La première grande rétrospective consacrée au maître de l'art brut Jean Dubuffet, mort en 1985, a lieu du 13 septembre au 31 décembre 2001 au Centre Pompidou à Paris.
Cette rétrospective coïncide avec le centenaire de la naissance de Dubuffet qui dénonça le mythe de la beauté plastique en la qualifiant d'imposture. Plus de 350 œuvres permettent ainsi de se faire une idée de la production plutôt délirante de cet artiste hors normes apôtre de l'irrévérence.
Dubuffet fut un créateur délirant qui sut malgré tout se montrer innovant dans la représentation des formes et des figures jusqu'à imposer un style bien à lui. Celui qui professait une haine des institutions, en trouvant que les musées avaient un rôle réducteur, et qui se moquait des responsables de la culture, se voulait avant tout être un artiste de la fête.
Cette première rétrospective depuis celle de 1973 permet donc de redécouvrir un artiste qui a joué un rôle essentiel dans l'histoire de l'art bien qu'il commençât sur le tard.
On découvre que Dubuffet influença de nombreux artistes, notamment Basquiat à travers une forme d'art plutôt sarcastique et subversive.
Dubuffet avait suivi sans grand enthousiasme des cours de peinture à partir de 1918 à l'Académie Julian en ne s'intéressant qu'à des œuvres de peintres secondaires. Il fit néanmoins la connaissance de Suzanne Valadon, Raoul Dufy, Max Jacob ou Fernand Léger puis fit son service militaire comme météorologue à la Tour Eiffel en 1922.
A ses débuts, il peignit dans un style académique avant d'adopter la manière d'Othon Friesz. Puis il voyagea en Suisse, travailla un temps à Buenos Aires et reprit l'affaire paternelle en 1925. Il créa ensuite son propre négoce à Bercy en 1930 et ne se remit à peindre qu'en 1933 pour abandonner une nouvelle fois les pinceaux quatre ans plus tard. Ce ne fut qu'à 41 ans, qu'il décida de se consacrer sérieusement à la peinture pour produire plus de 10 000 œuvres durant sa carrière.
Dubuffet exposa pour la première fois en 1944 à Paris puis présenta des œuvres plutôt bariolées en se basant sur la vision des enfants, des simples et des fous. En 1946, il publia un ensemble de textes intitulés « Prospectus aux amateurs de tout genre » puis il visita le Sahara et exposa à New York et à Chicago.
Il commença ensuite à rassembler et à exposer des œuvres de malades mentaux qu'il désigna sous le terme d' "art brut". Il constitua alors un musée de l'Art Brut puis séjourna à New York et eut sa première rétrospective à Paris en 1954.
Installé à Vence en 1955, il exposa en Italie, en Hollande, en Allemagne et à Paris puis eut droit à une grande exposition rétrospective au Museum of Modern Art de New York en 1961 suivies de trois autres en 1966 à la Tate Gallery de Londres, au Stedelijk Museum d'Amsterdam et au Musée Guggenheim de New York.
Ce fut à partir de 1966 qu'il créa des sculptures monumentales en polyestyrène peint au vinyl. En 1968, il publia son pamphlet « Asphyxiante Culture » et exposa deux ans plus tard au Centre National d'Art Contemporain des murs sculptés sculptés et peints du « Cabinet Logologique » ; le « Mur Bleu » et d'autres éléments d'architecture destinés à une certaine « Villa Falbala » qu'il conçut comme un habitat subversif.
Il produisit toute une série de thèmes après ses «Marionnettes de la ville et de la campagne», « Mirobolus, Macadam et Cie », «Plus Beaux qu'ils croient», « Roses d'Allah, clowns du désert », «Paysages Grotesques», «Tables paysagées, paysages du mental, pierres philosophiques», «Lieux momentanés, pâtes battues», «Assemblages d'empreintes», «Vaches, petites statues de la vie précaire», «Personnages monolithes, charrettes, jardins», «Tableaux d'assemblages», « Célébration du sol », « Lieux cursifs, Figures augures », «As-tu cueilli la fleur de barbe », «Les Phénomènes», «Eléments botaniques, Matériologies », «Paris Circus» pour finir avec «L'Hourloupe I, II, III et IV».
Dubuffet fut assez difficile à saisir surtout qu'il se plaisait à se contredire lui-même. Il avait ainsi adopté une position de recul humoristique vis-à-vis de son œuvre mais s'était ensuite détourné de cette position.
Aujourd'hui, Dubuffet est considéré comme un artiste majeur de la seconde moitié du XXe siècle et ses œuvres atteignent des prix conséquents dans les ventes aux enchères avec une pointe à 3,5 millions de dollars atteint il y a quelques mois lors d'une vacation à New York.
Dans le cadre de cette exposition, on peut admirer deux énormes toiles réalisées durant la période de «l'Hourloupe», l'une intitulée « Les Inconsistances » provenant de Canberra et l'autre nommée « Nunc Stans » qui a été prêtée par le musée Guggenheim de New York.
L'artiste, qui fut également sculpteur et architecte, réalisa des œuvres imposantes qui ont trouvé leur place avec une étonnante facilité dans plusieurs paysages urbains. Elles ont aujourd'hui le mérite de séduire les enfants et d'amuser les grandes personnes qui les côtoient, probablement sans se douter du rôle important qu'il devait jouer dans l'histoire de l'art.
Le paradoxe de Dubuffet est que son œuvre, aisément reconnaissable, s'assimile naturellement à notre quotidien et qu'on la respire un peu comme l'air. C'est là la force inouïe d'un créateur qui, sans pourtant susciter une véritable révolution artistique, sut pressentir incroyablement le devenir de l'art contemporain. Après Picasso, il fut vraiment un des derniers géants de l'art.