Le Musée d'Orsay présente jusqu'au 17 septembre 2006 une exposition consacrée au peintre danois Jens Ferdinand Willumsen (1863-1958), resté inconnu en France où il travailla pourtant dès 1888 avant de s'y installer définitivement en 1916. Arrivé à Paris en novembre 1888, Willumsen poursuivit sa découverte des peintres naturalistes français qu'il avait pu voir à Copenhague. Subissant d'abord l'influence de Raffaëlli, il adopta une touche plus avant-gardiste lors d'un deuxième séjour en France, très proche du style des nabis et des Symbolistes à travers une simplification synthétique des motifs, une utilisation des aplats et des cernes et une organisation décorative de la surface de la toile.
En 1891, Willumsen figura parmi les membres de l'association d'artistes sécessionnistes danois et se consacra notamment au thème de la famille et de la transmission de la vie. Il fit ainsi les portraits de ses deux fils mais sa vie de couple traversa des difficultés qui l'amenèrent jusqu'au divorce en 1902.
Entre-temps, Willumsen avait découvert la photographie à l'occasion d'une visite à l'Exposition Universelle de Chicago et réalisa de nombreux clichés dans lesquels il se mit en scène. En 1894, après avoir regagné Copenhague, il se consacra sérieusement à la céramique avant de prendre en 1897 la direction artistique de la manufacture de porcelaines Bing & Grondal.
A la fin des années 1890, Willumsen avait pris ses distances vis-à-vis du courant symboliste français pour aller vers un expressionnisme proche de Munch et de Hodler. Il peignit ainsi la nature dans une vision synthétique en confrontant les éléments atmosphériques comme dans « Après la Tempête » de 1905 qu'il réinterpréta dans un style apocalyptique en 1916.
Au début de 1910, l'art de Willumsen connut un tournant décisif avec sa découverte du Greco auquel il consacra d'ailleurs un ouvrage en 1927. Il intensifia les couleurs et renforça les contrastes sur la toile tout en dramatisant la lumière, en rendant les raccourcis plus violents et en distordant les figures en atteignant des effets théâtraux extrêmes, comme dans « La Soupe du Soir » où il mit en scène sa seconde épouse et ses deux filles, ou encore dans des vues nocturnes de Venise peintes dans les années 1930.
Willumsen fut un adepte des grands formats en traduisant les rapports de l'homme et de la nature. « Jotunheim », une œuvre peinte en 1892 lors d'un séjour en Norvège compte parmi les chefs d'œuvre de la peinture symboliste européenne tandis qu'avec « Une Alpiniste », portrait d'Edith (1902-1904) se mesurant avec superbe aux cimes montagneuses, l'homme et la nature sont présentés sur un pied d'égalité.
Les amateurs seront peut-être déroutés par certaines oeuvres, parfois un peu grandiloquentes à leurs goûts, et préféreront peut-être celles que Willumsen peignit en Bretagne en 1891 dans un style marquant l'influence de Gauguin. Il n'en reste pas moins que cet artiste fut loin d'être négligeable.