Les députés socialistes, communistes et «Verts» ont voté le 19 octobre un amendement prévoyant d'inclure les œuvres d'art dans l'assiette de l'impôt sur la fortune, taxe qui devrait rapporter 250 millions FF par an à l'Etat mais faire plutôt désordre dans les milieux du marché de l'art. Richard Rodriguez, découvreur de Jean-Michel Basquiat, peintre américain d'origine haïtienne mort à 29 ans d'une overdose d'héroïne, trouve cette mesure indécente si elle devait être appliquée, surtout à l'heure où le Musée d'Orsay expose une magnifique donation de «Cézanne à Giacometti» d'un célèbre collectionneur qui, par ailleurs, aida au financement de l'acquisition de nombreux chefs d'œuvre par les musées français.
«C'est faire preuve d'une déplorable attitude que de vouloir imposer la passion de collectionneurs qui, depuis des siècles, ont enrichi notre patrimoine national de fabuleux trésors culturels, d'une valeur infiniment plus élevée que les quelques centaines de millions que, soit-disant, un tel impôt rapporterait,» écrit-il dans un communiqué adressé à artcult.com.
Rodriguez, qui s'est battu sans grand succès pour inciter les décideurs des musées nationaux, et particulièrement ceux du Centre Pompidou, à acquérir de son vivant des œuvres de Basquiat qui à l'époque valait à peine plus qu'un Combas ou un Garouste, pose la question de savoir combien d'œuvres de ces deux artistes français dorment-elles dans les réserves des musées français alors qu'ils ne possèdent qu'un seul tableau de Basquiat dont la valeur aujourd'hui dépasse plusieurs millions FF.
Le collectionneur proteste vivement contre cet amendement qui selon lui taxe sa perspicacité de collectionneur alors que, dit-il, «une armée de fonctionnaires a gaspillé l'argent des contribuables en acquérant sans discernement des tonnes d'œuvres d'art contemporain qui croupissent à tout jamais dans les réserves des musées et, particulièrement, dans celles des FRACS».
Richard Rodriguez n'est aujourd'hui pas le seul à penser que la France risque de perdre une part importante du marché international de l'art et que nombre de professionnels et collectionneurs préféreront commercer aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne où les œuvres d'art ne sont pas soumises à un tel impôt.
Si celui-ci devait être appliqué, le risque majeur serait de voir l'émergence d'un marché noir qui concurrencerait gravement les circuits officiels et que nombre d'œuvres importantes, vendues en toute transparence jusqu'à présent dans les salles de vente en France franchiraient clandestinement les frontières, occasionnant une perte colossale pour le patrimoine français qu'un tel impôt ne compenserait certainement pas.