Le Palacio Velazquez de Madrid organise jusqu'au 23 septembre 2001 une exposition rétrospective consacrée au photographe allemand Andreas Gursky, un artiste âgé de 46 ans qui privilégie les grands formats et dont la cote ne cesse ne monter dans les ventes aux enchères. A travers ses œuvres panoramiques, Gursky offre au spectateur la possibilité d'interpréter diversement son œuvre.
Lorsque Gursky montre la photographie géante d'un terrain de football ou d'une salle de boxe envahie de spectateurs nous sommes amenés à retirer de multiples impressions qui nous éloignent du sujet traité et nous rapprochent plutôt d'un tableau classique.
Aujourd'hui, avec Cindy Sherman, Jeff Wall ou Thomas Struth, Gursky est devenu un artiste dont certains clichés dépassent plus de 200 000 dollars aux enchères.
Ses œuvres ont le mérite de pouvoir être vues de loin ou de près et de nous faire éprouver toutes sortes de sensations.
Gursky donne la priorité à des lieux familiers, des espaces qui rassemblent les gens qui cependant ne jouent pas un rôle primordial dans ses clichés. L'espace du Palacio Velazquez se prête d'ailleurs merveilleusement à la présentation d'œuvres immenses comme «May Day IV», un panoramique montrant des milliers de jeunes gens en train de danser.
Au début des années 1980, Gursky s'est cantonné à des petits formats avant de voir de plus en plus grand. Mais avant tout, si ses photographies sont réussies c'est grâce à une technique de développement irréprochable qui nécessite la collaboration de plusieurs personnes.
Gursky, qui a été l'élève de Bernd Becher à l'Académie de Düsseldorf dans les années 1980, se révèle ainsi plus artiste que photographe en travaillant ses clichés avec précision et en leur donnant une dose consommée de lyrisme tout en cherchant à magnifier la particularité d'un événement. Le résultat est en fait à l'opposé de sa démarche et aboutit à une sorte de critique de notre société et de ses critères actuelles. Le monde de Gursky finit par déranger comme dans son œuvre intitulée «Klitschko» montrant un ring de boxe avec autour des centaines de spectateurs qui frise soudainement l'analogie avec le grand rassemblement de Nuremberg durant les années 1930 lorsque Hitler prononça un long discours devant une foule hypnotisée dans le cadre d'un cérémonial savamment agencé.
Lancé au cours de la foire de Bâle en 1999, Gursky a vu sa cote s'envoler sur le marché. De 65 000 FF en 1998, elle est ainsi passé d'une année sur l'autre à
800 000 FF puis à plus d'un million FF au début de l'année 2000.
Cette prodigieuse progression appelle des questionnements, à savoir si la peinture contemporaine ne sera pas supplantée un jour par la photographie dite artistique sous l'impulsion de Cindy Sherman, Struth ou Gursky mais il se pourrait bien qu'à travers cette tentative hardie visant à rapprocher la technique de la caméra à celle du pinceau, ces «clics» dits artistiques ne finiront pas par produire de grandes claques sur le marché.