portrait de Duna par Lucian Freud, un véritable petit bijou peint par le célèbre artiste britannique en 1982. Commençons à 250 000 », avait annoncé le commissaire priseur.
- 260 000, 270 000, 280 000, 300 000 …
Tout en égrenant les enchères, M° Courçon avait dodeliné de la tête en balayant la salle d'un regard circulaire afin de prendre le pouls de l'assistance. Il ne lui avait fallu que quelques secondes pour juger que la situation était favorable pour faire monter la sauce nonobstant le fait qu'il lui serait loisible de mettre la pression au moment adéquat lorsqu'il serait arrivé au niveau de l'ordre d'achat le plus haut qu'il avait reçu avant la vente.
- 350 000… 400 000…450 000 …
Jusqu'alors, Julius s'était contenté de surveiller la salle afin de repérer ses rivaux, un Américain à l'air goguenard, un Français impassible et un Anglais plutôt nerveux. Il était entré dans la danse à 600 000 euros en levant d'un geste furtif le stylo qu'il tenait entre son index et son pouce avec l'espoir de rester incognito le plus longtemps possible mais à 750 000 euros, le commissaire priseur avait pointé malicieusement son marteau dans sa direction en attendant une contre-attaque du marchand anglais qui n'avait pas cessé de dresser son catalogue au dessus de sa tête pour montrer qu'il était lui aussi bien décidé à participer jusqu'au bout à la bagarre.
Soudain irrité, Julius avait alors senti des gouttelettes de sueur dégouliner le long de sa colonne vertébrale tandis que son cœur s'était mis à battre brutalement la chamade.
- 800 000 !…
Cet enquiquineur d'Anglais n'avait guère semblé disposé à lâcher prise et Julius avait eu l'impression que le sol se dérobait sous ses pieds en brandissant cette fois son stylo rageusement pour surenchérir à 850 000.
Il y avait eu à cette seconde un moment de flottement dans la salle alors que tous les regards avaient convergé sur lui comme s'il s'était retrouvé nu comme un ver au milieu de l'assistance. Il avait rougi de confusion avant de baisser les paupières en priant le ciel qu'au supplice qu'il subissait succéderait enfin la joie ineffable d'emporter le morceau.
- 850 000… 850 000 une fois, deux fois…
« 900 000 ! », avait lâché l'Anglais comme si celui-ci avait reçu une violente décharge électrique propre à lui enflammer les cordes vocales.
Sur le coup, Julius avait été tétanisé et incapable d'articuler un mot. Il était resté la bouche ouverte comme un poisson cherchant désespérément à gober de l'oxygène dans une eau trop vaseuse. Le souffle coupé, il avait eu l'effarante sensation que son cœur s'était soulevé jusqu'à venir se coincer dans son larynx. A cet instant, il avait bien cru défaillir alors que ses tympans avaient reçu en écho le murmure de la salle accompagné de la sollicitation pressante du commissaire priseur à poursuivre ou non les enchères.
- J'adjuge à 900 000 ? 900 000 une fois, 900 000…
Couler ou revenir à la surface en un éclair. Julius avait dans un ultime sursaut choisi de survivre et de se battre. Il s'était retourné en lançant à l'Anglais un regard plein de bravade et s'était redressé brutalement sur la pointe des pieds en avançant le menton avec arrogance avant de crier : « 950 000 ! ».
Pendue à ses lèvres, la salle avait bruissé de plaisir en le voyant ainsi relever le gant mais l'Anglais n'avait pas paru désarçonné pour autant. Affectant un air blasé, il avait projeté son catalogue en l'air pour signifier que la partie était loin d'être terminée.
« Un million ! », avait hululé le commissaire priseur manifestement ravi de constater que l'estimation haute pour ce tout petit tableau venait d'être largement dépassée.
Plongé dès lors dans un état second, comme s'il avait été sous l'effet d'une drogue euphorisante, Julius avait répliqué du tac au tac et les enchères s'étaient envolées pour arriver à 1,5 million d'euros et ne plus le laisser en découdre qu'avec l'Anglais. Ce dernier avait hésité longuement avant de pousser un peu plus loin mais déchaîné, Julius ne lui avait pas laissé le temps de respirer en lançant un « 1,7 million d'euros » d'une voix tonitruante.
A cet instant, l'Anglais était devenu cramoisi et le catalogue qu'il avait sans cesse propulsé en l'air était resté immobile dans sa main collée le long de sa cuisse comme s'il avait soudainement pesé une tonne.
Julius avait lancé un regard quelque peu inquiet dans sa direction en pestant intérieurement contre M° Courçon qui semblait prendre un malin plaisir à maintenir son marteau suspendu au-dessus de son crâne dégarni comme si le temps s'était alors figé.
L'assistance tout entière avait eu les yeux rivés sur lui tandis que l'Anglais avait baissé la tête pour signifier qu'il abandonnait la partie mais Julius s'était abstenu de jubiler de crainte de titiller l'orgueil de son rival tant que ce tortionnaire de commissaire-priseur n'aurait pas abaissé son fichu marteau pour de bon.
M° Courçon avait élevé son bras encore un peu plus haut tout en pointant l'index de sa main droite dans la direction de Julius, comme Dieu l'avait vraisemblablement fait pour désigner Moïse comme son porte-voix avant d'abattre violemment le marteau sur son pupitre. Le claquement sec du marteau d'ivoire avait eu l'effet d'un couperet de guillotine pour l'Anglais dont les espoirs avaient été décapités tandis que la salle avait instantanément déclenché une salve d'applaudissements qui avait soulevé Julius de bonheur.
Au même instant, ivre d'extase, Julius avait senti son sexe se gonfler et se dresser dans son pantalon sous l'effet de l'excitation qui s'était emparée de lui. Il l'avait enfin eu, ce portrait tant désiré, objet de son plus grand fantasme et lorsqu'il avait été chercher son lot après l'avoir payé au moyen d'un chèque garanti par sa banque, il n'avait eu aucune honte à laisser sa semence exploser dans son froc après avoir éprouvé le plus bel orgasme de son existence.
Excité comme un môme ayant découvert avec émerveillement son cadeau de Noël, il s'était éclipsé comme un voleur de l'Hôtel Drouot avec son petit tableau sous le bras pour vite aller l'accrocher en bonne place dans son salon regorgeant déjà de magnifiques œuvres d'art. Toutefois, ce tableau était devenu illico le joyau de sa collection, une véritable folie mesurant tout juste 21 x 15 cm payée près de deux millions d'euros avec les frais.
Un verre de whisky à la main, il s'était installé l'air béat dans un fauteuil pour contempler à loisir son chef d'œuvre, sa merveille, son trésor, son nouvel amour, son Graal.
« Duna, Duna », une voix s'était mise à roucouler suavement en boucle dans son esprit jusqu'à devenir une lancinante litanie. « Duna, Duna »…
Il n'avait pu détacher son regard de ce tableau si étrange et si attirant qui avait semblé lui chanter une mélopée ultrasonique comme s'il avait été un chien répondant à un son qu'aucun être humain n'aurait eu la faculté de capter.
Comme les compagnons d'Ulysse succombant aux chants des sirènes, Julius avait été mû par l'irrésistible envie de se lever et d'aller caresser ce portrait si énigmatique. Il avait eu l'impression de devenir une plume en se sentant littéralement soulevé de son fauteuil comme un cosmonaute en état d'apesanteur. Cette sensation avait semblé durer plusieurs minutes avant que ses paupières de deviennent lourdes et qu'il s'endorme, bercé par le doux nom de « Duna » qui avait sans cesse trotté dans sa tête.
Il avait émergé une heure plus tard de son pesant sommeil comme s'il était revenu d'un voyage vertigineux du fin fond des abysses. Hébété, il s'était relevé péniblement puis avait titubé comme un ivrogne en riant cependant à gorge déployée en voyant le tableau envoûtant qui trônait majestueusement devant lui.
Près de deux millions d'euros ! Il s'était presque ruiné pour ce chef d'œuvre qui n'avait été estimé au mieux qu'à moins de la moitié de cette somme. Cet emmerdeur d'Anglais lui avait mené la vie dure mais pour rien au monde il n'aurait laissé échapper ce véritable diamant qui l'avait ensorcelé. Du reste, il lui suffirait de revendre trois ou quatre belles pièces de sa collection, un De Staël dont il commençait à se lasser, un bronze de Bugatti au sujet duquel il avait eu des doutes lorsqu'un spécialiste lui avait révélé qu'il existait des tirages illicites, une aquarelle de Picasso devenue un peu trop tardive à son goût et un « Lop-Lop » de Max Ernst qu'il avait fini par trouver trop stéréotypé.
La vente de ces œuvres pouvait lui permettre de rentrer largement dans son argent mais au bout du compte, cette perspective intéressante n'avait finalement semblé être de peu d'importance par rapport au fait que les journaux allaient célébrer à profusion l'enchère record atteinte par un tout petit format de Lucian Freud tout en faisant de lui un collectionneur à l'égal des grands.
Les journalistes n'allaient pas manquer de lui courir après pour réclamer des interviews et solliciter ses avis précieux sur l'art ou sur la meilleure façon de collectionner. A cette pensée, Julius s'était mis à danser et à pousser des petits cris stridents comme un Indien en savourant à l'avance la gloire qui s'offrait à lui.
Julius était finalement allé se coucher sans pouvoir se calmer et s'était abandonné aux bras de Morphée vers 2 heures 30 du matin plus par épuisement que par l'envie réelle de dormir. Au demeurant, son sommeil avait été terriblement agité et il s'était sans cesse retourné en tous sens comme saisi de spasmes, son esprit ressassant le souvenir de sa fantastique journée victorieuse.
« Duna, Duna », ce nom revenait dans un va et vient démoniaque dans son cerveau jusqu'à le faire délirer comme sous l'effet d'une drogue hypnotique. Vers 5 heures du matin, Julius poussa un cri étouffé, une sorte de râle d'agonisant qui le mit d'emblée en état de panique. « Duna, Duna »… Il se souleva d'un coup et constata que son pyjama était trempé de sueur. Il s'épongea le front, trébucha en sortant du lit et guidé par une force invisible, se rua dans le salon où il alluma la lumière avant de se planter raide comme un i devant le portrait qui avait envahi ses pensées.
« Un tableau ne se regarde pas seulement , il se pénètre », se répéta-t-il. Et soudain, le portrait s'adressa à lui en lui disant: « Tu m'as voulu, tu m'as eu, mais ne crois pas que je sois à toi pour autant »…
Julius trembla alors brutalement de tous ses membres. Avait-il rêvé ? Devenait-il sujet à des hallucinations ? Il crut voir le portrait lui décocher un sourire ironique et se frotta les yeux incrédule.
- Je t'ai coûté cher, n'est-ce pas ? Tu t'es carrément damné pour me posséder, hein ?
Il resta muet de surprise devant le tableau tandis les battements de son cœur s'accélèrent à un rythme fou dans sa poitrine jusqu'à le faire tanguer sur ses pieds comme s'il se tenait debout sur le pont d'un voilier balayé par des vagues furieuses.
Le portrait laissa exploser un rire sardonique qui se répercuta dans toute la pièce en laissant Julius totalement pétrifié. Ses cheveux se dressèrent sur sa tête, sa gorge se noua jusqu'à l'asphyxier et son sang se glaça dans ses veines.
- Au fait, qui te dit que Lucian Freud m'a bien peint ?
La question fit l'effet d'une flèche qui lui aurait été décochée dans le ventre. Il resta bouche bée de stupeur sans pouvoir articuler un son.
- Je t'ai posé une question Julius…
Il n'en crut pas ses oreilles. « Duna » connaissait son nom !
- Ne reste pas planté comme un imbécile. J'attends ta réponse avec impatience…
Tel un écolier qui n'aurait pas appris sa leçon, il hésita et grimaça l'air perdu en se demandant s'il ne faisait pas un horrible cauchemar qui aurait surgi comme le contre-coup du bonheur incroyable d'avoir remporté ce fameux lot 66.
- Euh… J'ai la certitude que ce portrait… Enfin, pardon… Que tu as été peint par Lucian Freud lui-même, le catalogue de la vente en faisant foi comme l'historique des différentes provenances et expositions accompagnant le descriptif…
Julius sentit monter en lui la volonté soudaine de plus se laisser submerger par la peur qui l'avait saisi par tous les pores de la peau.
- Il est vrai que Lucian Freud a cru lui-même être l'auteur de mon portrait. Pour tout dire, je lui ai fait croire qu'il en était ainsi…
Un rictus exprimant sa perplexité se dessina sur son visage et il se pinça le bras très fort pour tenter de s'échapper de ce mauvais rêve.
« Ah bon ? », répondit-il évasivement en cherchant ce qui pouvait bien lui arriver.
- Tu ne comprends pas Julius et ce n'est pas la peine de te pincer stupidement pour essayer de te réveiller car tu ne dors nullement.
Julius resta interdit en se demandant dans quel enfer il avait été précipité puis, la voix enrouée, il lâcha craintivement : « Qu'est ce à dire ? »…
- Julius, mon brave Julius. N'as tu pas pensé tout à l'heure qu'un tableau ne se regardait pas seulement et qu'en fait, il fallait le pénétrer pour être en osmose avec lui ?
Julius sursauta sans pouvoir dissimuler sa frayeur. Le portrait pouvait lire dans ses pensées !
- C'est…Effectivement… Exact…
- Alors, je t'invite joyeusement à me pénétrer, à faire corps avec moi. C'est ce que tu voulais ardemment, n'est-ce pas ?
- Euh, oui.. Mais…
- Il n'y a pas de mais qui tienne ! C'est oui ou c'est non ?
Julius prit soudainement conscience qu'il ne pouvait pas se dédire puisqu'il se mentirait derechef à lui-même et qu'il irait de ce fait à l'encontre de cette certitude ancrée depuis des années dans son esprit qu'il ne fallait pas se contenter de regarder un tableau avec émotion et que le plus excitant était de se projeter dedans pour mieux saisir son sens et ses subtilités.
- Euh.. Oui bien sûr…
« Parfait », lui répondit gaiement le portrait avant d'ajouter : « Cet Anglais à l'air suffisant ne me méritait pas du tout alors que toi seul étais digne de me posséder ».
A ce mot, Julius se surprit à bomber le torse de satisfaction tout en demeurant fébrilement perplexe quant à ce qui allait suivre.
- Ne n'inquiète pas, le moment que tu attendais tant est en marche mais je voudrais d'abord te confirmer que Lucian Freud n'est simplement que mon auteur virtuel.
- Co… Comment ça ?
- En réalité, il s'est réveillé d'une sieste dans son atelier en me trouvant sur son chevalet et j'ai fait en sorte de lui mettre dans l'esprit que c'était lui qui m'avait peinte sans oublier de bien lui donner la certitude que mon nom était Duna…
- C'est une blague ?
- Que nenni ! Tu n'es guère réceptif Julius. Tu me déçois même…
- Je… Je n'arrive pas à comprendre. Qui d'autre que Lucian Freud pourrait donc t'avoir peint ?
- Bon, puisqu'il faut t'expliquer… Lucian Freud… Duna… Enlève de ce nom les lettres D,U,N et A ou plutôt le A, le N, le U et le D. Que reste-t-il ?
Plus angoissé que jamais, Julius exhala un long soupir en s'inquiétant subitement de savoir si quelqu'un ne s'était pas introduit subrepticement chez lui pour verser un anxiolytique dans sa bouteille de whisky pendant qu'il se trouvait à l'Hôtel Drouot.
- Julius ! Cesse de te poser des questions à la noix. Il n'y avait pas de psychotrope dans ton verre. Tu n'as pas été drogué ! Pense plutôt à l'exercice mental que je t'ai réclamé de faire…
Au bout d'une dizaine de secondes, Julius écarquilla les yeux et parut décontenancé. Il avait retiré le A, le N, le U et le D de Lucian Freud, il ne restait plus que le mot Lucifre.
- Lucifre, il reste Lucifre… Je ne vois pas… Je…
Julius coupa net sa phrase et devint livide. Il fixa le portrait dont les yeux le dardaient intensément et recula d'un pas, la mâchoire crispée comme sous l'effet d'une terreur inimaginable.
- Eh oui… Tu en as mis du temps pour comprendre. Tu n'ignores pas que 66 est mon chiffre fétiche, tu sais bien, celui de l'apocalypse, ça te dit enfin quelque chose, non ? Lucifer… C'est bien moi ! Le plus amusant a été que féru lui-même de psychanalyse, le petit-fils de ce cher Sigmund n'a jamais soupçonné que je pouvais être en lui ne serait-ce que dans son nom. Quant à toi, tu voulais tellement posséder ce portrait que je me suis fait un plaisir diabolique de te le destiner. Et puis, quoi de mieux pour Belzébuth que de s'offrir éternellement l'âme d'un collectionneur s'appelant Lange ? Lange en enfer, c'est un mets accompagné d'une succulente sauce à la diable dont je ne vais pas cesser de me repaître. Ah, ah, ah !
Julius chercha désespérément à se retourner pour s'enfuir mais constata avec épouvante qu'il était cloué au sol sans pouvoir faire un seul geste. Alors que portrait se mit à ricaner de plus belle en faisant trembler les murs, il se sentit brusquement soulevé de terre comme un pantin retenu au bout d'un fil et resta un instant en état de lévitation avant d'être aspiré à la vitesse de l'éclair vers le tableau en tournoyant vertigineusement comme une toupie.
Il n'y eut alors plus un seul bruit ni plus aucune présence dans le salon, hormis les tableaux de la collection de Julius accrochés aux murs et notamment ce portrait fascinant de « Duna ». Fascinant était bien le mot, tellement ce visage tordu, éreinté de douleur, au regard brûlant, semblait pénétrant, plein de morgue et de défi sauf qu'il n'était plus solitaire car à côté de lui, il y avait celui d'un homme qui le fixait intensément avec des yeux emprunts d'un désir paraissant infernal…