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Peintures

Ces dossiers réalisés par nos spécialistes vous permettront de découvrir, aussi bien au travers d'entretiens avec des peintres renommés que par des rétrospectives sur un genre ou courant, les trésors de la peinture au fil du temps.
Gachet

LE BON DOCTEUR N'ABUSE PERSONNE

Ouverte au public depuis le 30 janvier 1999 au Grand Palais à Paris, l'exposition de la collection du docteur Gachet, ami de Van Gogh, de Cézanne et de nombreux peintres impressionnistes, servira peut-être à confondre ces spécialistes qui n'arrêtent pas depuis trois ans de mettre en cause l'authenticité de près d'une centaine de tableaux du peintre le plus cher du monde.

Ainsi, «L'Arlésienne» du Metropolitan de New York, les «Tournesols» vendus à une société d'assurances japonaise, «Le Jardin à Auvers» ou le
«Portrait du docteur Gachet» à Orsay ne seraient rien moins que des faux !


(Sotheby's)

La polémique autour de nombreuses œuvres de Van Gogh risque d'ailleurs de lfaire beaucoup de dégâts. Ainsi, après un article du journaliste Jean-Marie Tasset qui signalait que “Le Jardin à Auvers” était vraisemblablement un faux, le commissaire-priseur Jean-Claude Binoche, qui avait vendu le tableau pour 57,7 millions FF en 1992, a réclamé 10 millions FF de dommages et intérêts au journal depuis que les héritiers de son acheteur, le défunt banquier Jean-Marc Vernes, ont demandé l'annulation de la vente. Ces derniers ont demandé à être remboursés après n'avoir pas réussi à revendre le tableau par l'entremise de M° Tajan en 1996 et ce, en grande partie à cause des articles défavorables parus dans la presse au moment de cette vente.

Il y aurait ainsi une centaine d'oeuvres qui auraient en fait été peintes par des faussaires ou des pasticheurs des tableaux de Van Gogh.
Ce n'est certes pas la première fois qu'on remet en cause l'œuvre d'un peintre. Ainsi, Rembrandt a fait les frais d'une révision drastique, le Rembrandt Research Project ramenant à environ 400 le nombre des tableaux qui peuvent lui être attribués avec certitude alors que le précédent répertoire en comptait mille.

L'industrie du faux existe cependant depuis des centaines d'années et a concerné des dizaines de peintres de grand renom, à commencer par Corot qui a été certainement le plus copié ou plagié. Ce n'est donc pas demain la veille que les faussaires cesseront leurs activités.

Le problème ne se situe pas vraiment à ce niveau mais plutôt à celui des experts qui ne sont pas toujours aussi fiables qu'on le pense. Le débat s'amplifie d'ailleurs depuis ces dix dernières années et concernant Van Gogh, les spécialistes du musée d'Amsterdam ne sont pas exempts de reproches. Souvent condescendants et imbus d'eux-mêmes, murés dans leur tour d'ivoire, ils n'ont pas engrangé un bon capital de sympathies à travers le monde.

La controverse au sujet de Van Gogh qui oppose plusieurs clans a mis le marché de l'art en ébullition, surtout quand on songe qu'il s'agit du peintre le plus cher du monde avec une enchère de 470 millions de FF (82,5 millions dollars) enregistrée sur le portrait du docteur Gachet.

Les responsables du musée d'Orsay ont voulu faire taire les polémiques en présentant d'une manière originale la collection Gachet qui comporte, outre des Van Gogh, des oeuvres de Monet, Sisley, Renoir, Pissarro ou de Cézanne.

Certains tableaux exposés dans les musées français font l'objet de contestations et pour lever les suspicions, les responsables des Musées Nationaux ont décidé de faire procéder à des examens en laboratoire concernant huit tableaux de Cézanne, huit de Cézanne, autant du docteur Gachet et de son fils ainsi que des copies réalisées par Blanche Derousse, élève du docteur.

Les analyses permettront de faire la lumière sur l'authenticité des tableaux exposés dans les musées et d'écarter définitivement le docteur et son fils de la liste des possibles faussaires.

Il est vrai que le docteur Gachet s'amusa à copier des oeuvres de Van Gogh, de Cézanne et d'autres peintres. Mais si on compare les originaux avec les copies, on peut d'emblée dire qu'il n'y a pas photo !

Alors qu'il séjournait à Auvers en 1872, Cézanne avait pastiché «l'Olympia » de Manet. Le docteur Gachet en fit une copie dont l'analyse révèle vite les lacunes d'un amateur. Ce serait une incroyable ineptie de faire croire à travers cette copie que Gachet était un faussaire. Avec ces analyses, on peut déjà se faire une idée bien nette du style de Gachet et conclure qu'il ne pouvait en aucun cas être un habile faussaire.

Les copies des oeuvres de Van Gogh réalisées par Blanche Derousse après la mort de Van Gogh en 1890 ne sont que des aquarelles de petit format qui ne sont que des documents et là encore, il n'est pas question de dénicher un faussaire.

Plus intéressantes sont les analyses des tableaux authentiques de Van Gogh qui ont révélé que les couleurs, notamment les rouges et les roses, s'étaient atténuées avec le temps.

On a découvert que Van Gogh avait utilisé une laque de géranium contenant de l'éosine, un composant destiné à raviver les rouges mais qui se dégrade à la lumière. Ainsi donc l'éosine, dont les traces restent présentes dans les oeuvres de Van Gogh, permet d'être un élément important d'authentification.
Le docteur Gachet, qui vit Van Gogh de nombreuses fois à l'œuvre, n'utilisa jamais de l'éosine dans ses pastiches alors que son fils, pour réaliser des copies, se servait de toiles différentes de celles utilisées par ce dernier. Décidément, on ne pourra jamais affirmer sérieusement que le docteur et son fils aient pu être des faussaires.

Benoit Landais, qui a été l'un des plus virulents à mettre en doute certaines des oeuvres de Van Gogh, a certes étudié des centaines de documents relatifs au peintre mais son obsession à vouloir voir des faux partout ne repose que sur des éléments qui paraissent le plus souvent simplistes. Landais voudrait que Van Gogh ait toujours peint de la même manière et n'accepte pour ainsi dire jamais la possibilité qu'il ait été moins bon ou moins précis certains jours. Ses démonstrations visant à prouver que le tableau les «Tournesols» est un faux confinent parfois au ridicule et son rejet du «Jardin à Auvers» ne repose que sur des arguments plutôt fallacieux.

Mais Landais a eu la grande chance de profiter des bourdes des spécialistes de Van Gogh, qui pour expliquer pourquoi certains tableaux contestés étaient vrais, ont présenté des conclusions souvent contradictoires et parfois dignes de révélations de tireuses de cartes. N'ayant pas apporté de preuves irréfutables, les experts de Van Gogh ont ainsi involontairement attisé le feu au sujet des faux…

Pour Landais, le faussaire principal de Van Gogh s'appelle Claude-Emile Schuffenecker. Depuis trois ans, lui et ses amis bassinent la presse et le monde de l'art avec cette théorie qui paraît aussi fumeuse que l'affirmation selon laquelle le docteur Gachet serait un faussaire.
A la fin, on a fait de Schuffenecker un peintre minable, ce qu'il n'était certainement pas.

Il reste à faire définitivement la lumière au sujet d'une centaine d'œuvres mais si les experts continuent de se bagarrer et parfois de s'insulter, il est probable que la vérité ne sortira pas rapidement du puits. Untel dit que “Les Tournesols” est authentique mais jette le doute sur “Le Jardin de l'hôpital Saint-Paul”, un autre se base sur des détails qui n'ont aucune importance concernant l'authentification de ce vase de fleurs. Bref, les alliés d'un moment peuvent devenir ennemis le lendemain au grand plaisir de Benoit Landais et de ses amis qui parviennent ainsi à intéresser les médias à leurs élucubrations.

Bien entendu, il y a probablement quelques faux tableaux dans le catalogue raisonné des œuvres de Van Gogh, peut-être une dizaine ou une vingtaine, mais il y a sans doute plus d'une cinquantaine de vrais tableaux qui ont été déclarés faux par les experts patentés du peintre durant ces trente dernières années.

LE BON DOCTEUR GACHET

Le docteur Gachet, qui ne fit pas de brillantes études, se spécialisa dans les maladies nerveuses. Franc-maçon depuis 1862, il fut un homme de progrès qui se dévoua pour soigner les blessés du siège de Paris en 1870 et inventa à cette occasion un antiseptique recommandé pour les blessures par armes à feu et blanches. Déjà en 1851, il s'était porté volontaire pour lutter contre le choléra dans l'Est. Plus tard, il n'hésita pas à donner de nombreuses consultations gratuites et sauva même dans l'Oise en 1884 un nageur de la noyade.

Serviteur de l'humanité, le bon docteur s'intéressa aux peintres dès son adolescence et collectionna les œuvres de ceux qui n'étaient pas du tout en vogue durant leur époque. Ce fut ainsi qu'il se mit à décorer sa maison d'œuvres de Manet, Monet, Sisley, Guillaumin, Pissarro et Cézanne. Certains tableaux furent achetés, d'autres donnés en échange de soins.

Ce fut seulement en 1890 qu'il reçut Van Gogh chez lui à Auvers et ce, sur la recommandation de Théo Van Gogh. Il eut seulement le malheur de se livrer à la peinture en amateur, ce qui lui vaut aujourd'hui d'être accusé par certains d'avoir été un faussaire. Cette exposition, et les analyses faites de ses pastiches, montreront certainement qu'une telle accusation ne tient pas.

On a aussi accusé le docteur Gachet d'avoir été un profiteur en obtenant à bas prix des chefs d'œuvre. On oublie encore que les tableaux qu'il collectionna n'intéressaient pratiquement personne dans les années 1875-1900 et que le bon docteur avait eu au moins le mérite d'être un grand découvreur.

L'ennui est que la controverse sur Van Gogh ne date pas d'hier et que de nombreux passionnés se sont institués spécialistes du peintre d'une manière quelque peu abusive.

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