Le marché de l'art a été affecté en profondeur par la crise monétaire qui a secoué la planète durant l'automne de 2008 mais aussi par les changements de goûts des individus qui ont choisi de vivre avec leur temps en considérant désormais les antiquités comme désuètes.
Pourtant, les ventes organisées dans le monde n'ont pas baissé de manière significative en 2009, ce qui laisserait croire que le marché a été épargné par la crise, surtout si on en juge par le nombre d'enchères ayant dépassé la barre du million d'euros durant l'année passée. Toutefois, à y regarder de plus près, les résultats exceptionnels enregistrés dans certains domaines, notamment l'art asiatique, la peinture ancienne, l'Art Déco ou la peinture moderne, ont surtout été le fait de très riches collectionneurs alors que les prix pour les pièces de qualité moyenne se sont pratiquement écroulés dans l'ensemble.
Les achats portés sur des pièces Art Déco ou des oeuvres signées de Picasso, Lucian Freud, Francis Bacon, Alberto Giacometti, Mark Rothko et d'autres maîtres qui ont eu le vent en poupe sur le marché ont eu en fait un caractère spéculatif pour la plupart.
Par ailleurs, le nombre de foires aux antiquités organisées ça et là en Europe a diminué fortement depuis 2005 sans compter que la qualité y a été de moins en moins visible. Résultat: les foires à la brocante ont complètement perdu de leur intérêt.
Le pire est que les goûts ont changé et pour s'en faire une idée précise, il suffit simplement d'assister régulièrement aux ventes organisées à l'Hôtel Drouot où bien des lots se vendent pour presque rien. Les armoires massives ne trouvent plus d'acheteurs, les commodes Louis XV ou Louis XVI d'époque qui valaient 10 000 euros il y a dix ans sont souvent adjugées dix fois moins, les objets de Haute Epoque se vendent désormais mal, l'art contemporain a chuté de 25% en un an tout comme les prix des tableaux de l'école de Barbizon et les faïences, hormis celles de 16e siècle et avant, intéressent moins les amateurs.
Il y a ainsi les grands collectionneurs qui ont permis au marché de donner l'illusion qu'il se maintenait malré la crise et les petits qui achètent pour se faire plaisir sans chercher à revendre leurs pièces dont leurs enfants se débarrasseront sans regret après leur disparition, ce qui signifie au passage que la qualité est devenue appauvrie dans les salles de vente alors que les objets qui sortent de l'ordinaire ne manquent pas de dépasser allègrement leurs estimations.
Le plus inquiétant est que le contingent des amateurs se réduit de décennie en décennie en vieillissant sans se renouveler par la même occasion alors que la génération des 30-50 ans, peu encline à acheter de l'ancien, ne s'intéresse au mieux qu'au design, plus conforme à ses goûts.
Le marché aux Puces de Saint-Ouen représente pour sa part un autre baromètre du marché et vu le marasme qu'il traverse, on peut craindre de le voir disparaître d'ici 2025 tant le nombre de marchands défaillants s'est accru dernièrement.
Considéré comme une véritable caverne d'Ali Baba dans les années 1980, ce marché est devenu terriblement tari après avoir perdu une grande partie de sa clientèle étrangère. Les amateurs Américains l'ont déserté tout comme les Britanniques, les Allemands, les Espagnols, les Italiens et les Japonais dont les dépenses représentaient plus de 70% du CA global des Puces. Autant dire que les brocanteurs de ce lieu autrefois mythique sont irrémédiablement condamnés à disparaître.
Autre constat inquiétant, nombre de boutiques d'antiquités situées dans Paris ont disparu alors que le Village Suisse a fini par devenir moribond et que le Louvre des Antiquaires a vu le contingent de ses locataires se réduire de 20% en un an. Dans ce contexte, seules les très grandes galeries exposant des oeuvres proposées à plus de 50 000 euros l'unité sont parvenues à tenir le coup.
Si le marché a pu limiter la casse en 2009 grâce à des enchères mirobolantes portées par des amateurs jouant la spéculation à long terme, il n'en sera probablement pas de même en 2010 puisque depuis le début de l'année, l'Hôtel Drouot et d'autres salles de vente ont tourné au ralenti sans oublier que leurs catalogues sont quelque peu devenus des fourre-tout avec des lots disparates et des estimations ridiculement basses visant à inciter les amateurs à se déplacer lesquelles parviennent rarement à entraîner des enchères percutantes. Le fait est que ce n'est pas seulement la crise qui a laissé des traces sur le marché mais aussi le changement de comportement des individus pour qui les antiquités ne représentent aucun intérêt.
A.D