« L’art et la vie ne faisant qu’un, c’est dans la recherche de la poésie de tous les jours, à base d’objets manufacturés ou de structures existantes, que je peux déterminer ma poétique » (Jean-Pierre Raynaud)
La création en France est donc plus mal lotie qu'en Allemagne ou en Grande-Bretagne, deux pays dont les artistes sont nettement plus présents que les Français sur la scène internationale. Quand on constate que les visiteurs d'une exposition à l'autre sont en majorité les mêmes, on en déduit forcément que le public français est restreint alors que les moyens de l'élargir sont réels, peu utilisés ou mal cernés.
Ainsi, à l'image de l'art contemporain, la FIAC se cherche en allant jusqu'à présenter des meubles Design signés Charlotte Perriand ou Victor Prouvé qui font un peu désordre parmi des dessins, des tableaux, des sculptures ou des installations sans compter qu'à chacune de des éditions de cette manifestation, on trouve plus de 60% d'œuvres créées par des artistes morts qui ne sont plus que les contemporains de naguère.
Ces chers disparus permettent aux galeries de vendre en s'évitant des déconvenues avec des créateurs bien vivants mais qui ne sont pas encore des valeurs consacrées. Pour que ceux-ci le deviennent, il faut souvent un coup de pouce d'un grand collectionneur avec en écho une retombée médiatique.
François Pinault achète une œuvre de Fabrice Hybert et automatiquement, la cote de cet artiste grimpe en flèche. Saatchi laisse tomber Sandro Chia et les prix des œuvres de l'artiste italien glissent comme le dollar. Tout ça pour dire que le marché de l'art contemporain se comporte comme la Bourse avec des valeurs qui s'affirment dans les ventes aux enchères organisées par Christie's ou Sotheby's ou dans des expositions montées par des galeries en pointe. Des expositions qui se veulent détonantes mais qui font souvent l'effet d'un pétard mouillé.
On en vient à regretter les années 1980 lorsque les artistes se cherchaient d'une manière jugée encore cohérente tout en délirant gentiment mais de provocation en provocation, l'art contemporain s'est fourvoyé dans une sorte de nihilisme qui n'a même pas pris la forme d'un quelconque mouvement comme ce fut le cas avec le Dadaïsme à partir de 1914. Certes, il y a eu comme tentative le Body Art, anti-esthétique au possible et donc peu racoleur, pour produire une nouvelle formulation assez vite étouffée dans l'œuf puis la mode des installations vidéo dont les images ont souvent été puériles et lassantes même si un Sigmund Freud y aurait trouvé matière à un profond questionnement.
Tout compte fait, l'art contemporain est à l'image de notre société confrontée à ses contradictions et surtout à un mal être qui a permis en grande partie au non-dit d'être roi. Picasso, lui, parvenait à exprimer l'espace, le volume, l'existence et la modernité à travers ses œuvres alors que les artistes d'aujourd'hui versent dans la dérision, l'outrance, le mépris de soi-même ou des individus, la souffrance, la provocation ou l'abject pour se faire valoir et cela, au détriment du beau, expression du sublime dans l'art, ou d'une réflexion positive.
Les artistes actuels ont tendance à plus refléter dans leurs œuvres les syndromes de notre société dont ils sont eux-mêmes atteints sans chercher à définir des discours compréhensibles pour le commun des mortels alors que leurs aînés cherchaient, eux, à les dénoncer en essayant de faire bouger les choses. On comprend alors mieux le propos d'un Otto Dix ou même la démonstration d'un Warhol.
Aujourd'hui, les artistes du XXIe siècle rapportent des faits au départ propres à nous interpeller, mais, même en les amplifiant par le biais de la provocation, ils ne parviennent pas pour la plupart à délivrer un message pertinent en créant tout au plus un malaise chez le spectateur qui de son côté finit par se sentir encore plus angoissé. Ce dernier se trouvera ainsi bien plus à l'aise devant une œuvre de Rothko, de Pollock ou de Soulages dont les subtilités sont manifestes que face à une œuvre d'Arlan, artiste adepte de la transformation d'un corps devenu mutilé après être passée moult fois sur le billard au nom de l'art.
A l'amorce de l'année 2005, l'art contemporain a continué à se chercher sans encore se trouver tout en ayant tâté de nouvelles expériences difficiles à saisir pour un public toujours aussi peu averti.
Des salons comme la FIAC ont accordé une large place à la photographie et à la vidéo sans pour autant provoquer d'enthousiasme surtout qu'à l'image de la planète, les sujets choisis ont paru en général peu joyeux. Pour le reste, les galeries ont présenté depuis ces dernières années des œuvres qui n'auront pas vraiment marqué les esprits alors que le marché international n'a fonctionné qu'à travers les idoles du moment, notamment Maurizio Cattelan, Jeff Koons, Damien Hirst, Cindy Sherman, Georg Baselitz, Gilbert & George, Gerhard Richter, Murakami et quelques autres.
Depuis que Picasso et Warhol sont devenus des légendes, le domaine de l'art contemporain a plutôt tourné en rond en butinant les fleurs fades des nouvelles expérimentations pour nous offrir au final un miel d'une saveur acide.
L'art contemporain ne vit que par les musées ainsi que par certains grands collectionneurs et quelques galeristes de renom qui font le marché, aidés en cela par les médias, mais les formulations proposées ici et là restent toujours aussi floues même si on se contente de suivre l'affirmation édictée par Duchamp que tout est art.
Ce qui fut de l'anti-art avec le Cubisme au début du XXe siècle devint ensuite de l'art. En suivant ce raisonnement, on pourrait alors préjuger que les œuvres issues des expérimentations actuelles finiront peut-être par être considérées comme des icônes de l'art comme les sérigraphies peintes de Marilyn Monroe, Elvis Presley ou Liz Taylor par Warhol sauf que ce dernier avait une tout autre stature que les artistes d'aujourd'hui qui, dans le registre de la provocation intelligente, n'arrivent pas à la cheville de Salvador Dali.
C'est en Allemagne que l'art contemporain a connu un développement significatif depuis ces vingt dernières années, Joseph Beuys ayant ouvert la voie à partir des années 1960. Par ailleurs, l'art contemporain a été le domaine où les prix ont le plus monté depuis 1985 mais les fondements de sa prospérité restent malgré tout fragiles en dépit des engouements constatés aux Etats-Unis et en Europe. Les artistes ont été reconnus rapidement, trop rapidement même sous l'effet d'achats en général spéculatifs. N'empêche, cet élan a entraîné la création de nombreux centres et de musées dédiés à cet art.
En fait, tout a été très vite, trop vite avec l'émergence de tendances comme les nouveaux fauves, le néo-figuratif, l'art brut, le néo-géométrisme et tutti quanti depuis le triomphe du Pop Art, aujourd'hui considéré comme plutôt classique après avoir effrayé les bourgeois.
Il ne faut pas oublier qu'au départ, nombre d'artistes furent tournés en ridicule ou malmenés comme ce fut le cas pour Georg Baselitz alors qu'à présent, cet artiste est considéré comme une star du marché. A l'image du monde, l'art a été bousculé par les changements alors que les artistes ont été plus autonomes qu'auparavant en s'intéressant avec plus d'acuité aux aspects sociaux.
Ces artistes ont grandi avec la télévision pour produire ensuite des oeuvres multimédiatiques en s'intégrant ainsi dans le monde des médias de la culture de masse, comme l'a signalé Klaus Honnef tout cela parce que nous vivons dans une culture post-moderne depuis le milieu des années 1970.
L'histoire de la peinture a changé sans rupture réelle car les acquis de la peinture moderne sont encore là quoique Picasso fasse aujourd'hui figure d'ancêtre. Un vent de liberté a soufflé alors sur l'art contemporain mais il y a eu par ricochet une sorte de non-respect qui a brouillé les cartes.Au final, l'art contemporain est parti dans tous les sens au point qu'il est difficile de se retrouver dans ce qui constitue un labyrinthe propre à créer un capharnaüm. Il n'y a plus de frontière bien définie, certains artistes restant ancrés dans les acquis alors que d'autres s'en sont radicalement démarqués. Il y a de la sorte une grande part d'indécision, de désespoir, de provocation et de dérision dans l'art contemporain devenu orphelin de Beuys et de Warhol qui surent canaliser leur propos.
Aujourd'hui, l'art contemporain ne manque pas d'artistes talentueux mais plutôt de lignes directrices intéressantes propres à motiver le public alors qu'en France, le soutien donné aux artistes reste sujet à caution car ce ne sont pas toujours les meilleurs qui profitent d'une aide publique, le choix des décideurs n'étant pas souvent le reflet des goûts de leurs concitoyens.
La création en France est donc plus mal lotie qu'en Allemagne ou en Grande-Bretagne, deux pays dont les artistes sont nettement plus présents que les Français sur la scène internationale. Quand on constate que les visiteurs d'une exposition à l'autre sont en majorité les mêmes, on en déduit forcément que le public français est restreint alors que les moyens de l'élargir sont réels, peu utilisés ou mal cernés.
Ainsi, à l'image de l'art contemporain, la FIAC se cherche en allant jusqu'à présenter des meubles Design signés Charlotte Perriand ou Victor Prouvé qui font un peu désordre parmi des dessins, des tableaux, des sculptures ou des installations sans compter qu'à chacune de des éditions de cette manifestation, on trouve plus de 60% d'œuvres créées par des artistes morts qui ne sont plus que les contemporains de naguère.
Ces chers disparus permettent aux galeries de vendre en s'évitant des déconvenues avec des créateurs bien vivants mais qui ne sont pas encore des valeurs consacrées. Pour que ceux-ci le deviennent, il faut souvent un coup de pouce d'un grand collectionneur avec en écho une retombée médiatique.
François Pinault achète une œuvre de Fabrice Hybert et automatiquement, la cote de cet artiste grimpe en flèche. Saatchi laisse tomber Sandro Chia et les prix des œuvres de l'artiste italien glissent comme le dollar. Tout ça pour dire que le marché de l'art contemporain se comporte comme la Bourse avec des valeurs qui s'affirment dans les ventes aux enchères organisées par Christie's ou Sotheby's ou dans des expositions montées par des galeries en pointe. Des expositions qui se veulent détonantes mais qui font souvent l'effet d'un pétard mouillé.
On en vient à regretter les années 1980 lorsque les artistes se cherchaient d'une manière jugée encore cohérente tout en délirant gentiment mais de provocation en provocation, l'art contemporain s'est fourvoyé dans une sorte de nihilisme qui n'a même pas pris la forme d'un quelconque mouvement comme ce fut le cas avec le Dadaïsme à partir de 1914. Certes, il y a eu comme tentative le Body Art, anti-esthétique au possible et donc peu racoleur, pour produire une nouvelle formulation assez vite étouffée dans l'œuf puis la mode des installations vidéo dont les images ont souvent été puériles et lassantes même si un Sigmund Freud y aurait trouvé matière à un profond questionnement.
Tout compte fait, l'art contemporain est à l'image de notre société confrontée à ses contradictions et surtout à un mal être qui a permis en grande partie au non-dit d'être roi. Picasso, lui, parvenait à exprimer l'espace, le volume, l'existence et la modernité à travers ses œuvres alors que les artistes d'aujourd'hui versent dans la dérision, l'outrance, le mépris de soi-même ou des individus, la souffrance, la provocation ou l'abject pour se faire valoir et cela, au détriment du beau, expression du sublime dans l'art, ou d'une réflexion positive.
Les artistes actuels ont tendance à plus refléter dans leurs œuvres les syndromes de notre société dont ils sont eux-mêmes atteints sans chercher à définir des discours compréhensibles pour le commun des mortels alors que leurs aînés cherchaient, eux, à les dénoncer en essayant de faire bouger les choses. On comprend alors mieux le propos d'un Otto Dix ou même la démonstration d'un Warhol.
Aujourd'hui, les artistes du XXIe siècle rapportent des faits au départ propres à nous interpeller, mais, même en les amplifiant par le biais de la provocation, ils ne parviennent pas pour la plupart à délivrer un message pertinent en créant tout au plus un malaise chez le spectateur qui de son côté finit par se sentir encore plus angoissé. Ce dernier se trouvera ainsi bien plus à l'aise devant une œuvre de Rothko, de Pollock ou de Soulages dont les subtilités sont manifestes que face à une œuvre d'Arlan, artiste adepte de la transformation d'un corps devenu mutilé après être passée moult fois sur le billard au nom de l'art.
Warhol montrait et manipulait les mythes-phares de la société de consommation en établissant un constat sans provoquer une profonde angoisse. Beuys fut plus virulent et provoquant en utilisant les matériaux les plus simples, en orientant sa pensée sur une réalité concrète et en exigeant du spectateur une attitude de participation active pour l'inviter à une réflexion.
Leur disparition a marqué la fin d'une certaine époque de l'art contemporain, comme l'a rappelé Klaus Honnef. Dès lors, les artistes ont cherché d'autres voies dans de nombreux pays. Kiefer s'est intéressé à l'histoire de l'Allemagne en établissant des diagnostics, tout comme Penck, Immendorf, Lüpertz et Baselitz à un degré moindre. Ces artistes ont créé des images possédant un caractère pictural autonome qui invitent à plusieurs lectures.
D'autres voies ont été explorées comme le "Pattern & Decoration" qui a attiré beaucoup de femmes artistes et qui a aboli les barrières entre l'art et l'architecture. La photographie a aussi joué un rôle croissant au sein d'une société gourmande d'images et Gerhard Richter a travaillé longtemps à partir de photos comme le firent nombre de peintres du Pop Art. Autre maniaque de l'image, Sigmar Polke a combiné les images dans ses oeuvres avec une rare virtuosité mais il est resté un brin "classique" en évoluant,certes avec liberté, selon la loi du schéma et de la correction.
En Italie, Sandro Chia, Francesco Clemente, Enzo Cucchi ou Mimmo Paladino ont été des maniéristes à leur manière tout en flirtant avec le kitsch, mêlant tradition et présent avec cependant une certaine violence et le désir d'exacerber le moi avec une bonne dose d'ironie.
Ce n'est malheureusement pas à Paris mais plutôt à Berlin que l'art contemporain des années 1980 a pu s'épanouir à travers des artistes actifs et ingénieux. En cela, il y a une continuité par rapport à Beuys qui est cependant devenue moins manifeste à l'approche de l'an 2000. Quoiqu'il en soit, le figuratif a effectué un grand retour alors que l'abstraction a subi un net recul pour la simple raison que les artistes ont voulu exprimer leurs sentiments à travers la réalité.
Julian Schnabel et David Salle ont été considérés comme les héritiers de Warhol en collant plus avec leur temps et en se comportant en véritables peintres plus portés sur des faits de société que sur les images publicitaires. Autre artiste figuratif, Eric Fischl, une valeur de plus en plus sûre, a produit des oeuvres fortement inspirées par le sexe et basées sur l'instantanéité du moment qui mettent le spectateur en situation de voyeur.
L'autre moment fort vécu par l'art contemporain a été l'émergence de Jean-Michel Basquiat qui a mis le graffiti à l'honneur dans la peinture en se révélant comme l'héritier de Dubuffet. Il y a eu aussi Kenny Scharf et Keith Haring mais les artistes actuels n'ont plus produit que des oeuvres insipides. La photographie a ensuite semblé être un nouvel outil intéressant de l'art conceptuel avec Cindy Sherman dont les oeuvres révèlent les fantasmes, les angoisses et les désirs de la femme et d'autres artistes comme Boltanski, Astrid Klein, Jeff Wall, Thomas Strutt ou Günther Förg mais le trop-plain de photographies exposées dans les galeries ou salons montrent à l'évidence la manipulation des images médiatiques dont son victimes les individus.
On est en arrivé à Jeff Koons et Maurizio Cattelan, le premier et le second revisitant Warhol à leur façon avec des sculptures très médiatiques et provocantes mais alors que les artistes européens faisaient preuve d'une certaine individualité jusqu'au début des années 1990, on a assisté à un retour en force de l'influence américaine dans l'art contemporain alors que l'Amérique a eu moins de cerveaux créateurs depuis la disparition de Warhol, Mapplethorpe, Basquiat, Haring ou Wesselman.
Il convient de remarquer que l'art contemporain devient de plus en plus international avec l'émergence de nouveaux talents en Asie mais des pays comme la France, les Pays-Bas, la Belgique ou l'Autriche sont en phase de convalescence tandis que les artistes ont de plus en plus de mal à trouver de nouvelles voies.
Il y a eu comme une dilution des tendances accompagnée d'un mélange des genres et tout cela fait que l'art contemporain se cherche sans qu'on sache où il ira. Ce qu'on voit dans les galeries parisiennes actuellement n'est d'ailleurs pas du meilleur goût, ce qui démontre un certain vide alors que les artistes travaillant en Allemagne semblent avoir mieux de perspectives.
L'art contemporain n'est pas mort ni même agonisant. Il est, dirait-on, en période de dépression qui nécessite un repos et ce repos semble salutaire pour lui permettre de trouver un nouvel élan, surtout en France et en Europe.
Si l'art contemporain est quand même affaire de passion, les créateurs d'arts plastiques ne disposent pour leur part d'aucun syndicat ni groupe de pression pour se faire entendre.
Selon un rapport examiné par le Parlement, l'art contemporain sert avant tout à interroger certaines évidences de notre société tout en étant aussi la création d'imaginaires et de transcendances mystérieuses. Il est censé être la vitalité de notre société mais il échappe le plus souvent au public.
En France, les arts plastiques représentent en effet, moins de 5% du budget de la culture. Mais les créateurs, qui attendent beaucoup plus des deniers publics n'ont pas réussi à se faire mieux entendre ou connaître auprès du plus grand nombre et ce ne sont pas quelques réussites emblématiques qui pourront faire croire que tout va pour le mieux au sein du monde de l'art contemporain.
Au sein du ministère de la culture, la délégation aux arts plastiques (DAP) soutient la création contemporaine dans toutes les formes de l'expression plastique. Elle définit la politique d'acquisition pour constituer le patrimoine public et veille à sa diffusion auprès des publics.
Pour mener à bien ses missions, indépendamment des conseillers qui lui sont directement attachés, la DAP assure la tutelle du Centre national des arts plastiques, le CNAP, qui lui même gère deux services, le Fonds national d'art contemporain, le FNAC, et le Fonds d'incitation à la création, le FIACRE.
Au sein du CNAP, le FNAC est plus spécialement chargé de l'acquisition des oeuvres d'artistes vivants et le FIACRE est le service concerné par les allocations de recherche et de séjour accordées aux artistes sélectionnés. Sur le papier, le rôle de ces organismes paraît exemplaire mais sur le terrain, les décisions concernant des acquisitions d'œuvres sont souvent assez surprenantes.
En région, la DAP assure la tutelle des DRAC, services déconcentrés de l'Etat, qui mettent en œuvre la politique culturelle du ministère en tenant compte des spécificités locales et en s'efforçant de maintenir un contact permanent avec le monde de la création mais là encore, les choix des décisionnaires dépendent de critères plutôt arbitraires puisqu'un artiste qui n'est pas représenté en galerie a peu de chances de recevoir une aide.
Sur le territoire national, la DAP veillent à ce que les sept écoles nationales d'art, qui délivrent les diplômes d'Etat, assument bien la responsabilité de la formation artistique spécialisée. Elle assure également la tutelle des trente sept Centres d'art qui veillent à exposer et médiatiser les dernières créations.
Enfin, la DAP est un partenaire privilégié des vingt-quatre Fonds régionaux d'art contemporain (FRAC). A travers ces institutions, le soutien de l'Etat à la création contemporaine s'exerce par le biais d'actions distinctes et complémentaires, toutes menées sous l'égide de la DAP, le plus souvent par le CNAP.
Le patrimoine public s'est enrichi depuis ces quinze dernières années grâce à la commande publique et par l'acquisition d'œuvres qui ont cependant dépendu de décisions qui n'ont pas toujours reflété les goûts du public
Il faut retenir que la commande publique est un élément important de la politique culturelle car elle permet d'associer les arts plastiques à l'architecture et à l'aménagement du territoire. L'artiste retenu se doit notamment d'insérer son projet dans un contexte socio-géographique précis pour s'exposer dans la proximité quotidienne du public tout en embellissant le cadre de vie des cités.
Il convient aussi de rappeler la situation de l'art contemporain en région avant la décentralisation et la fondation des Frac. La France s'est ainsi dotée d'un outil essentiel destiné au grand public mais les critiques ont été nombreuses concernant les achats d'artistes étrangers. Les Frac ont dû respecter un quota d'achats de 50 % d'œuvres françaises dont une grande partie d'artistes régionaux. Des choix pas toujours judicieux ont été opérés par des comités de sélection, leur action ayant été complétée par celle du Fonds National d'Art Contemporain.
Néanmoins, la France est restée un centre international de création même si les artistes français n'ont pas atteint la réputation des grandes pointures étrangères. Il n'en demeure pas moins comme l'a rappelé Olivier Billiard, auteur de "Bill'Art", que Cy Twombly, Basquiat, Joan Mitchell ou Sam Francis se sont fait connaître grâce à la France et son marché. Ce pays est donc resté un territoire important pour la création alors que des artistes de grande envergure comme Anselm Kiefer s'y sont installés pour travailler. S'il y a une grande créativité la situation est demeurée malheureusement préoccupante au niveau du marché, les galeries n'ayant pas su défendre leurs poulains ou n'ayant pas beaucoup exposé d'artistes français à l'étranger. Ainsi, Lelong,présent à New York et Zurich, n'y a montré qu'un artiste français en deux ans.
En fait, l'Etat n'a acheté en général que ce que les galeries ont présenté alors que le milieu de l'art a toujours eu autant de mal à se structurer sinon à survivre.
Les galeristes n'ont ainsi jamais songé à trouver les moyens adéquats pour défendre leur profession et les artistes qui au fil des ans n'ont pas vu leur cote monter rapport à certains créateurs américains, allemands ou britanniques.
La cote d'un Soulages, le peintre français vivant le plus cher avoisine 150 000 euros, ce qui est négligeagle si on la compare avec celle d'un Jasper Johns, d'un Jeff Koons ou d'un Willem de Kooning. Celle de Combas, considéré comme l'artiste de demain qui a été le plus vendu en 2004, tourne autour de 15 000 euros, ce qui représente aussi pas grand chose par rapport aux prix atteints pour un Kiefer, un Baselitz, un Damien Hirst, un Richter ou un Kippenberger pour qui les prix ont été sacrément multipliés depuis une quinzaine d'années.
En dehors du fait que les artistes français ont stagné, voire régressé, sur la scène internationale, les galeries sont devenues plus vulnérables au fil du temps car leur système de fonctionnement a dépendu avant tout de la conjoncture économique alors que le nombre des collectionneurs a baissé dans le même temps.
Privés de ressources et forcés de faire des économies, les galeristes ont rechigné à miser sur de jeunes talents dont il faut assurer une promotion coûteuse.
De plus, la multiplication des foires et salons d'envergure (La Fiac, ArtBasel, Frieze, ArtMiami notamment) a augmenté les coûts de promotion pour les galeries qui pour être assurées d'enregistrer des ventes ont de ce fait exposé des valeurs consacrées au détriment d'artistes en devenir tandis qu'ils ont dû subir la rivalité grandissante des sociétés de vente aux enchères (Sotheby's et Christie's) sur le marché de l'art contemporain.
Le rôle des galeries s'est retrouvé ainsi diminué tout autant que leur mode de fonctionnement. Un galeriste est donc enclin à choisir ses poulains en fonction des adjudications enregistrées par les maisons de vente et qui permettent à certains artistes de devenir incontournables, comme Hirst, Koons ou Cattelan.
Les pouvoirs publics se perdent ainsi à ce jeu pernicieux et l'Etat n'est pas d'un grand secours pour les galeries qui osent encore miser sur de jeunes artistes peu présents dans les ventes aux enchères.
Face à ce constat, la situation de l'art contemporain n'est pas près de s'améliorer d'autant plus que rien n'est vraiment fait pour renforcer l'enseignement de l'art dans les écoles. Le manque de connaissances du public s'amplifie, ce qui ne contribue certainement pas à une augmentation du nombre des amateurs lesquels sont également confrontés à la conjoncture et donc moins disposés à acheter des œuvres.
Quant aux artistes, ceux-ci ont besoin de repères pour progresser et être mieux inspirés. Au début du XXe siècle, il existait divers courants porteurs comme le Cubisme, le Fauvisme, l'Expressionnisme, le Surréalisme, le Dadaïsme ou l'abstraction pour provoquer des émulations alors qu'aujourd'hui, les mouvements se sont dilués pour ne plus laisser la place qu'à des tendances assez floues ou des expérimentations qui débordent du cadre strictement artistique pour aller puiser des emprunts à la technologie de pointe. L'apport de la vidéo ou de l'ordinateur n'est certes pas un mal mais l'utilisation de l'une ou de l'autre technique s'éloigne souvent des concepts basiques de l'art. Si Picasso vivait encore, il aurait certainement tiré parti des nouvelles technologies mais en suivant un schéma propre à son vécu. Or, les artistes actuels se fourvoient trop souvent dans des déclinaisons qui au final leur échappent ou dont le propos tombe à plat.
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, il ne s'agit pas d'inventer surtout qu'il n'y a pas eu vraiment d'invention dans l'art mais d'adapter et d'évoluer. L'Impressionniste n'est pas sorti subitement du chapeau d'un magicien mais a été simplement un processus qui a mûri avec le temps. Il a fallu des chaînons comme Turner, Constable, Corot, Daubigny et Boudin pour ouvrir la voie à ce mouvement comme il a fallu un fil directeur pour mener au Cubisme ou l'abstraction.
Les grands maîtres ont toujours su trouver matière à se propulser sur le devant de la scène en copiant d'abord leurs aînés puis en cherchant à décliner un art propre qui a su émouvoir et séduire leur public.
Paradoxalement, l'art n'a jamais été aussi présent dans notre quotidien sauf qu'il faudrait un déclic pour s'en rendre compte et ce déclic doit venir autant des artistes que du public. Je dirai même d'abord des artistes pour ensuite provoquer celui du public mais pour l'instant, l'art contemporain patauge parce qu'il est lui-même en mal de définition. Grande question : qu'est-ce que l'art ? Chez Le Caravage, Rembrandt, Vélasquez, Chardin, David, Turner, Delacroix, Corot, Boudin, Monet, Manet, Renoir, Picasso, Braque, Kandinsky, Mondrian, Malévitch et bien d'autres on trouvait des réponses bien plus que chez les artistes actuels confrontés à un monde qui bouge de plus en plus vite et qui laisse moins de temps à la réflexion. En fait, la condition de l'homme a changé à une époque où il n'y a pratiquement plus de philosophes. Le manque de penseurs a créé un vide qui a mené au néant, ce qui fait que les artistes se sont retrouvés dans une sorte de trou noir. Reverra-t-on alors la lumière ?
On évoque rarement l'attitude d'une personne face à un tableau sauf pour dire qu'une œuvre paraît à coup sûr digne d'intérêt lorsqu'elle capte son attention. Or, l'émotion suscitée par un tableau est variable selon chaque individu et dans bien des cas, elle ne constitue qu'une première étape pour bien comprendre son sens ou les sentiments que l'artiste y a instillés.
Lors de mes conférences sur l'art, j'ai eu maintes fois l'occasion de constater que les gens interprétaient un tableau chacun à leur façon. Certains se limitaient à leur émotion ressentie sur l'instant et d'autres cherchaient à comprendre le pourquoi de cette émotion alors que rares étaient ceux qui semblaient aptes à capter les mystères de l'œuvre qu'ils admiraient ou mieux encore, à la pénétrer.
Une collectionneuse m'a ainsi rétorqué un jour qu'elle s'était contentée de ressentir une émotion et rien d'autre face aux quelque cent tableaux qu'elle avait achetés au cours de son existence. Pour elle, le choc positif ressenti face à une toile s'est révélé amplement suffisant mais à mon sens, elle n'a éprouvé qu'une sensation primaire, certes intéressante mais o combien limitée. Je lui ai répondu qu'elle se trouvait dans la position de quelqu'un qui tombait en pâmoison devant une superbe automobile Bentley et qui l'achetait rien que pour le plaisir de la regarder sans prendre la peine d'ouvrir le capot pour découvrir son moteur, de s'installer au volant pour humer l'odeur du cuir recouvrant les sièges et du bois verni du tableau de bord, de mettre le contact pour écouter les vibrations feutrées des soupapes et de démarrer ensuite pour apprécier sa formidable tenue de route.
L'émotion ressentie devant un tableau est évidemment primordiale mais il convient d'aller plus loin pour appréhender sa quintessence et tout ce qui tourne autour de la démarche de l'artiste qui l'a réalisée.
Qui n'a pas été hypnotisé par un autoportrait de Rembrandt, par une scène dantesque de Jérôme Bosch, par une nature morte de Chardin, par une vue de la cathédrale de Rouen de Monet, par la Vénus de Botticelli, par une Vierge de Raphaël, par la Joconde de Vinci ou par une composition cubiste de Picasso ?
Il n'y a peut-être pas de différence entre l'émotion que suscite un tableau de la période bleue de Picasso et celle ressentie face à une œuvre de sa période rose mais en en n'allant pas au-delà de ce simple émoi, le spectateur se privera de l'excitation provoquée par le fait d'en savoir plus sur ces deux périodes. Idem pour un tableau de jeunesse de Rembrandt et une œuvre produite quelques années après la mort de son épouse Saskia ou pour une huile du début de la carrière de Goya et une toile produite après qu'il devint sourd tout en subissant les anathèmes de l'Inquisition espagnole et lorsqu'il dénonça les horreurs de la guerre.
Mon propos est de signaler que lorsqu'on s'intéresse à la vie d'un peintre on parvient à mieux comprendre le sens d'une œuvre peinte à une période donnée.
Rembrandt peignit des œuvres pleine de gaieté avec déjà un talent incommensurable à l'époque de son mariage avec Saskia. On devine une vie prospère et prometteuse dans celles-ci alors que les commandes affluaient de la part de clients issus de la riche bourgeoisie amstellodamoise. Après la mort de son épouse, le peintre se mit alors progressivement à dos sa belle-famille, ses clients et certains de ses protecteurs en menant une vie jugée plutôt dissolue. Ruiné, confronté aux huissiers, forcé de vendre ses magnifiques collections d'œuvres d'art, il s'était en outre mis en ménage avec une fille du peuple, ce qui fit jaser ses concitoyens, tout en peignant des œuvres considérées comme déplaisantes et peu en rapport avec les désirs des bourgeois.
Son œuvre maîtresse « La Ronde de Nuit » au titre plutôt trompeur car le tableau, placé au-dessus d'un poêle, avait fini par s'assombrir au fil des ans, choqua ses commanditaires qui s'estimèrent insultés et ridiculisés. En se limitant donc à une émotion devant cette œuvre, on se prive d'en comprendre le sens si on ignore son histoire et l'attitude de Rembrandt lorsqu'il la peignit. Par contre, en connaissant les conditions exactes de son exécution, on en saisit alors toutes les subtilités tout en la pénétrant et en ressentant un « kif » sans pareil.
Admirer un tableau du Caravage est une chose, comprendre pourquoi il représenta des saints en prenant des hommes du peuple avec des traits marqués et des pieds sales en est une autre.
Rester béat devant une composition cubiste de Picasso, Braque ou Juan Gris ne veut pas dire qu'on ait compris que ces artistes aient fait de l'anti-art en tournant le dos au réalisme. Par contre, connaître leurs états d'esprit et leurs démarches au moment où ils ont réalisé leur œuvre permet de mieux en saisir le sens et de les déchiffrer.
Depuis plus de 60 ans, de nombreuses analyses ont été publiées sur la peinture pour démontrer que celle-ci avait un rapport étroit avec la littérature ou la poésie, plus même qu'avec la musique quand bien même des artistes comme Kandinsky ou Signac aient composé des œuvres en se référant aux gammes musicales.
Il y a donc un aspect narratif dans une peinture, hormis dans une toile purement décorative, et la découverte d'un message délivré par un artiste dans son œuvre est une récompense excitante en plus de l'émotion qu'elle suscite.
Derrière l'émotion créée par « Les Demoiselles d'Avignon » de Picasso, il y a ainsi toute une lecture à faire de ce tableau qui fut à la charnière de son passage au Cubisme et de son inspiration tirée des arts primitifs. Connaître le cheminement opéré par l'artiste à partir de 1906, offre une clé merveilleuse à la compréhension de son oeuvre.
Il est d'autre part patent que l'émotion qu'on ressent face à une œuvre se rapporte souvent à un artiste hors pair qui a su sortir des sentiers battus pour devenir un maître reconnu.
Il est toutefois bon de savoir que les grands artistes ont pour la plupart été à contre-courant des modes avant que leurs œuvres soient elles-mêmes devenues à la mode. On peut citer pêle-mêle Giotto, Fra Angelico, Jérôme Bosch, Mantegna, Bellini, Carpaccio, Vinci, Raphaël, Michel-Ange, Giorgione, Le Titien, Véronèse, Pieter Brueghel, El Gréco, Le Caravage, Vélasquez, Rubens, Rembrandt, Vermeer, Poussin, Ruysdael, Chardin, Boucher, Fragonard, Gainsborough, David, Géricault, Turner, Constable, Delacroix, Corot, Monet, Manet, Renoir, Pissarro, Seurat, Cézanne, Van Gogh, Picasso, Kandinsky, Braque, Gris, Modigliani, Malévitch, Mondrian, Dali, Miro, Rothko, Pollock, Jasper Johns, de Kooning, Lichtenstein, Warhol ou Basquiat pour se rendre compte que ces artistes marquèrent leurs époques.
L'émotion provoquée à la vue d'un tableau de Seurat est-elle due à l'effet chromatique des pointillés ou à l'atmosphère qui s'en dégage ? Si on s'arrêtait au simple choc ressenti devant une œuvre comme « La Grande Jatte », on ne saisirait pas le propos de l'artiste qui sut conjuguer les tons comme des gammes après avoir lu avec avidité des traités scientifiques sur la lumière et les couleurs. On ne comprendrait pas plus le pourquoi du divisionnisme.
On peut s'extasier sur une œuvre de Bellini mais encore faut-il aller plus loin pour percer son mystère et découvrir qu'elle peut être traitée comme une véritable bande dessinée avant la lettre et qu'on peut dès lors être à même de dénouer les fils d'une histoire racontée sur la toile comme dans la réception de l'ambassadeur d'Angleterre par le roi de Bretagne montré deux fois dans ce tableau extraordinaire rempli de personnages aux allures d'éphèbes.
Il y a tant et tant d'énigmes à percer dans certaines œuvres qu'on resterait sur sa faim en ne ressentant seulement que de l'émotion face à celles-ci. C'est pourquoi il est intéressant, sinon vital, de connaître la vie de chacun de leurs auteurs et les conditions qui conduisirent à leur réalisation pour les apprécier pleinement.
Il ne faut pas oublier que les artistes ont été avant tout des hommes avec leurs qualités et leurs défauts, avec leurs joies et leurs angoisses et dont les existences furent pour les uns fastueuses et pour les autres compliquées ou misérables ou encore faites de hauts et de bas.
En ressentant un choc devant un tableau de Van Gogh, on ne peut s'empêcher de penser à sa détresse et si on connaît bien sa vie, on ira forcément plus loin dans l'analyse de cette œuvre pour détecter les tourments qui l'habitèrent lorsqu'il la peignit.
Au delà de l'émotion, il faut savoir lire une œuvre et la pénétrer pour découvrir ses subtilités, déceler ses mystères et comprendre l'artiste comme s'il nous parlait en aparté et là, le choc sera mille fois plus grand.