
Commode en cabinet de Louis Perdriez vendue pour à Genève en juin 2010
En effet, le temps où les marchands pouvaient influer à leur guise sur les vacations dans les salles de vente est dorénavant révolu et ce, après que l'ont ait vu les amateurs investir progressivement les salles de vente aux enchères pour rivaliser avec ces derniers.
Lui-même antiquaire de gros calibre, Camille Burgi a parfaitement compris ce phénomène en alliant ses compétences avec Europ Auction, un groupe qui en un an a vendu une part non négligeable des pièces les plus convoitées sur le marché pour établir pas moins de cinq records mondiaux et rivaliser avec des maisons comme Sotheby's ou Christie's et ce, dans un contexte qui a été profondément modifié depuis l'an 2000.
A cette époque, les Américains étaient les principaux acheteurs du marché grâce à un dollar fort alors que l'art français était à la mode mais il y a eu les attentats de septembre 2001 puis l'intervention des troupes U.S en Irak en 2003 pour changer brutalement la donne. Résultat : le contingent des acheteurs américains s'est réduit comme peau de chagrin et les Russes, un temps très actifs, ont été moins présents sur le marché alors que les Chinois, malgré le phénoménal développement économique de leur pays, n'ont pas toujours pas manifesté un intérêt particulier pour les meubles et objets d'art français du 18e siècle.
Commode de Jean Desforges vendue 940 000 euros à Genève en juin 2010
« Il reste aujourd'hui quelques amateurs du Proche-Orient mais 95% de nos acheteurs sont des particuliers qui profitent de prix intéressants puisque ceux-ci ont baissé de près de 50% en général », a précisé Camille Burgi qui a ajouté que les meubles de la fin de l'époque Louis XIV ainsi que le Louis XV étaient maintenant les plus recherchés alors que ceux d'époque Louis XVI ou Empire marquaient le pas.
Le fait que les grands antiquaires se soient retrouvés avec moins de concurrents à Paris n'a donc pas joué en leur faveur comme on l'a constaté avec regret à la Biennale où les visiteurs n'ont pas retrouvé la poésie de naguère tandis que lors des éditions précédentes on comptait bien plus d'exposants et qu'on pouvait s'extasier devant des pièces spectaculaires montrées par de jeunes marchands motivés.

Commode à double ressaut estampillée RVLC adjugée 297 000 euros à Genève en juin 2010
Paradoxalement, la Biennale est devenue de plus en plus tournée vers l'art moderne alors que sa renommée avait auparavant reposé avant tout sur l'art français du 18e siècle mais le plus important pour que le marché parisien puisse exister est de compter sur les Salons, les foires, le marché aux Puces de Saint-Ouen, les salles de vente et les experts car finalement tout est relié dans l'univers des antiquités où un marchand digne de ce nom ne peut pas se contenter de limiter son champ d'action à ne faire que des adresses.
Pour Camille Burgi, le 18e siècle reviendra toujours à la mode du fait qu'il a été une époque marquée par le plaisir de vivre, le faste, les idées de progrès et les inventions. Il n'est donc pas étonnant qu'Europ Auction ait mis l'accent sur l'art de cette période tout en faisant aussi la part belle à d'autres domaines comme l'art contemporain qui aujourd'hui se marie souvent admirablement avec l'ancien. D'ailleurs, certains grands antiquaires comme Gismondi ou Aaron ont sauté le pas en s'intéressant à des pièces d'époques différentes comme on l'a constaté à la Biennale

Commode de Germain Landrin vendue à Drouot le 22.09.2010
Ayant gravi les échelons de sa profession avec une certaine audace, comme lorsqu'il étonna la profession en s'installant dans l'immeuble prestigieux du 77 Fg Saint-Honoré à la fin des années 1980, Camille Burgi a su insuffler son légendaire dynamisme à cette maison de vente constituée de jeunes collaborateurs dirigée par Jean-Philippe Dumonceau et cimentée autour de M° Didier Lafarge qui orchestre ses vacations avec l'endurance d'un marathonien rompu à l'exercice du maniement du marteau.
Adrian Darmon