La Tate Britain de Londres consacre jusqu'au 19 janvier 2003 une rétrospective à Thomas Gainsborough, le grand maître de la peinture anglaise du XVIIIe siècle qui fut l'initiateur de la peinture romantique. Né en 1727, Gainsborough mourut en 1788 à l'issue d'une carrière couronnée de succès.
Rival de Joshua Reynolds, il fut avec ce dernier le promoteur d'un art typiquement anglais après plus de deux siècles de domination étrangère à Londres.
Au début du XVIe siècle, soucieux de développer les arts dans son pays Henry VIII fit venir à sa cour Hans Holbein lequel permit de relever le niveau artistique en Angleterre sans toutefois créer une école. Dès lors, de nombreux peintres étrangers s'installèrent à Londres, surtout au XVIIe siècle avec la venue de Van Dyck et d'une légion de peintres flamands et hollandais, pour conquérir une clientèle surtout friande de portraits et de natures mortes.
Les portraitistes anglais du XVIIe siècle furent pour la plupart des peintres sans réel talent, hormis le miniaturiste Samuel Cooper qui fut un grand maître dans son domaine mais qui ne s'exerça pas à réaliser des œuvres de grand format.
Certains peintres étrangers adoptèrent la nationalité anglaise mais la plupart n'eurent pas de disciples intéressants. Ce ne fut donc qu'à partir du début du XVIIIe siècle, alors que l'Angleterre était en pleine éclosion économique et industrielle, que des artistes typiquement anglais se mirent en évidence tel Hogarth, un peintre de mœurs extrêmement doué qui conserva cependant un esprit insulaire.
Reynolds alla à Rome tandis que Gainsborough s'abstint de se rendre dans la Ville Eternelle tout en étudiant avec Hubert Gravelot, un dessinateur et graveur qui avait été au contact de Boucher à Paris.
Marié à Margaret Burr, la fille naturelle du duc de Bedford, Gainsborough put approcher le grand monde et entamer une fructueuse carrière de portraitiste après avoir il est vrai étudié les grands maîtres de près.
Gainsborough peignit une certaine joie de vivre en représentant des gens issus d'un milieu huppé avec la grâce en prime et ce, en plaçant souvent, fait inédit alors, ses sujets en pleine nature.
Ce sont 200 tableaux représentatifs de l'œuvre de Gainsborough qui sont exposés à Londres et qui montrent sans grande ostentation les gens de la haute société.
On pourrait considérer cet artiste comme un peintre social et non de la haute société, tenté par le bucolique de la campagne anglaise mais au final, c'est comme paysagiste qu'il révèla toute l'étendue de son talent en jouant sans le savoir le rôle de pionnier de la peinture du XIXe siècle. A cet égard, Gainsborough constitua avec sa « Charrette en route pour le marché » certainement le premier chaînon qui mèna à Turner, Constable, Géricault, Boudin, Corot et les peintres de Barbizon.
On sent à travers ses paysages que Gainsborough a su tirer les leçons des peintres paysagistes flamands et hollandais du XVIIe siècle après les avoir étudiés à profusion mais en se dégageant surtout de leur influence pour aller vers un naturalisme bien appuyé.
A travers ses oeuvres, Gainsborough nous invite à des promenades solitaires dans des forêts accueillantes pour nous faire humer les senteurs des plantes, des fougères et de la terre humide.
A coup sûr, cet artiste fut un génie à l'égal d'un Goya en Espagne, d'un Watteau en France ou d'un Tiepolo en Italie mais en se limitant à un registre différent, celui du paysage à qui il sut donner une âme.
A.D