Le sculpteur français Eugène Dodeigne, dont certaines œuvres monumentales sont exposées en plein air dans plusieurs villes du monde, est décédé le 24 décembre 2015i près de Bondues (Nord) à l'âge de 92 ans.
Né en 1923 en Belgique, Dodeigne avait appris dès l'âge de 13 ans le métier avec son père, tailleur de pierre tombales. Décelant son talent, ce dernier l'envoya prendre des cours de dessin et de modelage à Tourcoing puis à Paris à l'Ecole des Beaux-Arts, où il connut une véritable révélation dans l'atelier de Marcel Gimond. De 1957 à 1960, Eugène Dodeigne enseigna à L'école supérieure des arts Saint Luc de Tournai et eut comme élèves Pierre Carlier, Marc Ronet et Yvan Theys.
Ce fut sous l'influence des formes abstraites, lisses et denses de Constantin Brancusi qu'il comprit qu'une pierre, ne serait-ce qu'un simple galet, pouvait receler une énergie et une tension insoupçonnées selon le rapport que sa surface entretient avec son volume. Il emprunta alors en 1960, la voie de la pierre éclatée qui le mena à une figuration abrupte, fortement expressive, persistante jusqu'à ses sculptures les plus récentes.
Dodeigne s'imprègna aussi du dépouillement d'Alberto Giacometti et de Germaine Richier. Lorsqu'on lui demandait d'évoquer ses œuvres anciennes et ses influences, il restait évasif car à ses yeux rien ne comptait davantage que la motivation toujours fraîche et l'expression toujours renouvelée de ses sculptures et de ses dessins les plus récents.
Des expositions à la galerie Claude Bernard, à la galerie Pierre Loeb, à la galerie Jeanne Bucher, puis à Berlin, Hanovre, Rotterdam, Bruxelles et Pittsburgh lui assurèrent dans les années 1960 une reconnaissance internationale qui ne perturba jamais son exploration de la pierre taillée : en 1968, il se consacra à une série de sculptures alliant de façon inédite les surfaces lisses et les volumes irréguliers de la pierre éclatée.
Dans les années 1970, le groupe des Dix (Fondation Prouvost, Marcq-en-Barœul) consacra son évolution vers la monumentalisation qui coïncida avec le développement simultané de la sculpture en plein air dans les villes et dans les parcs. Des pierres de Dodeigne peuplèrent dès lors beaucoup de villes et de musées du Nord : Lille, Dunkerque, Villeneuve-d'Ascq, Anvers, Liège, Hanovre, Utrecht, Otterlo (Krollër-Mullër museum) puis Bobigny, Argentan et Paris, jusqu'à Grenoble en 1998 et Créteil, plus récemment.
Dodeigne avait participé à la Biennale de Paris en 1985, exposé au musée Rodin à Paris en 1988, aux Champs de la Sculpture en 1995, à Madeze in France au musée national d'art moderne en 1996, au tout nouveau parc de sculpture du jardin des Tuileries en 1999, à la Fondation de Coubertin (Saint-Rémy-lès-Chevreuse) en 2002 et confirmé son importance grandissante dans l'histoire de la sculpture de la seconde partie du XXe siècle. Il avait aussi exposé un peu partout dans le monde et son œuvre a figuré dans de nombreuses collections publiques notamment en Europe du Nord (Allemagne, Autriche, Belgique, Norvège, Pays-Bas), en France, aux États-Unis et en Suisse. Il fut élu membre de l'Académie des beaux-arts en 1999 au fauteuil d'Étienne Martin.
Dodeigne adopta dès 1955 la pierre bleue de Soignies comme matériau de prédilection, qu'il sculpta d'abord dans des volumes lisses et denses. Ces formes organiques lui valurent une reconnaissance précoce dans le milieu artistique du Nord, pouvait-on lire sur le site du Musée Rodin qui lui consacra une exposition en 2007.
« Le Nord vient de perdre un de ses derniers géants », a regretté Martine Aubry, maire de Lille, dans un communiqué.