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LA VEUVE DE DANIEL WILDENSTEIN DANS LA FOSSE AUX LIONS Par Adrian Darmon
28 Mars 2010
Catégorie : FOCUS
Initiateur malgré lui d'une terrible guerre autour de son héritage entre sa veuve Sylvia et ses fils nés d'un premier mariage, Daniel Wildenstein, mort en octobre 2001, avait tout fait pour préserver le fabuleux patrimoine familial enrichi au cours de trois générations sans apparemment prendre la précaution de protéger sa seconde épouse avec qui il avait vécu durant près de 40 ans.

Décédé des suites d'un cancer de l'estomac, le grand marchand d'art n'avait probablement pas imaginé que sa disparition entraînerait une violente bagarre judiciaire entre sa seconde épouse et ses fils Guy et Alec, tous deux déterminés à protéger leur patrimoine en allant jusqu'à inciter cette dernière à renoncer à la part qui lui revenait dans sa succession après lui avoir fait croire que leur père n'avait laissé que des dettes derrière lui.

Au vu des démêlés examinés par les tribunaux depuis le moment où Sylvia Wildenstein s'est rendue compte qu'elle avait été trompée sur l'état véritable de la fortune de son mari, les observateurs n'ont pas manqué de se demander comment un homme aussi avisé et intelligent que Daniel Wildenstein avait pu la traiter comme une simple favorite tout juste bonne à être congédiée sur le champ par ses héritiers directs, ce qui tendrait à faire croire que le légendaire collectionneur et marchand d'art avait un côté salement machiavélique pour se soucier aussi peu de celle qui partageait sa vie.

La vérité est semble-t-il plus prosaïque et tiendrait au fait que Daniel ne s'attendait pas à disparaître aussi rapidement puisque trois mois à peine avant sa mort, il menait ses affaires sans déroger à ses habitudes, un peu comme s'il avait eu la certitude de vivre encore longtemps sans se douter que l'opération qu'il allait subir après être tombé malade durant l'été de 2001 allait lui être fatale. Evidemment, ce dernier avait eu largement le temps de prendre des dispositions visant à préserver les intérêts de sa famille pour transmettre l'intégralité de son patrimoine à ses fils mais on peut logiquement penser qu'il aurait eu le souci de prémunir sa veuve en lui allouant une large dotation, ce qui malheureusement n'a pas été le cas puisque Guy, né en 1945 et Alec, né en 1940 et décédé en 2008, n'ont apparemment eu en tête que de laisser des miettes à leur belle-mère.

Cette affaire d'héritage est venue ternir l'image d'une dynastie de grands marchands créee dans les années 1870 par Nathan Wildenstein, fils d'un rabbin né en 1852 à Fegersheim en Alsace, qui commença à travailler comme chiffonnier avant de vendre des peintures du XVIIIe siècle à Carcassonne puis à Paris, rue de la Boétie, où il fit fortune. Mort en 1934 après avoir subi de plein fouet la crise de 1929, Nathan parvint néanmoins à laisser un bel héritage à son fils Georges (1892-1963) lequel ne manqua pas de le faire fructifier jusqu'en 1940.

Fuyant les persécutions nazies, ce dernier se réfugia au début de l'année 1941 à New York en laissant une grande partie de sa collection à la garde de son homme de confiance Roger Dequoy lorsque sa galerie fut aryanisée tandis que plusieurs de ses fidèles employés parvinrent à cacher le reste.

Le fait que Georges Wildenstein fût un des rares marchands et collectionneurs juifs à pouvoir sauver sa collection des griffes des nazis souleva plus tard des interrogations dérangeantes à son sujet, notamment dans un livre publié par l'historien Hector Feliciano qui laissa entendre qu'il avait été épargné par les Allemands en échange de renseignements concernant la localisation de collections sur lesquelles ceux-ci cherchaient à mettre la main.

Revenu à Paris en 1945, Georges Wildenstein put récupérer l'ensemble de sa collection et prospérer à nouveau jusqu'en 1963 pour transmettre un magnifique patrimoine à son fils Daniel né en 1917 et qui à 46 ans avait jusque là vécu plutôt sous sa coupe avant de devenir le nouveau maître de la célèbre maison Wildenstein. Après avoir étudié à la Sorbonne, il avait débuté sa carrière comme responsable des manifestations publiques du musée Jacquemart-André à Paris, et au Musée de l'Abbaye de Chaalis tout en organisant diverses expositions prestigieuses, notamment sur Léonard de Vinci et Toulouse-Lautrec.

Dirigeant alors la Gazette des Beaux-Arts, créée un siècle plus tôt et appartenant à sa famille depuis une trentaine d'années, Daniel franchit un nouveau cap en 1970 lorsqu'il créa avec sa sœur Miriam Pereire, le Wildenstein Institute, une fondation d'histoire de l'art notamment spécialisée dans la publication des catalogues raisonnés de nombreux artistes, dont le catalogue complet des œuvres de Claude Monet, un institut devenu aujourd'hui un centre documentaire d'histoire de l'art de tout premier plan, avec plus de 400 000 ouvrages dans ses rayons. Dans les années 1960, Wildenstein avait pratiquement fermé ses bureaux parisiens et fait de New York le quartier général de son commerce après avoir épousé Sylvia Roth.

Entré en 1971 comme membre libre à l'Académie des Beaux-Arts, Wildenstein fit merveille pour enrichir la fabuleuse collection réunie par Nathan et Georges via l'acquisition de toiles de maîtres des XVIIIe et XIXe siècles jusqu'à posséder 20 Renoir, 25 Courbet, 10 Van Gogh, 10 Cézanne, 10 Gauguin, 8 Rembrandt, 8 Rubens, 9 El Gréco, 5 Tintoret, 2 Botticelli plus une grande quantité de tableaux de Boucher ou Fragonnard ainsi que plusieurs tableaux de Bonnard pour parvenir à un ensemble totalisant 10 000 oeuvres.

Petit par la taille mais doté d'un immense savoir et d'un incroyable flair pour dénicher des trésors, Daniel Wildenstein était parvenu à dépasser son père en devenant comme une sorte de pape du marché de l'art omnipotent en pouvant aller jusqu'à se permettre de conférer le statut de chef d'oeuvre à un tableau dans lequel d'autres experts n'auraient pas vu la patte d'un maître.

Les révélations de Feliciano avaient plus qu'attristé Daniel Wildenstein qui s'était inquiété à raison de leurs retombées sur la réputation de son père, ce qui l'avait amené à expliquer qu'il s'était enfui en juin 1940 de Paris avec sous le bras un petit tableau de Seurat qu'il avait reçu en cadeau pour son 5e anniversaire pour rejoindre l'Espagne où les autorités espagnoles avaient décidé de l'expulser vers la France et de le remettre aux Allemands. Daniel avait souligné qu'il avait eu la chance d'être sauvé par un douanier français avant de retrouver ses parents et sa soeur à Pau pour ensuite atterrir à Aix-en-Provence où sa famille avait résidé durant six mois à l'hôtel du Roi-René.

Il avait aussi rappelé que Vichy avait retiré la nationalité française à sa famille, une véritable insulte à son grand-père qui avait placé l'amour de son pays avant celui de sa propre famille, et que pour pouvoir quitter le pays, il s'était rendu à Vichy où il avait rencontré Roger Stora, un cousin par alliance de sa mère qui était le secrétaire de Pierre Laval depuis 20 ans et que grâce à ce dernier, il avait pu obtenir en dix minutes des papiers qui permirent à sa famille de quitter la France en janvier 1941.

Daniel avait tenu à expliquer que les bureaux vides de la maison Wildenstein avaient vite été occupés par les nazis, notamment les agents de l'ERR, organisation chargé du pillage des biens juifs créée par Alfred Rosenberg, venus en compagnie de Bruno Lohse, le conservateur de Goering, et Karl Haberstock, le marchand attitré du Dr Posse qui était chargé d'organiser la future collection d'art d'Adolf Hitler au musée de Linz.

Selon Daniel Wildenstein, une partie du stock était toujours sur place mais l'essentiel des chefs-d'oeuvre avait déjà été volé. Par ailleurs, Roger Dequoy avait essayé de limiter les dégâts en tentant de composer avec Haberstock lequel avait tenté de soustraire des toiles magnifiques entreposées avec les collections du Louvre au château de Sourches. Dequoy et Haberstock se connaissaient en fait depuis les années 30 après que le Français eût donné un coup de main au marchand allemand lorsque celui-ci avait monté une affaire à Londres. A cette époque, Haberstock avait confié à Dequoy les titres de sa société et quelques papiers propres à le faire chanter au risque de se faire fusiller par les Allemands. Ce fut de cette manière que Dequoy put préserver une petite partie du stock et ces quelques toiles de Sourches.

Daniel s'était toujours demandé si Dequoy avait agi pour lui ou sa famille en notant que durant l'Occupation, ce dernier ne s'était privé de faire de nombreuses affaires avec Haberstock avant d'acheter un superbe appartement rue Saint-Florentin garni de beaux meubles et des tableaux appartenant pour la plupart à la famille Wildenstein qu'il avait certes restitué à la Libération à l'exception des tapisseries soi-disant confiées à une personne qui n'avait pas voulu les rendre et que son père Georges avait dû racheter en désespoir de cause.

Daniel avait cependant reconnu qu'en novembre 1940, Karl Haberstock était venu voir son père à Aix-en-Provence pour lui demander ouvertement de «dénoncer les collections juives»,c'est-à-dire les tableaux de ses clients. Il avait ajouté que ce marchand allemand s'était.montré à cette occasion très respectueux et en aucun cas menaçant en revenant néanmoins à la charge à plusieurs reprises mais que son père avait fait la sourde oreille alors que son interlocuteur ne savait pas que toutes les réponses qu'il cherchait à obtenir se trouvaient à la maison Wildenstein à Paris où étaient restées des archives ultra-sensibles.

Dans des tiroirs, au premier étage, il y avait les papiers les plus secrets de la société, des fiches très documentées et réactualisées en permanence sur les collections particulières. Nathan, qui avait commencé ces archives au XIXe siècle, avait pris l'habitude de prendre des notes dès qu'il allait chez un collectionneur pour répertorier les oeuvres qu'il examinait. Georges avait par la suite fait de même du fait que ces informations étaient absolument indispensables pour réaliser les catalogues raisonnés. Tout était donc classé par artiste, dans de grandes enveloppes avec le descriptif du tableau, la photo, s'il avait été reproduit, les provenances,. son parcours avec le nom du dernier propriétaire et son adresse. Par chance, les Allemands ne s'emparèrent pas de ces précieux documents en ignorant que les Wildenstein étaient les seuls marchands sur la place à avoir de telles archives déménagées miraculeusement par Mlle Griveau, la secrétaire de Georges qui s'employa à stocker chez elle près de 500 kilos de documents après avoir fait plusieurs voyages périlleux entre la galerie et son domicile.

Il y avait eu aussi le vieux Marcel, maître d'hôtel de la famille qui cacha toute l'argenterie chez lui pendant la guerre, et les magasiniers Raoul et Eugène lesquels dissimulèrent une quarantaine de chefs-d'oeuvre dans des loges de concierge que tenaient leurs épouses respectives et le comptable Mollard qui berna les Allemands tant qu'il pût. Pour Daniel, ces gens avaient été extraordinaires nonobstant le fait qu'ils avaient réussi à marquer leurs distances avec le redoutable Dequoy qui ne fut jamais au courant de ce qu'ils avaient fait.

N'ayant pas été inquiété par les comités d'épuration à la Libération, Dequoy fut d'une certaine manière congédié par Georges Wildenstein lequel ne lui ferma pas sa porte puisque celui-ci continua néanmoins de venir lui dire bonjour au moins deux fois par semaine. La mansuétude de Georges, noble à première vue, parut toutefois suspecte aux yeux de ceux qui estimèrent que son rôle durant l'Occupation n'avait pas été clair.

Daniel se sentit donc en devoir de signaler que son père avait été magnanime à l'égard Dequoy parce que ce dernier avait fait des miracles à Londres en pleine crise de 1929 alors que la vie de la maison Wildenstein avait été en jeu. D'autre part, son père et lui-même l'aimaient bien malgré le rôle ambigu qu'il avait joué durant l'Occupation.

Face à une telle manifestation de gentillesse, d'aucuns seraient amenés à trouver impensable que Daniel n'aurait désiré accorder qu'une portion congrue de son héritage à celle qui partagea sa vie durant 40 ans, ce qui signifierait qu'il avait simplement oublié de stipuler dans un testament la part qui reviendrait à son épouse après sa mort. Ayant pris depuis longtemps des dispositions pour protéger son fabuleux patrimoine en le mettant à l'abri de trusts enregistrés dans des paradis fiscaux, Daniel Wildenstein n'aurait donc pas eu le temps de se préoccuper des détails de sa succession "officielle" en croyant dur comme fer qu'il vivrait encore quelques années de plus pour s'y atteler. Le destin ainsi que la détermination féroce de ses héritiers à préserver l'intégralité de son immense patrimoine en ont  donc voulu autrement pour conduire alors à une incroyable bataille judiciaire que Guy Wildenstein a fait traîner en espérant vraisemblablement que sa belle-mère n'aura pas suffisamment d'années devant elle pour sortir gagnante de la fosse aux lions.

 

Adrian Darmon

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