Dimanche 29 mai 2005, les Français ont voté massivement pour le non à la constitution européenne non pas pour manifester leur renoncement à l'union des Etats de l'Europe mais pour signaler leur ras-le-bol et sanctionner la politique du gouvernement Raffarin. Il s'agissait de voter pour conforter l'avenir de l'Europe mais le référendum organisé à cet effet a surtout été l'occasion pour les électeurs de traduire leur mécontentement face à l'accroissement du chômage, à l'élargissement du fossé entre les riches et les pauvres et à la réduction de leur niveau de vie.
N'empêche, ils ont perçu le projet européen comme un frein à leur bien-être en constatant au passage que l'adoption de l'euro comme monnaie unique avait eu notamment des effets désastreux sur leur porte-monnaie.
Comme je l'ai signalé précédemment, sans l'euro, le franc aurait dû être dévalué au moins deux fois en trois ans face au dollar, devenu si faible que les acheteurs américains ont déserté le marché de l'art français depuis les attentats du 11 septembre 2001.
Les Français n'ont eu que faire du succès de l'Airbus et des résultats prometteurs de nombreuses sociétés industrielles qui n'ont guère eu d'incidence à leurs yeux sur l'amélioration de leur train de vie mais ils ont eu quelque part peur de l'élargissement de l'Europe qui s'est concrétisé par l'adhésion de pays économiquement faibles et par l'afflux sur leur sol de nombre de leurs citoyens attirés par une vie meilleure et prêts à travailler dur pour se faire une place au soleil. L'idée de payer pour les autres alors que le malaise social a été grandissant en France a aussi contribué à favoriser un vote négatif.
De plus, ce référendum a exacerbé les clivages au sein des partis politiques, 60% des sympathisants socialistes ayant été séduits par « Le non de la rose » lancé par Laurent Fabius alors que les partisans de la droite n'ont pas été suffisamment soudés pour appuyer le oui, nonobstant le fait que ses franges les plus extrêmes ont fait campagne pour un repli identitaire.
Il a été affligeant de constater que le gouvernement n'a pas su expliquer aux Français la signification de la constitution européenne et ses enjeux tout en laissant planer le flou au sujet de la candidature de la Turquie à l'Union, du reste largement rejetée au sein de l'opinion. Il reste néanmoins à savoir si une campagne centrée exclusivement sur le projet européen aurait permis d'inverser la tendance. On peut à cet égard en douter car la conduite des affaires, si décevante durant ces trois dernières années, a finalement mené à un vote sanction, les Français désirant en priorité voir la situation s'améliorer chez eux.
Ce verdict des urnes est de nature à ralentir sérieusement le développement européen mais il convient de se rappeler que le signe avant-coureur d'un ébranlement de la solidité du bloc européen était déjà venu d'Allemagne après sa réunification laquelle s'est accompagnée par un recul notoire de la prospérité économique outre-Rhin.
Promises tout comme l'Italie à un développement économique médiocre pour 2005, L'Allemagne et la France, les deux fers de lance de l'Europe, n'ont plus les moyens adéquats pour consolider l'Union européenne dont l'élargissement s'est avéré coûteux et par trop rapide. C'est par un vote du parlement que l'Allemagne a dit oui à la constitution européenne mais au niveau des élections régionales, le parti au pouvoir de Gerhard Schröder a été désavoué alors que les Français, inquiets pour leur avenir et de plus en plus confrontés au spectre de la précarité, ont considéré le futur de l'Europe unifiée comme le cadet de leurs soucis.
Maintenant, il faudra peut-être reconsidérer le rôle de la banque centrale européenne, coupable d'avoir laissé l'euro s'apprécier trop grandement face au dollar en rendant les moins nantis plus pauvres et plus désemparés qu'auparavant. Il faudra aussi que le gouvernement qui va succéder à celui de M. Raffarin soit à même d'appliquer une politique sociale plus agressive, d'améliorer plus sérieusement la situation des minorités, de prendre des mesures pour réduire le chômage et de relancer l'économie pour éviter des clivages qui pourraient être encore plus pernicieux..
Le malaise a été patent depuis 2001 et si le marché de l'art a réussi à survivre, c'est surtout grâce à des achats spéculatifs qui ont fait monter les prix des pièces rares. Pour le reste, les ventes se sont effondrées, montrant à l'évidence que les amateurs n'ont plus les moyens de se faire plaisir mais le plus grave pour le marché a été le malaise persistant qui a mis nombre de professionnels en difficulté et le très faible renouvellement du contingent des collectionneurs du fait d'une désaffection de la nouvelle génération des Français pour l'art.
Il y a eu l'absence des acheteurs américains, les problèmes économiques rencontrés en Allemagne, en Italie et en Espagne pour accroître le malaise mais rien ne dit qu'un retour à la prospérité relancera le marché de l'art si le monde des collectionneurs ne trouve pas de sang neuf.