Les vacances de l'été 2005 n'auront guère permis de calmer les angoisses des Français dont le pouvoir d'achat sera encore plus rogné à la rentrée de septembre par la hausse spectaculaire de leurs factures énergétiques suite à la flambée du prix du pétrole. Le plus inquiétant est que la France n'est pas seulement en panne d'énergie, elle semble aussi au bout du rouleau et se trouve ainsi dans l'incapacité d'emprunter le chemin de la croissance faute à ses gouvernants d'avoir eu le courage d'appliquer des réformes urgentes pour la remettre pour de bon sur les rails d'une vraie relance économique.
Ces réformes auraient dû passer par une refonte du fonctionnement de l'Etat, une baisse des impôts, l'octroi d'incitations fiscales pour les créateurs d'entreprises et une révision de l'ISF, responsable d'une évasion de capitaux préjudiciable à l'économie puisque de nombreux riches, entrepreneurs et autres, se sont installés dans des pays limitrophes où la pression fiscale est plus douce qu'en France.
Il est vrai que la hausse du prix du pétrole est pour quelque chose dans le ralentissement de la croissance de la France alors que depuis le choc pétrolier de 1973, lorsque le baril était tarifé à environ 3 dollars (40 dollars de 2005 quand même) puis à 11 dollars (133 dollars de 2005 !) un an plus tard contre 70 dollars aujourd'hui, les pays occidentaux avaient tout le temps voulu pour prendre des mesures visant à mettre en place des énergies de substitution. Il y a donc belle lurette qu'on aurait pu fabriquer des moteurs à hydrogène pour les véhicules et développer l'utilisation d'éoliennes ou de panneaux solaires dans le pays pour réduire la facture pétrolière mais en attendant, autant qu'aux pays producteurs, les hausses successives du prix du baril ont profité aux compagnies pétrolières françaises qui se portent plutôt bien.
En conclusion, si le choc pétrolier survenu entre octobre 1973 et le début de 1974 avec un baril passant de moins de 3 dollars à 11 dollars eut de lourdes conséquences sur l'économie mondiale, celles-ci furent cependant vite compensées par une inflation galopante dans les pays occidentaux qui permit ainsi un rattrapage salutaire en moins d'une décennie. Maintenant, le plus étonnant est que si on se réfère à 1974, on constatera que le baril de 159 litres aura baissé en valeur constante d'environ 60 dollars en 31 ans tout en n'empêchant pas les compagnies pétrolières d'enregistrer des bénéfices substantiels qui ont permis à la croissance de ne pas être négative, ce qui laisse donc croire que la cause du ralentissement économique dans les pays riches est ailleurs et que pour l'instant, la hausse du prix du pétrole est un faux problème, du moins tant que le baril n'atteindra pas la barre fatidique des 100 dollars.
Pour expliquer en partie le recul de la croissance, Il convient de citer le fort taux de chômage qui subsiste en Allemagne et en France ainsi que les effets négatifs du passage à la monnaie unique, l'euro ayant été responsable d'une hausse des prix d'environ 30% depuis 2001. Si l'euro fort a permis de compenser la hausse du prix du pétrole (payé en dollars) pour les pays européens, il a par contre réduit le pouvoir d'achat de leurs citoyens dont le moral est resté en berne depuis quatre ans.
En France, les prix de l'immobilier, des loyers, des services et de l'alimentation n'ont pas cessé d'augmenter en grevant les disponibilités financières des classes moyennes alors que les riches n'ont pas vraiment senti passer la crise d'autant plus que les salaires des mieux nantis ont été augmentés en conséquence en élargissant au passage le fossé avec le reste de la population. Or, ce sont les plus riches qui ont été les plus actifs sur le marché de l'art en achetant à des prix soutenus des œuvres de qualité dans les ventes publiques dont la valeur des transactions a été en hausse par rapport à 2004.
On aurait cependant tort de croire que le marché de l'art est en bonne santé grâce à de bons résultats enregistrés lors du premier semestre 2005 parce que dans le même temps, le nombre des invendus s'est accru avec un ratio de 4 sur 10 durant l'année, ce qui signifie que les acheteurs sont devenus plus exigeants et sélectifs, la qualité moyenne restant en rade dans les salles de ventes faute d'acheteurs, ceux-là même qui provenaient de la classe moyenne lorsque la croissance était au rendez-vous.
Les derniers sondages ont montré que les Français étaient inquiets pour la rentrée alors que le nombre des nouveaux pauvres a pris des proportions alarmantes. Le spectre d'une forte agitation sociale est devenu manifeste et ce ne sont pas les conseils du gouvernement pour économiser l'énergie qui auront permis de l'éloigner.
Proposer à la fin du mois d'août une limitation de la vitesse à 115 kmh sur les autoroutes pour économiser 10% sur la consommation d'essence des véhicules a été des plus ridicules parce que dans le même temps il aurait fallu dépenser des dizaines de millions d'euros pour remplacer les milliers de panneaux de signalisation existants rappelant la limite actuelle de 130 kmh sans oublier la rogne des automobilistes, véritables vaches à lait de l'Etat. Par contre, des mesures pour relancer la croissance comme proposer une baisse substantielle des impôts pour les particuliers et les sociétés, octroyer de véritables incitations fiscales aux créateurs d'entreprises et réduire l'ISF et même la taxe sur les carburants auraient du bon tout comme une initiative de la banque centrale européenne visant à baisser l'euro de 20% pour le ramener au niveau du dollar américain.
Une relance réelle de la croissance permettrait ainsi de faire revenir les classes moyennes vers le marché de l'art dont l'activité ne dépendrait plus des ventes très aléatoires de pièces exceptionnelles qui diminuent du reste d'année en année. Mais, sans un effort en faveur de la culture et notamment d'un enseignement plus poussé de l'histoire de l'art dans les lycées et collèges, le retour de ces acheteurs resterait encore négligeable dans les années à venir.
Adrian Darmon