Il était une fois la veuve d'un grand marchand d'art dont les fils
issus d'un premier mariage l'incitèrent à renoncer à sa part d'héritage en lui
faisant croire que leur père était mort dans le dénuement le plus complet, ce
qu'elle fit sans réfléchir avant de se rendre compte qu'elle avait été flouée
selon un scénario plutôt démoniaque visant à protéger la fortune d'une célèbre
dynastie de galeristes estimée à quelque 10 milliards de dollars…
A la lecture de ces quelques lignes, on serait tenté d'imaginer qu'il
s'agirait là du résumé d'une fable moderne adaptée par les studios Disney et
racontant les malheurs d'un ex-reine de beauté ayant épousé un prince charmant
qui la combla d'amour et de cadeaux au grand dam des fils de ce dernier qui dès
sa disparition auraient été déterminés à la transformer derechef en une sorte
de Cendrillon septuagénaire qu'aucune fée bienveillante ne saurait sauver.
En vérité, le script de ce thriller qu'Alfred Hitchcock aurait
vraisemblablement aimé réaliser n'a même pas été écrit mais le plus incroyable
est d'apprendre qu'il ne s'agit nullement d'une fiction mais bien d'une histoire
réelle qui pourrait avoir pour titre « Trust me Sylvia » ou « Wild
Einstein, la nouvelle théorie de la relativité de la richesse » ou encore « La
Veuve pas joyeuse ».
Bref, il s'agit tout simplement de l'histoire incroyable de Sylvia
Wildenstein, seconde épouse du légendaire marchand d'art Daniel Wildenstein,
qui a vécu d'incroyables tourments après la disparition de ce dernier le 23 octobre
2001 lorsque ses beaux-fils Guy et Alec lui ont fait croire que leur père était
mort ruiné alors qu'il possédait en réalité des milliers de tableaux de
maîtres, d'innombrables chevaux de course, des avoirs conséquents et des biens
immobiliers en France et à l'étranger.
Eprouvée par la mort de Daniel Wildenstein auprès duquel elle avait
passé des nuits entières à son chevet après son opération pour un cancer de
l'estomac, l'inconsolable Sylvia avait ainsi accepté de renoncer à sa part
d'héritage quinze jours après l'enterrement de son marilorsque ses beaux-fils vinrent lui faire
comprendre qu'elle risquait de supporter les lourdes dettes de la succession en
ignorant que l'essentiel de la fortune du défunt était dissimulé derrière un
écran constitué de trusts domiciliés dans divers paradis fiscaux.
Subissant l'humiliation d'être répudiée sans plus de façon par ses
beaux-fils et le reste de la famille Wildenstein, l'infortunée Sylvia avait
sombré dans une profonde dépression avant de se ressaisir 18 mois plus tard
pour solliciter l'aide de l'avocate Claude Dumont Beghi qui comprit rapidement
que la déclaration de succession de Daniel Wildenstein évaluée modestement à 42,9 millions
d'euros n'était rien moins qu'une mauvaise blague faite à sa cliente.
M° Dumont-Beghi engagea donc deux référés pour annuler cette déclaration
de succession laquelle incluait des inventaires invraisemblables concernant la
collection de Daniel Wildenstein réputée totaliser en fait près de 10 000
tableaux dont la valeur globale pouvait déjà être susceptible d'être estimée à
plus de 9 milliards d'euros. C'est ainsi que l'avocate obtint d'abord gain de cause, la
cour d'appel de Paris estimant en avril 2005 que Mme Sylvia Wildenstein, née
Roth, était mariée sous le régime de la communauté et que de ce fait ses droits
d'héritière devaient être rétablis tout en reconnaissant que ses beaux-fils
s'étaient appropriés l'intégralité de la fortune de leur père, laquelle restait
à être déterminée tant en France qu'à l'étranger via le travail d'un expert, la
plaignante se voyant pour sa part octroyer une avance de 15,5 millions d'euros
à valoir sur ses droits dans le partage de la succession.
Ces deux procès ont mis quelque part en lumière le rôle joué par Guy et
Alec Wildenstein, notamment au cours d'une réunion tenue en compagnie de leurs
avocats de Paris, Londres, New York et Zurich. Ce jour là, Sylvia Wildenstein
fut carrément cernée de toutes parts afin de comprendre qu'il était de son
intérêt de renoncer immédiatement à la succession de son mari en raison de
nombreux risques, notamment fiscaux, qu'elle ne pourrait à l'évidence assumer
alors que ses interlocuteurs lui avaient sciemment caché l'état véritable de la
fortune de Daniel Wildenstein.
Victime d'un abus de faiblesse selon son conseil, Sylvia Wildenstein avait donc été
écartée sans ménagement de la succession de celui qui avait été son compagnon
durant 40 ans.
Détenant exclusivement les éléments de cette succession, Guy et Alec
ont ensuite tenté de freiner les procédures engagées à leur encontre en
recourant à diverses parades juridiques pour ne pas payer l'avance octroyée par
la Cour d'appel à leur belle-mère. Ils ont ainsi allégué au passage que leur
père était convaincu d'être marié sous le régime de la séparation de biens
organisé par la loi américaine pour aller jusqu'à réclamer des dommages et
intérêts colossaux à titre de préjudice en signalant que la somme allouée à Sylvia
dépassait de loin la part censée lui revenir dans la succession sans oublier
que l'attention donnée par la presse à leurs déboires judiciaires avait gravement porté
atteinte à leur réputation.
En réponse à leurs arguments, Claude Dumont-Beghi s'est sans cesse attachée à
démontrer que la valeur donnée à la succession de Daniel Wildenstein semblait
ridicule du fait que ce dernier était déjà à la tête de l'Institut portant son
nom lequel était l'éditeur des nombreux catalogues raisonnés qu'il avait
lui-même rédigés ou co-signés notamment sur Monet, Ingres, Velasquez, Gauguin,
de La Tour, des maîtres dont il possédait des dizaines d'œuvres importantes
sans compter que l'Institut disposait de 400 000 livres et répertoires représentant
le plus important fonds de recherche au monde et qui avec ses locaux pourrait
valoir au bas mot plus de 400 millions d'euros…
Bref, dans une décision rendue le 20 juin 2006, la Cour de Cassation a
confirmé irrévocablement Mme Sylvia Wildenstein dans ses droits d'héritière
selon le régime de la communauté puis, à la suite de cet arrêt, les experts
nommés pour estimer les biens du défunt ont remis le 31 décembre 2006 leur
rapport dans lequel les meubles corporels de ce dernier étaient évalués à plus
de 121 millions d'euros auxquels pouvait être ajouté une somme de 380 millions
d'euros représentant la valeur des tableaux de Bonnard qu'il avait acquis sans
que la preuve soit apportée que cet achat avait été effectué au nom de la
société Wildenstein & Co Inc.
Basant leur travail sur trois hypothèses après avoir estimé que Sylvia
Wildenstein possédait des chevaux évalués à près de 600 000 euros et des bijoux
susceptibles de valoir jusqu'à plus de 5 millions d'euros, les experts avaient
repris une liste de biens énumérés par les parties, et notamment par Sylvia,
avant d'apprendre juste à la fin de leur travail l'existence de trusts
familiaux dans lesquels une part substantielle du patrimoine des Wildenstein
aurait été transférée. Faute d'éléments probants en leur possession, les
experts avaient donc été dans l'incapacité d'estimer l'état réel de la fortune
de Daniel Wildenstein, vraisemblablement dix fois supérieure au montant global
figurant sur leur rapport.
Quoi qu'il en soit, Sylvia Wildenstein n'a jamais pu obtenir les avances
réclamées à titre de provision à l'issue des jugements qui lui étaient
favorables pas plus que la remise par les fils Wildenstein de documents
concernant ces fameux trusts où la plus grande partie de la fortune
patrimoniale était à l'abri, un point que la pugnace Claude Dumont-Beghi a
voulu mettre en exergue.
Las, le 1er octobre 2008 la 2e chambre de la Cour
d'appel a cassé les deux premiers jugements en faveur de Sylvia Wildenstein en
décidant non seulement que la première déclaration de succession était la seule
valable mais que l'évasion du patrimoine de son mari dans des sociétés
étrangères et des trusts était conforme à la tradition familiale de
transmission des biens aux héritiers directs et que de ce fait, elle ne pouvait
être imputable à ses fils et n'avait pas nécessairement pour objectif de léser
leur belle-mère.
Après un combat acharné contre un panel de
redoutables avocats, M° Dumont-Beghi n'a pu alors obtenir que la réintégration
dans la succession d'un tableau du Caravage , "Le Joueur de Luth", estimé à 100 millions d'euros qui
avait été prêté au Metropolitan Museum ainsi que la réévaluation à 20 millions
d'euros et non deux millions de la propriété de Marienthal possédée par Daniel
Wildenstein.
Le 20 mai 2009, la Cour de cassation n'a pas plus donné satisfaction à
Sylvia Wildenstein en rejetant l'essentiel de ses demandes, notamment au sujet
des trusts, et en allant même jusqu'à considérer que son mari n'avait acquis
aucun bien à titre personnel pendant les années où il avait été marié.
Pourtant, quelques jours auparavant, de nouvelles pièces prouvant que
d'autres trusts en dehors de ceux évoqués en justice- les David et Sylvia
trusts- n'avaient pas été déclarés par les fils Wildenstein, notamment le Delta
Trust, Sons Trust ou David Trustdétenant notamment les propriétés du Kenya et des Îles Vierges, des
tableaux, des œuvres d'art et des élevages de chevaux, M° Dumont-Beghi
signalant qu'un trust était un instrument idéal pour tourner certaines
interdictions et éviter des taxes fiscales alors que dans le cadre d'une
succession ouverte en France par un citoyen français résidant dans le pays,
Daniel Wildenstein était soumis à la loi imposant le rapport de tous les trusts
au jour de son décès.
Ces trusts auraient donc dû être rapportés spontanément surtout qu'en
s'abstenant de le faire, les bénéficiaires s'étaient rendus coupables de recel
de succession alors qu'après la disparition de leur père des millions d'euros
leur auraient été distribués via ces montages à l'étranger.
Loin de s'avouer vaincue,Madame
Sylvia Wildenstein a engagé un recours en révision le 3 juin 2009 puis déposé
plainte auprès du parquet pour abus de confiance concernant le SonsTrustfaute d'avoir reçu les éléments qu'elle
avait réclamés.
C'est peut-être à partir de ce moment là
qu'elle a mesuré à quel point il serait difficile de démêler les savants
systèmes mis en place pour préserver le fabuleux patrimoine de la dynastie
Wildenstein où comme dans tout autre grande famille, les femmes ont été
d'habitude tenues à l'écart des affaires de leurs époux, ce qui n'a pas empêché
Sylvia de revendiquer sa part sur la galerie de New York du fait que celle-ci
dépendrait d'un trust créé par Georges dont les seuls bénéficiaires auraient
été son fils Daniel et sa fille Miriam, dont les parts seraient revenues à Guy et
Alec après sa mort en mai 1994.
Pour M° Dumont-Beghi, ce trust était une
donation se devant d'être rapportée à la succession de Daniel Wildenstein. Or, la
galerie de New York disposerait d'un stock de tableaux de maîtres valant entre
6 et 10 milliards de dollars…
A cela, il aurait convenu d'ajouter la
galerie Wildenstein & Co de Londres puisqu'elle aurait appartenu à 99,9% à
Daniel Wildenstein laquelle a été évaluée par ses fils à près de 320 millions
d'euros alors que de nombreux tableaux n'auraient pas été intégrés à cette
valorisation sans oublier les sommes transférées (près de 23 millions d'euros)
par cette galerie à celle de New York depuis le décès de Daniel ainsi que les
meubles vendus par Christie's au nom de Wildenstein & Co Ltd. le 15 décembre
2005.
Ainsi donc la galerie de Londres aurait été
sous-évaluée alors que Sylvia Wildenstein a revendiqué un quart en usufruit de
la valeur d'un stock qui serait en réalité considérable. Mais là encore, on peut
imaginer que Daniel Wildenstein aurait eu avant tout le souci de préserver
l'intégralité de sa fabuleuse collection en la destinant en priorité à ses fils
pour ne laisser à son épouse qu'une part de ses actifs financiers.
Citoyenne américaine et vivant à Paris depuis 1964,
Sylvia Wildenstein née Roth, dont les parents originaires de Hongrie et de
Tchécoslovaquie avaient créé une Académie internationale pour la Paix, avait
rencontré Daniel cette année-là avant de devenir son épouse en 1978. En 1999,
son mari avait créé le Sylvia Trust en la désignant comme bénéficiaire afin de
la préserver sa vie durant. Or, 19 tableaux de Bonnard importants auraient fait
partie de ce trust situé au port franc de Genève: « Paysage à la maison
jaune »,« Vase de fleurs ou fleurs au pichet
vert »,« Jardin du midi », « plateau de fruits ou pêches
dans une assiette sur une chaise »,« Intérieur au Cannet »,
« Paysage au Canet, les arbres blancs »,« La route, paysage au
Cannet », « Plateau de fruits ou pêches dans une assiette »,« Corbeille
de fruits (le Cannet) ou pommes dans un plat sur nappes »,« Coin de
maison »,« Nature morte, fruits »,« Paysage du
Cannet : vue des toits ou vue panoramique du Cannet »,« Avenue
du bois de Boulogne »,« Fruits et cruches or nature morte aux pêches
et pot jaune », « Pleine Mer »,« Le jardin : cactus »,« Nu
rose à la baignoire »
et « Le gant de crin ».
N'empêche, selon M° Dumont-Beghi, les héritiers de Daniel ne s'étaient pas
privés dès la mort de leur père de prendre possession du « Nu Rose à la
Baignoire » qui était accroché au domicile conjugal du 20 avenue Montaigne
alors que sa veuve n'a toujours pas eu la jouissance de ces tableaux de Bonnard depuis
lors.
L'avocate de Sylvia a ajouté que suite au
décès de son époux, ce Trust a été immédiatement contrôlé par Alec et Guy Wildenstein et
que de ce fait elle avait engagé une procédure en 2004 devant la Cour Suprême
des Bahamas qui lui avait permis d'obtenir gain de cause ce qui avait amené
ceux-ci à contre-attaquer pour bloquer l'usage de ce Trust dans l'attente d'une décision de cette cour laquelle n'a pas donné suite à la demande de la veuve Wildenstein qui avait invoqué
des raisons médicales pour pouvoir vendre ces tableaux.
Sylvia Wildenstein a également revendiqué sa part sur les trusts dont
les célèbres élevages de chevaux appartenant à son mari faisaient partie
d'autant plus que de nombreux purs-sangs n'avaient pas été déclarés à sa mort
alors que la valeur de ces élevages n'avait été estimée qu'a quelque 805
millions d'euros, une somme irréaliste aux yeux de la demanderesse.
M° Dumont-Beghi n'a pas manqué au cours de sa longue bataille
judiciaire de dénoncer selon elle une collusion entre les conseils des
héritiers Wildenstein pour engager alors des actions contre ces derniers pour avoir incité
Sylvia Wildenstein à renoncer à la succession de son mari en lui faisant croire
que sa situation financière était complètement obérée pour la placer ainsi en
situation de faiblesse sans savoir qu'elle était bénéficiaire du
SonsTrust et d'autres trusts situés dans des paradis fiscaux.
En attendant, une ordonnance a été rendue le 24 juin 2009 au bénéfice
de Madame Sylvia Wildenstein, écartant les exceptions d'incompétence et de
nullité soulevées mais les héritiers n'ont pas manqué d'interjeter appel de
cette décision.
Enfin, M° Dumont-Beghi n'a pas hésité à aller plus loin en affirmant
que les fils Wildenstein et leurs conseils avaient organisé une fraude fiscale
avant le décès de leur père, fraude d'ailleurs dénoncée par sa veuve à
l'administration fiscale en avril, mai et juin 2009. Pour M° Dumont-Beghi la succession de Daniel Wildenstein se devrait donc comme tout autre être
soumise aux principes d'ordre public en matière de succession et de droit
international privé, à savoir la loi successorale française du 3
janvier 1972 alors qu'en l'espèce, sa veuve a été trompée dans ses droits via
des détournements sur le plan civil et fiscal.
Dans cette lutte du pot de terre contre le
pot de fer, et c'est le cas de le dire puisque la dynastie Wildenstein a su se
blinder d'une manière efficace pour protéger son magnifique patrimoine, Sylvia
Wildenstein a bien évidemment éprouvé toutes les peines du monde pour obtenir gain
de cause au cours d'une interminable bataille judiciaire qui a fait les choux gras de la
presse internationale. Face à elle, Guy Wildenstein a semblé déterminé à ne
rien lâcher après avoir apparemment commis avec son frère l'erreur de ne pas être
assez généreux à son égard après la mort de son mari pour éviter ultérieurement un déballage plus
que gênant en justice qui aura déjà eu pour effet de ternir l'image d'une
grande dynastie de marchands et faire de Sylvia une martyre du monde des happy
few…
Adrian
Darmon
Il était une fois la veuve d'un grand marchand d'art dont les fils
issus d'un premier mariage l'incitèrent à renoncer à sa part d'héritage en lui
faisant croire que leur père était mort dans le dénuement le plus complet, ce
qu'elle fit sans réfléchir avant de se rendre compte qu'elle avait été flouée
selon un scénario plutôt démoniaque visant à protéger la fortune d'une célèbre
dynastie de galeristes estimée à quelque 10 milliards de dollars…
A la lecture de ces quelques lignes, on serait tenté d'imaginer qu'il
s'agirait là du résumé d'une fable moderne adaptée par les studios Disney et
racontant les malheurs d'un ex-reine de beauté ayant épousé un prince charmant
qui la combla d'amour et de cadeaux au grand dam des fils de ce dernier qui dès
sa disparition auraient été déterminés à la transformer derechef en une sorte
de Cendrillon septuagénaire qu'aucune fée bienveillante ne saurait sauver.
En vérité, le script de ce thriller qu'Alfred Hitchcock aurait
vraisemblablement aimé réaliser n'a même pas été écrit mais le plus incroyable
est d'apprendre qu'il ne s'agit nullement d'une fiction mais bien d'une histoire
réelle qui pourrait avoir pour titre « Trust me Sylvia » ou « Wild
Einstein, la nouvelle théorie de la relativité de la richesse » ou encore « La
Veuve pas joyeuse ».
Bref, il s'agit tout simplement de l'histoire incroyable de Sylvia
Wildenstein, seconde épouse du légendaire marchand d'art Daniel Wildenstein,
qui a vécu d'incroyables tourments après la disparition de ce dernier le 23 octobre
2001 lorsque ses beaux-fils Guy et Alec lui ont fait croire que leur père était
mort ruiné alors qu'il possédait en réalité des milliers de tableaux de
maîtres, d'innombrables chevaux de course, des avoirs conséquents et des biens
immobiliers en France et à l'étranger.
Eprouvée par la mort de Daniel Wildenstein auprès duquel elle avait
passé des nuits entières à son chevet après son opération pour un cancer de
l'estomac, l'inconsolable Sylvia avait ainsi accepté de renoncer à sa part
d'héritage quinze jours après l'enterrement de son marilorsque ses beaux-fils vinrent lui faire
comprendre qu'elle risquait de supporter les lourdes dettes de la succession en
ignorant que l'essentiel de la fortune du défunt était dissimulé derrière un
écran constitué de trusts domiciliés dans divers paradis fiscaux.
Subissant l'humiliation d'être répudiée sans plus de façon par ses
beaux-fils et le reste de la famille Wildenstein, l'infortunée Sylvia avait
sombré dans une profonde dépression avant de se ressaisir 18 mois plus tard
pour solliciter l'aide de l'avocate Claude Dumont Beghi qui comprit rapidement
que la déclaration de succession de Daniel Wildenstein évaluée modestement à 42,9 millions
d'euros n'était rien moins qu'une mauvaise blague faite à sa cliente.
M° Dumont-Beghi engagea donc deux référés pour annuler cette déclaration
de succession laquelle incluait des inventaires invraisemblables concernant la
collection de Daniel Wildenstein réputée totaliser en fait près de 10 000
tableaux dont la valeur globale pouvait déjà être susceptible d'être estimée à
plus de 9 milliards d'euros. C'est ainsi que l'avocate obtint d'abord gain de cause, la
cour d'appel de Paris estimant en avril 2005 que Mme Sylvia Wildenstein, née
Roth, était mariée sous le régime de la communauté et que de ce fait ses droits
d'héritière devaient être rétablis tout en reconnaissant que ses beaux-fils
s'étaient appropriés l'intégralité de la fortune de leur père, laquelle restait
à être déterminée tant en France qu'à l'étranger via le travail d'un expert, la
plaignante se voyant pour sa part octroyer une avance de 15,5 millions d'euros
à valoir sur ses droits dans le partage de la succession.
Ces deux procès ont mis quelque part en lumière le rôle joué par Guy et
Alec Wildenstein, notamment au cours d'une réunion tenue en compagnie de leurs
avocats de Paris, Londres, New York et Zurich. Ce jour là, Sylvia Wildenstein
fut carrément cernée de toutes parts afin de comprendre qu'il était de son
intérêt de renoncer immédiatement à la succession de son mari en raison de
nombreux risques, notamment fiscaux, qu'elle ne pourrait à l'évidence assumer
alors que ses interlocuteurs lui avaient sciemment caché l'état véritable de la
fortune de Daniel Wildenstein.
Victime d'un abus de faiblesse selon son conseil, Sylvia Wildenstein avait donc été
écartée sans ménagement de la succession de celui qui avait été son compagnon
durant 40 ans.
Détenant exclusivement les éléments de cette succession, Guy et Alec
ont ensuite tenté de freiner les procédures engagées à leur encontre en
recourant à diverses parades juridiques pour ne pas payer l'avance octroyée par
la Cour d'appel à leur belle-mère. Ils ont ainsi allégué au passage que leur
père était convaincu d'être marié sous le régime de la séparation de biens
organisé par la loi américaine pour aller jusqu'à réclamer des dommages et
intérêts colossaux à titre de préjudice en signalant que la somme allouée à Sylvia
dépassait de loin la part censée lui revenir dans la succession sans oublier
que l'attention donnée par la presse à leurs déboires judiciaires avait gravement porté
atteinte à leur réputation.
En réponse à leurs arguments, Claude Dumont-Beghi s'est sans cesse attachée à
démontrer que la valeur donnée à la succession de Daniel Wildenstein semblait
ridicule du fait que ce dernier était déjà à la tête de l'Institut portant son
nom lequel était l'éditeur des nombreux catalogues raisonnés qu'il avait
lui-même rédigés ou co-signés notamment sur Monet, Ingres, Velasquez, Gauguin,
de La Tour, des maîtres dont il possédait des dizaines d'œuvres importantes
sans compter que l'Institut disposait de 400 000 livres et répertoires représentant
le plus important fonds de recherche au monde et qui avec ses locaux pourrait
valoir au bas mot plus de 400 millions d'euros…
Bref, dans une décision rendue le 20 juin 2006, la Cour de Cassation a
confirmé irrévocablement Mme Sylvia Wildenstein dans ses droits d'héritière
selon le régime de la communauté puis, à la suite de cet arrêt, les experts
nommés pour estimer les biens du défunt ont remis le 31 décembre 2006 leur
rapport dans lequel les meubles corporels de ce dernier étaient évalués à plus
de 121 millions d'euros auxquels pouvait être ajouté une somme de 380 millions
d'euros représentant la valeur des tableaux de Bonnard qu'il avait acquis sans
que la preuve soit apportée que cet achat avait été effectué au nom de la
société Wildenstein & Co Inc.
Basant leur travail sur trois hypothèses après avoir estimé que Sylvia
Wildenstein possédait des chevaux évalués à près de 600 000 euros et des bijoux
susceptibles de valoir jusqu'à plus de 5 millions d'euros, les experts avaient
repris une liste de biens énumérés par les parties, et notamment par Sylvia,
avant d'apprendre juste à la fin de leur travail l'existence de trusts
familiaux dans lesquels une part substantielle du patrimoine des Wildenstein
aurait été transférée. Faute d'éléments probants en leur possession, les
experts avaient donc été dans l'incapacité d'estimer l'état réel de la fortune
de Daniel Wildenstein, vraisemblablement dix fois supérieure au montant global
figurant sur leur rapport.
Quoi qu'il en soit, Sylvia Wildenstein n'a jamais pu obtenir les avances
réclamées à titre de provision à l'issue des jugements qui lui étaient
favorables pas plus que la remise par les fils Wildenstein de documents
concernant ces fameux trusts où la plus grande partie de la fortune
patrimoniale était à l'abri, un point que la pugnace Claude Dumont-Beghi a
voulu mettre en exergue.
Las, le 1er octobre 2008 la 2e chambre de la Cour
d'appel a cassé les deux premiers jugements en faveur de Sylvia Wildenstein en
décidant non seulement que la première déclaration de succession était la seule
valable mais que l'évasion du patrimoine de son mari dans des sociétés
étrangères et des trusts était conforme à la tradition familiale de
transmission des biens aux héritiers directs et que de ce fait, elle ne pouvait
être imputable à ses fils et n'avait pas nécessairement pour objectif de léser
leur belle-mère.
Après un combat acharné contre un panel de
redoutables avocats, M° Dumont-Beghi n'a pu alors obtenir que la réintégration
dans la succession d'un tableau du Caravage , "Le Joueur de Luth", estimé à 100 millions d'euros qui
avait été prêté au Metropolitan Museum ainsi que la réévaluation à 20 millions
d'euros et non deux millions de la propriété de Marienthal possédée par Daniel
Wildenstein.
Le 20 mai 2009, la Cour de cassation n'a pas plus donné satisfaction à
Sylvia Wildenstein en rejetant l'essentiel de ses demandes, notamment au sujet
des trusts, et en allant même jusqu'à considérer que son mari n'avait acquis
aucun bien à titre personnel pendant les années où il avait été marié.
Pourtant, quelques jours auparavant, de nouvelles pièces prouvant que
d'autres trusts en dehors de ceux évoqués en justice- les David et Sylvia
trusts- n'avaient pas été déclarés par les fils Wildenstein, notamment le Delta
Trust, Sons Trust ou David Trustdétenant notamment les propriétés du Kenya et des Îles Vierges, des
tableaux, des œuvres d'art et des élevages de chevaux, M° Dumont-Beghi
signalant qu'un trust était un instrument idéal pour tourner certaines
interdictions et éviter des taxes fiscales alors que dans le cadre d'une
succession ouverte en France par un citoyen français résidant dans le pays,
Daniel Wildenstein était soumis à la loi imposant le rapport de tous les trusts
au jour de son décès.
Ces trusts auraient donc dû être rapportés spontanément surtout qu'en
s'abstenant de le faire, les bénéficiaires s'étaient rendus coupables de recel
de succession alors qu'après la disparition de leur père des millions d'euros
leur auraient été distribués via ces montages à l'étranger.
Loin de s'avouer vaincue,Madame
Sylvia Wildenstein a engagé un recours en révision le 3 juin 2009 puis déposé
plainte auprès du parquet pour abus de confiance concernant le SonsTrustfaute d'avoir reçu les éléments qu'elle
avait réclamés.
C'est peut-être à partir de ce moment là
qu'elle a mesuré à quel point il serait difficile de démêler les savants
systèmes mis en place pour préserver le fabuleux patrimoine de la dynastie
Wildenstein où comme dans tout autre grande famille, les femmes ont été
d'habitude tenues à l'écart des affaires de leurs époux, ce qui n'a pas empêché
Sylvia de revendiquer sa part sur la galerie de New York du fait que celle-ci
dépendrait d'un trust créé par Georges dont les seuls bénéficiaires auraient
été son fils Daniel et sa fille Miriam, dont les parts seraient revenues à Guy et
Alec après sa mort en mai 1994.
Pour M° Dumont-Beghi, ce trust était une
donation se devant d'être rapportée à la succession de Daniel Wildenstein. Or, la
galerie de New York disposerait d'un stock de tableaux de maîtres valant entre
6 et 10 milliards de dollars…
A cela, il aurait convenu d'ajouter la
galerie Wildenstein & Co de Londres puisqu'elle aurait appartenu à 99,9% à
Daniel Wildenstein laquelle a été évaluée par ses fils à près de 320 millions
d'euros alors que de nombreux tableaux n'auraient pas été intégrés à cette
valorisation sans oublier les sommes transférées (près de 23 millions d'euros)
par cette galerie à celle de New York depuis le décès de Daniel ainsi que les
meubles vendus par Christie's au nom de Wildenstein & Co Ltd. le 15 décembre
2005.
Ainsi donc la galerie de Londres aurait été
sous-évaluée alors que Sylvia Wildenstein a revendiqué un quart en usufruit de
la valeur d'un stock qui serait en réalité considérable. Mais là encore, on peut
imaginer que Daniel Wildenstein aurait eu avant tout le souci de préserver
l'intégralité de sa fabuleuse collection en la destinant en priorité à ses fils
pour ne laisser à son épouse qu'une part de ses actifs financiers.
Citoyenne américaine et vivant à Paris depuis 1964,
Sylvia Wildenstein née Roth, dont les parents originaires de Hongrie et de
Tchécoslovaquie avaient créé une Académie internationale pour la Paix, avait
rencontré Daniel cette année-là avant de devenir son épouse en 1978. En 1999,
son mari avait créé le Sylvia Trust en la désignant comme bénéficiaire afin de
la préserver sa vie durant. Or, 19 tableaux de Bonnard importants auraient fait
partie de ce trust situé au port franc de Genève: « Paysage à la maison
jaune »,« Vase de fleurs ou fleurs au pichet
vert »,« Jardin du midi », « plateau de fruits ou pêches
dans une assiette sur une chaise »,« Intérieur au Cannet »,
« Paysage au Canet, les arbres blancs »,« La route, paysage au
Cannet », « Plateau de fruits ou pêches dans une assiette »,« Corbeille
de fruits (le Cannet) ou pommes dans un plat sur nappes »,« Coin de
maison »,« Nature morte, fruits »,« Paysage du
Cannet : vue des toits ou vue panoramique du Cannet »,« Avenue
du bois de Boulogne »,« Fruits et cruches or nature morte aux pêches
et pot jaune », « Pleine Mer »,« Le jardin : cactus »,« Nu
rose à la baignoire »
et « Le gant de crin ».
N'empêche, selon M° Dumont-Beghi, les héritiers de Daniel ne s'étaient pas
privés dès la mort de leur père de prendre possession du « Nu Rose à la
Baignoire » qui était accroché au domicile conjugal du 20 avenue Montaigne
alors que sa veuve n'a toujours pas eu la jouissance de ces tableaux de Bonnard depuis
lors.
L'avocate de Sylvia a ajouté que suite au
décès de son époux, ce Trust a été immédiatement contrôlé par Alec et Guy Wildenstein et
que de ce fait elle avait engagé une procédure en 2004 devant la Cour Suprême
des Bahamas qui lui avait permis d'obtenir gain de cause ce qui avait amené
ceux-ci à contre-attaquer pour bloquer l'usage de ce Trust dans l'attente d'une décision de cette cour laquelle n'a pas donné suite à la demande de la veuve Wildenstein qui avait invoqué
des raisons médicales pour pouvoir vendre ces tableaux.
Sylvia Wildenstein a également revendiqué sa part sur les trusts dont
les célèbres élevages de chevaux appartenant à son mari faisaient partie
d'autant plus que de nombreux purs-sangs n'avaient pas été déclarés à sa mort
alors que la valeur de ces élevages n'avait été estimée qu'a quelque 805
millions d'euros, une somme irréaliste aux yeux de la demanderesse.
M° Dumont-Beghi n'a pas manqué au cours de sa longue bataille
judiciaire de dénoncer selon elle une collusion entre les conseils des
héritiers Wildenstein pour engager alors des actions contre ces derniers pour avoir incité
Sylvia Wildenstein à renoncer à la succession de son mari en lui faisant croire
que sa situation financière était complètement obérée pour la placer ainsi en
situation de faiblesse sans savoir qu'elle était bénéficiaire du
SonsTrust et d'autres trusts situés dans des paradis fiscaux.
En attendant, une ordonnance a été rendue le 24 juin 2009 au bénéfice
de Madame Sylvia Wildenstein, écartant les exceptions d'incompétence et de
nullité soulevées mais les héritiers n'ont pas manqué d'interjeter appel de
cette décision.
Enfin, M° Dumont-Beghi n'a pas hésité à aller plus loin en affirmant
que les fils Wildenstein et leurs conseils avaient organisé une fraude fiscale
avant le décès de leur père, fraude d'ailleurs dénoncée par sa veuve à
l'administration fiscale en avril, mai et juin 2009. Pour M° Dumont-Beghi la succession de Daniel Wildenstein se devrait donc comme tout autre être
soumise aux principes d'ordre public en matière de succession et de droit
international privé, à savoir la loi successorale française du 3
janvier 1972 alors qu'en l'espèce, sa veuve a été trompée dans ses droits via
des détournements sur le plan civil et fiscal.
Dans cette lutte du pot de terre contre le
pot de fer, et c'est le cas de le dire puisque la dynastie Wildenstein a su se
blinder d'une manière efficace pour protéger son magnifique patrimoine, Sylvia
Wildenstein a bien évidemment éprouvé toutes les peines du monde pour obtenir gain
de cause au cours d'une interminable bataille judiciaire qui a fait les choux gras de la
presse internationale. Face à elle, Guy Wildenstein a semblé déterminé à ne
rien lâcher après avoir apparemment commis avec son frère l'erreur de ne pas être
assez généreux à son égard après la mort de son mari pour éviter ultérieurement un déballage plus
que gênant en justice qui aura déjà eu pour effet de ternir l'image d'une
grande dynastie de marchands et faire de Sylvia une martyre du monde des happy
few…