La résistance plutôt étonnante du marché de l'art face à la crise boursière et financière qui a affecté la planète depuis l'automne 2008 a amené nombre d'analystes à relever que celui-ci avait profité de la mondialisation et surtout de l'augmentation du nombre des milliardaires en dollars à travers la planète.
Un tel constat est cependant loin d'être pertinent pour la bonne raison qu'il repose sur des analyses plutôt trompeuses qui ne concernent en fait qu'un segment particulier, à savoir le haut du panier.
Qui dit haut du panier dit clientèle privilégiée, c'est à dire les milliardaires en dollars de la planète qui malgré la crise ont dépassé le millier en 2009, pour être 20% de plus par rapport à 2008, parmi lesquels font partie quelque 150 acheteurs actifs sur le marché pour se disputer des œuvres d'artistes ayant notamment pour noms Damien Hirst, Jeff Koons, Richard Prince, le Japonais Murakami et quelques Chinois qui ont tous eu en commun d'avoir provoqué une rupture dans le domaine de la création pour devenir les produits phares de l'industrie de l'art.
Depuis un demi siècle, les Etats-Unis ont fait régner leur loi dans le domaine de la culture non pas en terme de qualité mais au niveau de la diffusion interplanétaire comme dans le domaine du cinéma ou de la littérature alors que la vieille Europe s'est cantonnée dans un registre plutôt suranné où la quintessence intellectuelle ou esthétique a conservé un caractère limitatif.
Les Etats-Unis ont eu une approche résolument commerciale dans le domaine de l'art après l'émergence des artistes du Pop Art et de leur pape Andy Warhol pour asseoir une hégémonie longtemps sans partage avant de subir désormais la concurrence de pays émergents comme la Chine qui aujourd'hui forme des bataillons d'artistes pour imposer sa culture hors de ses frontières.
Jusqu'à présent, les galeries américaines ont tenu le haut du pavé en vendant à prix d'or les œuvres d'artistes comme Warhol, de Kooning, Pollock, Jasper Johns, Liechtenstein, Prince, Rothko ou Basquiat pour ne citer que ceux-ci, des créateurs crédités au niveau des prix d'un zéro de plus que la plupart des artistes de la vieille Europe qui en dépit de la création de l'Union Européenne reste vissée dans une forme de nationalisme à tout crin sans aucune possibilité d'unir ses forces pour contrer la puissance américaine. Cette hégémonie américaine est appelée néanmoins à faiblir rapidement ne serait-ce déjà sous les coups de butoir de la Chine dont une douzaine d'artistes sont maintenant cotés à plus de 5 millions de dollars. Demain encore, les Américains auront à subir la concurrence de l'Inde qui a vu éclore un important vivier d'artiste alors que d'autres pays orientaux ou l'Indonésie ont fait une entrée encore discrète sur le marché mais prometteuse pour le futur.
Il n'en reste pas moins que le marché de l'art ne vit en grande partie que par l'activité de ces milliardaires, avec les Russes, les Chinois ou les Indiens venus en renfort, qui se sont constitués des collections en moins d'une décennie mais évoquer une mondialisation à cet égard serait pour le moins exagéré car il convient de se baser sur cette nouvelle notion de segment, un terme utilisé en économie pour analyser les secteurs de la manière la plus pointue qui soit.
Si on se réfère à cette notion, le marché se doit donc d'être subdivisé pour mieux comprendre ses rouages, à savoir que le segment N°1 se réfère au haut du panier avec pas plus de 150 intervenants achetant des œuvres à plus d'un million de dollars l'unité, ce qui représente un club très fermé paraissant aux antipodes d'une soi-disant mondialisation lequel fabrique à sa manière des cotes d'artistes inaccessibles aux autres collectionneurs de la planète.
Le segment N°2, en fait le plus important puisqu'il se situe vraiment à l'échelle mondiale, concerne la fabrication d'une culture de masse via la diffusion d'images produites dans des pays cherchant à imposer leurs critères aux autres, comme les USA et maintenant la Chine. Le segment N°3, dont le CA global a baissé d'environ 10% entre 2008 et 2009 se rapporte à la diffusion d'œuvres, surtout contemporaines, vendues aux enchères ou dans des galeries entre 10 000 euros et 500 000 euros l'unité alors que le segment N°4 englobe le marché de l'art traditionnel basé sur des fondements esthétiques classiques aujourd'hui en net recul même s'il intéresse encore une frange importante de collectionneurs restés attachés aux formes d'art considérées comme classiques alors que le segment N°5 concernant l'art acheté par les classes moyennes a été complètement bouleversé et même carrément éclaté depuis maintenant une décennie suite à l'apparition de nouvelles influences induites par divers courants, tel le design bon marché et l'art contemporain, venus supplanter les modes traditionnelles lesquelles sont de plus en plus délaissées avec des professionnels confrontés à une rupture brutale provoquée par le succès des nouvelles technologies qui à la longue ont modifié en profondeur le comportement de la génération des années 1980 alors qu'ils avaient su tirer profit du formidable développement de la société de consommation après 1945.
Certains sociologues comme Frédéric Martel ont parlé de « mainstream », cette sorte de courant général de nature à plaire à tous pour expliquer le bouleversement du paysage de la culture dans le monde laquelle est devenue aujourd'hui un outil économique propre à influer sur le mode de vie des individus alors que jusqu'au début du XXe siècle, l'art, réservé à une élite bourgeoise, répondait avant tout à des codes établis rarement remis en question si ce n'était à travers des modes d'expression allant à contre-courant de ceux-ci, comme ce fut le cas avec l'Impressionnisme, décrié durant trois bonnes décennies, puis Cézanne, peu apprécié des jurys des grands salons, les Nabis, les Expressionnistes, les Fauves et les Cubistes.
Le « mainstream » s'est construit à travers la fabrication de best-sellers en littérature,de hits en musique ou de films à succès sans oublierla diffusion de produits comme le pop-corn ou le Coca-Cola qui ont envahi la planète où plusieurs pays émergents ont fini par décider de répondre à l'influence américaine en développant leurs propres cultures comme en Chine ou en Inde alors que les médias musulmans ont fini par copier les recettes de Disney tandis que l'Europe a été sur le déclin.
Selon Frédéric Martel, une nouvelle guerre mondiale pour les contenus a commencé. Avec au cœurde cette guerrela culture « mainstream ». De nouveaux pays ont ainsi émergé avec leurs médias et leur divertissement de masse en décuplant leur puissance grâce à Internet, un outil idéal pour le contrôle des mots, des images et des rêves. Plaire à tout le monde, partout dans le monde est devenu un must auquel le marché de l'art lui-même n'a pas échappé, ce qui explique les difficultés rencontrées aujourd'hui par le marché traditionnel des antiquités avec une situation devenue dramatique pour les foires à la brocante et les marchés aux Puces.
Concernant l'art, la première vraie révolution fut le fait de Duchamp qui avant la Première Guerre Mondiale fit d'un urinoir une œuvre basée sur sa fameuse théorie du « Tout est art » ou ouvrant notamment la voie aux Surréalistes qui eurent plutôt pour propos de choquer les consciences ou d'introduire la notion du fantasme dans l'art jusqu'au moment ou Salvador Dali vit l'intérêt d'évoquer l'argent dans l'art.
N'oublions pas aussi que considérant les artistes européens comme suspects de sympathies communistes, comme ce fut le cas pour Picasso à la fin des années 1940, la CIA elle-même se chargea de promouvoir les artistes américains en priorité pour leur permettre de devenir rapidement les stars du marché de l'art à partir des années 1960. Depuis cette date, l'Europe a complètement perdu son hégémonie sur l'art qui a connu un nouveau tournant à la fin du 20e siècle avec les pays émergents qui ont commencé à s'opposer à l'hégémonie américaine. Là, par contre on peut parler de mondialisation de la culture à travers un développement résolument industriel des productions artistiques.
Désormais, les artistes qui travaillaient pour eux-mêmes en espérant vivre de leur art grâce à des marchands intéressés par leur talent ont maintenant été remplacés par des créateurs versés dans le marketing et s'inspirant des images issues de la société de consommation ou du monde des médias qui travaillent avec l'aide de nombreux collaborateurs pour diffuser leurs œuvres de diverses manières, que ce soit pour vendre des multiples aux enchères ou via des galeries bien implantées aux Etats-Unis, en Europe au ailleurs, ou pour inonder des centres commerciaux de reproductions de leurs marques de fabrique. On est dorénavant loin de ces artistes qui mettaient des décennies à devenir célèbres à travers des œuvres qui répondaient à des critères esthétiques bien établis, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.
Le domaine de l'art a ainsi été chamboulé en moins de trois décennies juste après la disparition de Pablo Picasso, le dernier géant de la peinture, pour laisser la place à une forme de création basée sur le marketing à outrance dont l'effet subliminal sur les nouvelles générations a été évident au point que Mickey a fini par supplanter la Joconde même si celle-ci a survécu dans les esprits sauf que pour beaucoup d'individus son image a désormais rappelé un produit comme la Vache qui rit…
Adrian Darmon
La résistance plutôt étonnante du marché de l'art face à la crise boursière et financière qui a affecté la planète depuis l'automne 2008 a amené nombre d'analystes à relever que celui-ci avait profité de la mondialisation et surtout de l'augmentation du nombre des milliardaires en dollars à travers la planète.
Un tel constat est cependant loin d'être pertinent pour la bonne raison qu'il repose sur des analyses plutôt trompeuses qui ne concernent en fait qu'un segment particulier, à savoir le haut du panier.
Qui dit haut du panier dit clientèle privilégiée, c'est à dire les milliardaires en dollars de la planète qui malgré la crise ont dépassé le millier en 2009, pour être 20% de plus par rapport à 2008, parmi lesquels font partie quelque 150 acheteurs actifs sur le marché pour se disputer des œuvres d'artistes ayant notamment pour noms Damien Hirst, Jeff Koons, Richard Prince, le Japonais Murakami et quelques Chinois qui ont tous eu en commun d'avoir provoqué une rupture dans le domaine de la création pour devenir les produits phares de l'industrie de l'art.
Depuis un demi siècle, les Etats-Unis ont fait régner leur loi dans le domaine de la culture non pas en terme de qualité mais au niveau de la diffusion interplanétaire comme dans le domaine du cinéma ou de la littérature alors que la vieille Europe s'est cantonnée dans un registre plutôt suranné où la quintessence intellectuelle ou esthétique a conservé un caractère limitatif.
Les Etats-Unis ont eu une approche résolument commerciale dans le domaine de l'art après l'émergence des artistes du Pop Art et de leur pape Andy Warhol pour asseoir une hégémonie longtemps sans partage avant de subir désormais la concurrence de pays émergents comme la Chine qui aujourd'hui forme des bataillons d'artistes pour imposer sa culture hors de ses frontières.
Jusqu'à présent, les galeries américaines ont tenu le haut du pavé en vendant à prix d'or les œuvres d'artistes comme Warhol, de Kooning, Pollock, Jasper Johns, Liechtenstein, Prince, Rothko ou Basquiat pour ne citer que ceux-ci, des créateurs crédités au niveau des prix d'un zéro de plus que la plupart des artistes de la vieille Europe qui en dépit de la création de l'Union Européenne reste vissée dans une forme de nationalisme à tout crin sans aucune possibilité d'unir ses forces pour contrer la puissance américaine. Cette hégémonie américaine est appelée néanmoins à faiblir rapidement ne serait-ce déjà sous les coups de butoir de la Chine dont une douzaine d'artistes sont maintenant cotés à plus de 5 millions de dollars. Demain encore, les Américains auront à subir la concurrence de l'Inde qui a vu éclore un important vivier d'artiste alors que d'autres pays orientaux ou l'Indonésie ont fait une entrée encore discrète sur le marché mais prometteuse pour le futur.
Il n'en reste pas moins que le marché de l'art ne vit en grande partie que par l'activité de ces milliardaires, avec les Russes, les Chinois ou les Indiens venus en renfort, qui se sont constitués des collections en moins d'une décennie mais évoquer une mondialisation à cet égard serait pour le moins exagéré car il convient de se baser sur cette nouvelle notion de segment, un terme utilisé en économie pour analyser les secteurs de la manière la plus pointue qui soit.
Si on se réfère à cette notion, le marché se doit donc d'être subdivisé pour mieux comprendre ses rouages, à savoir que le segment N°1 se réfère au haut du panier avec pas plus de 150 intervenants achetant des œuvres à plus d'un million de dollars l'unité, ce qui représente un club très fermé paraissant aux antipodes d'une soi-disant mondialisation lequel fabrique à sa manière des cotes d'artistes inaccessibles aux autres collectionneurs de la planète.
Le segment N°2, en fait le plus important puisqu'il se situe vraiment à l'échelle mondiale, concerne la fabrication d'une culture de masse via la diffusion d'images produites dans des pays cherchant à imposer leurs critères aux autres, comme les USA et maintenant la Chine. Le segment N°3, dont le CA global a baissé d'environ 10% entre 2008 et 2009 se rapporte à la diffusion d'œuvres, surtout contemporaines, vendues aux enchères ou dans des galeries entre 10 000 euros et 500 000 euros l'unité alors que le segment N°4 englobe le marché de l'art traditionnel basé sur des fondements esthétiques classiques aujourd'hui en net recul même s'il intéresse encore une frange importante de collectionneurs restés attachés aux formes d'art considérées comme classiques alors que le segment N°5 concernant l'art acheté par les classes moyennes a été complètement bouleversé et même carrément éclaté depuis maintenant une décennie suite à l'apparition de nouvelles influences induites par divers courants, tel le design bon marché et l'art contemporain, venus supplanter les modes traditionnelles lesquelles sont de plus en plus délaissées avec des professionnels confrontés à une rupture brutale provoquée par le succès des nouvelles technologies qui à la longue ont modifié en profondeur le comportement de la génération des années 1980 alors qu'ils avaient su tirer profit du formidable développement de la société de consommation après 1945.
Certains sociologues comme Frédéric Martel ont parlé de « mainstream », cette sorte de courant général de nature à plaire à tous pour expliquer le bouleversement du paysage de la culture dans le monde laquelle est devenue aujourd'hui un outil économique propre à influer sur le mode de vie des individus alors que jusqu'au début du XXe siècle, l'art, réservé à une élite bourgeoise, répondait avant tout à des codes établis rarement remis en question si ce n'était à travers des modes d'expression allant à contre-courant de ceux-ci, comme ce fut le cas avec l'Impressionnisme, décrié durant trois bonnes décennies, puis Cézanne, peu apprécié des jurys des grands salons, les Nabis, les Expressionnistes, les Fauves et les Cubistes.
Le « mainstream » s'est construit à travers la fabrication de best-sellers en littérature,de hits en musique ou de films à succès sans oublierla diffusion de produits comme le pop-corn ou le Coca-Cola qui ont envahi la planète où plusieurs pays émergents ont fini par décider de répondre à l'influence américaine en développant leurs propres cultures comme en Chine ou en Inde alors que les médias musulmans ont fini par copier les recettes de Disney tandis que l'Europe a été sur le déclin.
Selon Frédéric Martel, une nouvelle guerre mondiale pour les contenus a commencé. Avec au cœurde cette guerrela culture « mainstream ». De nouveaux pays ont ainsi émergé avec leurs médias et leur divertissement de masse en décuplant leur puissance grâce à Internet, un outil idéal pour le contrôle des mots, des images et des rêves. Plaire à tout le monde, partout dans le monde est devenu un must auquel le marché de l'art lui-même n'a pas échappé, ce qui explique les difficultés rencontrées aujourd'hui par le marché traditionnel des antiquités avec une situation devenue dramatique pour les foires à la brocante et les marchés aux Puces.
Concernant l'art, la première vraie révolution fut le fait de Duchamp qui avant la Première Guerre Mondiale fit d'un urinoir une œuvre basée sur sa fameuse théorie du « Tout est art » ou ouvrant notamment la voie aux Surréalistes qui eurent plutôt pour propos de choquer les consciences ou d'introduire la notion du fantasme dans l'art jusqu'au moment ou Salvador Dali vit l'intérêt d'évoquer l'argent dans l'art.
N'oublions pas aussi que considérant les artistes européens comme suspects de sympathies communistes, comme ce fut le cas pour Picasso à la fin des années 1940, la CIA elle-même se chargea de promouvoir les artistes américains en priorité pour leur permettre de devenir rapidement les stars du marché de l'art à partir des années 1960. Depuis cette date, l'Europe a complètement perdu son hégémonie sur l'art qui a connu un nouveau tournant à la fin du 20e siècle avec les pays émergents qui ont commencé à s'opposer à l'hégémonie américaine. Là, par contre on peut parler de mondialisation de la culture à travers un développement résolument industriel des productions artistiques.
Désormais, les artistes qui travaillaient pour eux-mêmes en espérant vivre de leur art grâce à des marchands intéressés par leur talent ont maintenant été remplacés par des créateurs versés dans le marketing et s'inspirant des images issues de la société de consommation ou du monde des médias qui travaillent avec l'aide de nombreux collaborateurs pour diffuser leurs œuvres de diverses manières, que ce soit pour vendre des multiples aux enchères ou via des galeries bien implantées aux Etats-Unis, en Europe au ailleurs, ou pour inonder des centres commerciaux de reproductions de leurs marques de fabrique. On est dorénavant loin de ces artistes qui mettaient des décennies à devenir célèbres à travers des œuvres qui répondaient à des critères esthétiques bien établis, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.
Le domaine de l'art a ainsi été chamboulé en moins de trois décennies juste après la disparition de Pablo Picasso, le dernier géant de la peinture, pour laisser la place à une forme de création basée sur le marketing à outrance dont l'effet subliminal sur les nouvelles générations a été évident au point que Mickey a fini par supplanter la Joconde même si celle-ci a survécu dans les esprits sauf que pour beaucoup d'individus son image a désormais rappelé un produit comme la Vache qui rit…