Un
titre a toujours son importance pour expliquer un sujet, d'autant plus que son
auteur se doit avant tout de ne pas égarer son lectorat ou son auditoire sur de
fausses pistes.
Or, le titre en question peut
prêter à confusion si on ne l'explique pas d'emblée. Pour que les choses soient
claires, il paraît intéressant de l'aborder à la manière d'un kabbaliste
lorsqu'il se penche sur une phrase du Talmud.
Le mot prépondérance signifie
domination par le poids. Or, le mot domination peut paraître fâcheux à certains
égards, surtout concernant les juifs, et si prépondérance il y eut ce fut avant
tout à travers leur nombre.
Pour être exact, cette
prépondérance a été fortuite du fait qu'elle s'est créée et affirmée par la
force des choses puisque ce sont des artistes émigrés, pour la plupart juifs,
qui ont formé l'essentiel de cette école dont l'appellation est pour le
moins erronée sinon abusive.
Le mot école est plus aisé à interpréter lorsqu'il s'agit
d'évoquer en peinture l'école néo-classique, l'école de Barbizon, l'école
impressionniste, l'école cubiste ou l'école surréaliste. Toutefois, beaucoup de
gens se réfèrent aujourd'hui à l'école de Paris en oubliant qu'elle n'a jamais
représenté un quelconque un mouvement d'autant plus que les artistes associés à
cette prétendue mouvance étaient loin de peindre de la même manière. Pour
ajouter à la confusion, il y eut même deux écoles de Paris puisque des
critiques et des intellectuels s'ingénièrent à inventer une première fois ce
genre de label juste avant la Première Guerre Mondiale en parlant de peintres
demeurant à Paris, tels Picasso, Derain, Vlaminck, Van Dongen ou même Matisse.
Ce n'est finalement qu'en
1925 que le critique d'art André Warnod eut l'idée de définir l'Ecole de Paris
dans la revue Comoedia comme le groupe formé par les peintres étrangers
travaillant à Paris et parmi lesquels figuraient une grande majorité d'artistes
juifs.
Loin d'évoquer un quelconque
mouvement dans le domaine de la peinture, Warnod se contenta de signaler un
fait simplement historique. D'ailleurs, avant d'aller plus loin dans cet
article, il semble nécessaire d'expliquer le pourquoi de la présence à Paris de
tant de peintres juifs pour la plupart originaires d'Europe de l'Est. Un bref
retour à l'histoire est donc primordial.
Il convient ainsi de remonter
à la première moitié du XIXe siècle pour rappeler l'importance de
l'Emancipation des juifs en Europe qui s'était mise en marche après la
Révolution de 1789. Ainsi, les juifs sortirent progressivement des ghettos au
fil des décennies et certains d'entre eux virent leurs conditions de vie
s'améliorer. D'autres choisirent l'émigration vers l'étranger, notamment en
allant aux Etats-Unis, en Angleterre et d'autres pays d'Europe mais le
processus de l'émancipation fut pour beaucoup un long et éprouvant combat car
dans plusieurs Etats, l'accès aux universités et à de nombre de professions
leur resta interdit.
Si la situation des juifs
s'améliora pour certains, elle demeura préoccupante pour la majorité de ceux
qui vivaient en Europe de l'Est, notamment en Russie où l'antisémitisme battit
son plein, notamment après l'assassinat du Tsar Alexandre II par Ignace
Grinevitski, un fait dont on a peu soupçonné la portée car ce dernier était un
étudiant d'origine juive. Cela donna lieu à de violents pogroms à
Elisabethgrad, Odessa, Kiev et Varsovie et entraîna une forte émigration de
Juifs vers les USA et aussi la France alors que de nombreux autres
s'impliquèrent dans des mouvements socialistes comme le Bund qui s'activa en
Russie, en Pologne et en Lituanie dès 1897. L'antisémitisme avait sévi durant
des siècles en Europe en étant attisé par l'Eglise à divers moments de
l'histoire puis en étant brutalement amplifié durant les dernières années du
XIXe siècle par la police tsariste à travers la publication du « Protocole
des Sages de Sion », un livre fabriqué de toutes pièces qui fut (et
reste) un brûlot encore plus redoutable puisqu'il sous-entendait que les
juifs avaient pour but de dominer le monde alors que les événements qui
allaient suivre, tels les révolutions de 1905 et de 1917 en Russie ou la
Première Guerre Mondiale allaient être exploités par des esprits pernicieux
pour faire des juifs les premiers responsables du chaos engendrés par
leur tragédie. On comprend mieux alors les actions orchestrées par Staline dès
1924 contre les juifs tout autant que l'émergence d'Hitler à la même époque
dont le programme publié dans « Mein Kampf » promettait
ouvertement l'éradication du peuple juif d'Europe.
En dehors de la Russie, les
Juifs furent aussi confrontés à la fin du XIXe siècle à un antisémitisme tenace
dans d'autres pays, notamment en Autriche-Hongrie, en Allemagne puis en France
avec l'affaire Dreyfus en 1894. En dehors du processus de l'Emancipation, des
milliers de Juifs effrayés par les pogroms avaient quitté leurs ghettos pour
s'installer dans des villes où ils n'étaient guère les bienvenus ce qui avait
poussé nombre d'entre eux à tenter de s'assimiler en se détournant de la
religion et en s'intéressant à des activités qu'ils n'avaient pas eu possibilité
d'aborder auparavant, notamment la peinture.
Les juifs d'Europe de l'Est
émigrèrent par vagues successives et ce, depuis 1850. Ils purent ainsi aller
dans plusieurs pays en rejoignant des parents ou des amis qui s'y étaient déjà
installés. Mais pour subsister, ils durent pour la plupart exercer des petits
métiers, ce qui fut notamment le cas pour de nombreux peintres.
Ceux qui avaient décidé de se
consacrer à l'art allèrent à Vienne, à Berlin ou à Paris qui étaient les
principaux centres artistiques en Europe alors que les académies russes
restaient fermées aux Juifs qui étaient forcés de renoncer à leur religion et
de se convertir pour y accéder. Certains trouvèrent donc plus commode d'aller
vivre et étudier à Vienne et Berlin du fait que la langue allemande ne
constituait pas une barrière puisqu'ils parlaient tous le Yiddish. Toutefois,
ils furent nombreux à s'installer à Paris pour la simple raison que cette ville
était considérée comme le centre du monde au niveau artistique.
Dans leur esprit, Paris
représentait le paradis mais dès leur arrivée, la réalité eut pour la plupart
l'effet d'une gifle. Alors, comme tout étranger débarquant dans un lieu
paraissant subitement inhospitalier, ils allèrent dans les quartiers où
vivaient leur compatriotes et d'autres émigrés. Un réflexe somme toute
universel comme pour les Italiens qui s'installèrent à New York si on veut à
titre d'exemple faire un raccourci.
Les artistes venus à Paris
par vagues successives, depuis 1900 jusqu'en 1939, étaient originaires de Russie,
Pologne, Tchécoslovaquie, Lituanie, Bulgarie, Roumanie, Hongrie et même
d'Allemagne. Etudier à l'Ecole des Beaux-Arts semblait pour beaucoup un rêve
inaccessible. Par contre, la capitale regorgeait d'académies libres où ils
pouvaient étudier. On peut citer l'Académie Colarossi, l'Académie Julian,
l'Académie de la Grande Chaumière, l'Académie Ranson, l'Académie ouverte par
Matisse en 1908 ou l'Académie Moderne.
Les artistes qui vinrent à
Paris, venaient pour la plupart avec un billet en poche sur lequel était écrit « Montparnasse ».
Ce fut donc dans ce quartier qu'ils s'installèrent alors que ceux qui
choisirent Montmartre (Georges Kars, Marcel Lherman, Louis Marcoussis ou Marek
Zwarc en particulier) furent bien moins nombreux.
Il convient de signaler qu'il
y eut trois vagues d'immigration à Paris, la première à partir de 1900 jusqu'en
1914, la seconde après la Première Guerre Mondiale lorsque de nombreux juifs
préférèrent fuir la Russie communiste, échapper aux combats entre les
Soviétiques et l'armée des Russes blancs ou ne pas subir la grave crise qui
sévissait dès 1918 outre-Rhin et la troisième, lorsque les nazis prirent le
pouvoir à Berlin en 1933.
Montparnasse fut pour les
artistes juifs un territoire où, pour surmonter leur isolation, ils développèrent
des réseaux d'entraide et d'amitié en se réunissant dans des cafés devenus
célèbres aujourd'hui, comme La Rotonde, le Dôme, La Closerie des Lilas (ancien
bal Bullier) ou La Coupole dont les patrons leur échangeaient souvent des
œuvres contre des repas.
Le Dôme créé en 1898 était un
lieu de rencontre pour des artistes parlant l'allemand comme Rudolf Lévy,
Walter Bondy ou Bela Czobel lesquels côtoyaient des marchands influents comme
Alfred Flechtheim. A La Rotonde, un café repris en 1911 par Victor Libion qui
se montrait très généreux avec les artistes, on avait coutume de voir les juifs
russes comme Krémègne, Soutine, Sam Granowsky, affublé d'un costume de cow-boy,
Kikoïne ou Adolphe Feder lesquels se réunissaient plus pour oublier leur misère
que pour évoquer leurs travaux alors que la Coupole, inaugurée en 1927, fut
plus cosmopolite en attirant des artistes français et étrangers comme Kars,
David Seifert ou Arbit Blatas. Vivant chichement, ces artistes partageaient
pour la plupart leurs ateliers, notamment à la Ruche, 2 passage Dantzig, un
lieu ouvert depuis 1902 qui fut longtemps un formidable vivier de création,
notamment pour Chagall, Soutine, Alexandre Altmann, Krémègne, Jacques Chapiro,
Granowsky, Isaac Dobrinsky, Henryk Epstein ou Isaac Païles.
Ce fut notamment à la Ruche,
que les artistes juifs Krémègne, Marek Szwarc, Joseph Chaïcov et Henryk Epstein
créèrent en 1911 la première revue d'art juive Makhmadim (Les Délices)
dénuée de texte et dont le propos était purement esthétique.
Les artistes juifs vécurent
longtemps dans le dénuement mais aussi en vase clos car en dehors du territoire
de Montparnasse, ils étaient ignorés de la critique tout en étant souvent
considérés dans les journaux artistiques comme des « métèques »
venus manger le pain des Français bien avant que les relents de l'affaire
Dreyfus ne devinssent encore plus nauséabonds dans les années qui suivirent la
Première Guerre Mondiale. (Fin de la 1ere partie)
Un
titre a toujours son importance pour expliquer un sujet, d'autant plus que son
auteur se doit avant tout de ne pas égarer son lectorat ou son auditoire sur de
fausses pistes.
Or, le titre en question peut
prêter à confusion si on ne l'explique pas d'emblée. Pour que les choses soient
claires, il paraît intéressant de l'aborder à la manière d'un kabbaliste
lorsqu'il se penche sur une phrase du Talmud.
Le mot prépondérance signifie
domination par le poids. Or, le mot domination peut paraître fâcheux à certains
égards, surtout concernant les juifs, et si prépondérance il y eut ce fut avant
tout à travers leur nombre.
Pour être exact, cette
prépondérance a été fortuite du fait qu'elle s'est créée et affirmée par la
force des choses puisque ce sont des artistes émigrés, pour la plupart juifs,
qui ont formé l'essentiel de cette école dont l'appellation est pour le
moins erronée sinon abusive.
Le mot école est plus aisé à interpréter lorsqu'il s'agit
d'évoquer en peinture l'école néo-classique, l'école de Barbizon, l'école
impressionniste, l'école cubiste ou l'école surréaliste. Toutefois, beaucoup de
gens se réfèrent aujourd'hui à l'école de Paris en oubliant qu'elle n'a jamais
représenté un quelconque un mouvement d'autant plus que les artistes associés à
cette prétendue mouvance étaient loin de peindre de la même manière. Pour
ajouter à la confusion, il y eut même deux écoles de Paris puisque des
critiques et des intellectuels s'ingénièrent à inventer une première fois ce
genre de label juste avant la Première Guerre Mondiale en parlant de peintres
demeurant à Paris, tels Picasso, Derain, Vlaminck, Van Dongen ou même Matisse.
Ce n'est finalement qu'en
1925 que le critique d'art André Warnod eut l'idée de définir l'Ecole de Paris
dans la revue Comoedia comme le groupe formé par les peintres étrangers
travaillant à Paris et parmi lesquels figuraient une grande majorité d'artistes
juifs.
Loin d'évoquer un quelconque
mouvement dans le domaine de la peinture, Warnod se contenta de signaler un
fait simplement historique. D'ailleurs, avant d'aller plus loin dans cet
article, il semble nécessaire d'expliquer le pourquoi de la présence à Paris de
tant de peintres juifs pour la plupart originaires d'Europe de l'Est. Un bref
retour à l'histoire est donc primordial.
Il convient ainsi de remonter
à la première moitié du XIXe siècle pour rappeler l'importance de
l'Emancipation des juifs en Europe qui s'était mise en marche après la
Révolution de 1789. Ainsi, les juifs sortirent progressivement des ghettos au
fil des décennies et certains d'entre eux virent leurs conditions de vie
s'améliorer. D'autres choisirent l'émigration vers l'étranger, notamment en
allant aux Etats-Unis, en Angleterre et d'autres pays d'Europe mais le
processus de l'émancipation fut pour beaucoup un long et éprouvant combat car
dans plusieurs Etats, l'accès aux universités et à de nombre de professions
leur resta interdit.
Si la situation des juifs
s'améliora pour certains, elle demeura préoccupante pour la majorité de ceux
qui vivaient en Europe de l'Est, notamment en Russie où l'antisémitisme battit
son plein, notamment après l'assassinat du Tsar Alexandre II par Ignace
Grinevitski, un fait dont on a peu soupçonné la portée car ce dernier était un
étudiant d'origine juive. Cela donna lieu à de violents pogroms à
Elisabethgrad, Odessa, Kiev et Varsovie et entraîna une forte émigration de
Juifs vers les USA et aussi la France alors que de nombreux autres
s'impliquèrent dans des mouvements socialistes comme le Bund qui s'activa en
Russie, en Pologne et en Lituanie dès 1897. L'antisémitisme avait sévi durant
des siècles en Europe en étant attisé par l'Eglise à divers moments de
l'histoire puis en étant brutalement amplifié durant les dernières années du
XIXe siècle par la police tsariste à travers la publication du « Protocole
des Sages de Sion », un livre fabriqué de toutes pièces qui fut (et
reste) un brûlot encore plus redoutable puisqu'il sous-entendait que les
juifs avaient pour but de dominer le monde alors que les événements qui
allaient suivre, tels les révolutions de 1905 et de 1917 en Russie ou la
Première Guerre Mondiale allaient être exploités par des esprits pernicieux
pour faire des juifs les premiers responsables du chaos engendrés par
leur tragédie. On comprend mieux alors les actions orchestrées par Staline dès
1924 contre les juifs tout autant que l'émergence d'Hitler à la même époque
dont le programme publié dans « Mein Kampf » promettait
ouvertement l'éradication du peuple juif d'Europe.
En dehors de la Russie, les
Juifs furent aussi confrontés à la fin du XIXe siècle à un antisémitisme tenace
dans d'autres pays, notamment en Autriche-Hongrie, en Allemagne puis en France
avec l'affaire Dreyfus en 1894. En dehors du processus de l'Emancipation, des
milliers de Juifs effrayés par les pogroms avaient quitté leurs ghettos pour
s'installer dans des villes où ils n'étaient guère les bienvenus ce qui avait
poussé nombre d'entre eux à tenter de s'assimiler en se détournant de la
religion et en s'intéressant à des activités qu'ils n'avaient pas eu possibilité
d'aborder auparavant, notamment la peinture.
Les juifs d'Europe de l'Est
émigrèrent par vagues successives et ce, depuis 1850. Ils purent ainsi aller
dans plusieurs pays en rejoignant des parents ou des amis qui s'y étaient déjà
installés. Mais pour subsister, ils durent pour la plupart exercer des petits
métiers, ce qui fut notamment le cas pour de nombreux peintres.
Ceux qui avaient décidé de se
consacrer à l'art allèrent à Vienne, à Berlin ou à Paris qui étaient les
principaux centres artistiques en Europe alors que les académies russes
restaient fermées aux Juifs qui étaient forcés de renoncer à leur religion et
de se convertir pour y accéder. Certains trouvèrent donc plus commode d'aller
vivre et étudier à Vienne et Berlin du fait que la langue allemande ne
constituait pas une barrière puisqu'ils parlaient tous le Yiddish. Toutefois,
ils furent nombreux à s'installer à Paris pour la simple raison que cette ville
était considérée comme le centre du monde au niveau artistique.
Dans leur esprit, Paris
représentait le paradis mais dès leur arrivée, la réalité eut pour la plupart
l'effet d'une gifle. Alors, comme tout étranger débarquant dans un lieu
paraissant subitement inhospitalier, ils allèrent dans les quartiers où
vivaient leur compatriotes et d'autres émigrés. Un réflexe somme toute
universel comme pour les Italiens qui s'installèrent à New York si on veut à
titre d'exemple faire un raccourci.
Les artistes venus à Paris
par vagues successives, depuis 1900 jusqu'en 1939, étaient originaires de Russie,
Pologne, Tchécoslovaquie, Lituanie, Bulgarie, Roumanie, Hongrie et même
d'Allemagne. Etudier à l'Ecole des Beaux-Arts semblait pour beaucoup un rêve
inaccessible. Par contre, la capitale regorgeait d'académies libres où ils
pouvaient étudier. On peut citer l'Académie Colarossi, l'Académie Julian,
l'Académie de la Grande Chaumière, l'Académie Ranson, l'Académie ouverte par
Matisse en 1908 ou l'Académie Moderne.
Les artistes qui vinrent à
Paris, venaient pour la plupart avec un billet en poche sur lequel était écrit « Montparnasse ».
Ce fut donc dans ce quartier qu'ils s'installèrent alors que ceux qui
choisirent Montmartre (Georges Kars, Marcel Lherman, Louis Marcoussis ou Marek
Zwarc en particulier) furent bien moins nombreux.
Il convient de signaler qu'il
y eut trois vagues d'immigration à Paris, la première à partir de 1900 jusqu'en
1914, la seconde après la Première Guerre Mondiale lorsque de nombreux juifs
préférèrent fuir la Russie communiste, échapper aux combats entre les
Soviétiques et l'armée des Russes blancs ou ne pas subir la grave crise qui
sévissait dès 1918 outre-Rhin et la troisième, lorsque les nazis prirent le
pouvoir à Berlin en 1933.
Montparnasse fut pour les
artistes juifs un territoire où, pour surmonter leur isolation, ils développèrent
des réseaux d'entraide et d'amitié en se réunissant dans des cafés devenus
célèbres aujourd'hui, comme La Rotonde, le Dôme, La Closerie des Lilas (ancien
bal Bullier) ou La Coupole dont les patrons leur échangeaient souvent des
œuvres contre des repas.
Le Dôme créé en 1898 était un
lieu de rencontre pour des artistes parlant l'allemand comme Rudolf Lévy,
Walter Bondy ou Bela Czobel lesquels côtoyaient des marchands influents comme
Alfred Flechtheim. A La Rotonde, un café repris en 1911 par Victor Libion qui
se montrait très généreux avec les artistes, on avait coutume de voir les juifs
russes comme Krémègne, Soutine, Sam Granowsky, affublé d'un costume de cow-boy,
Kikoïne ou Adolphe Feder lesquels se réunissaient plus pour oublier leur misère
que pour évoquer leurs travaux alors que la Coupole, inaugurée en 1927, fut
plus cosmopolite en attirant des artistes français et étrangers comme Kars,
David Seifert ou Arbit Blatas. Vivant chichement, ces artistes partageaient
pour la plupart leurs ateliers, notamment à la Ruche, 2 passage Dantzig, un
lieu ouvert depuis 1902 qui fut longtemps un formidable vivier de création,
notamment pour Chagall, Soutine, Alexandre Altmann, Krémègne, Jacques Chapiro,
Granowsky, Isaac Dobrinsky, Henryk Epstein ou Isaac Païles.
Ce fut notamment à la Ruche,
que les artistes juifs Krémègne, Marek Szwarc, Joseph Chaïcov et Henryk Epstein
créèrent en 1911 la première revue d'art juive Makhmadim (Les Délices)
dénuée de texte et dont le propos était purement esthétique.
Les artistes juifs vécurent
longtemps dans le dénuement mais aussi en vase clos car en dehors du territoire
de Montparnasse, ils étaient ignorés de la critique tout en étant souvent
considérés dans les journaux artistiques comme des « métèques »
venus manger le pain des Français bien avant que les relents de l'affaire
Dreyfus ne devinssent encore plus nauséabonds dans les années qui suivirent la
Première Guerre Mondiale. (Fin de la 1ere partie)