Les Galeries nationales du Grand Palais à Paris présentent jusqu'au 3 juillet 2006 une exposition intitulée "Italia Nova 1900-1950" consacrée au développement de l'art d'avant-garde en Italie durant la première moitié du XXe siècle, une manifestation qui démontre que le rôle joué dans la révolution de l'art par les artistes italiens a été loin d'être négligeable. On leur doit notamment le Futurisme, alliance du Cubisme et de l'Abstraction avec la vitesse, un mouvement créé par Marinetti qui publia son célèbre manifeste en 1909 alors que De Chirico a participé amplement à la fondation du Surréalisme dès 1912 en produisant des oeuvres oniriques où l'architecture associé au vide était chargée de menaces.
Des artistes comme Severini, Balla, Carra, Prampolini, Sironi, Depero, Morandi ou Campigli ont contribué grandement à l'évolution de l'art avant 1940 en associant l'héritage du passé avec le progrès et les questionnements nés des bouleversements politiques et sociaux qui ont eu lieu après 1914.
Leur modernité s'est fondée à travers un passage obligé par l'apprentissage des grands maîtres. On ne peut ainsi qu'être ébloui par le classicisme de très bel aloi teinté d'emprunts à l'Impressionnisme et au Divisonnisme de la part de peintres comme Carra ou Balla au début des années 1900 avant que ceux-ci n'effectuent un virage radical pour s'imposer comme les chefs de file du Futurisme. Nés trente ou quarante ans plus tôt, ils auraient certainement joué un rôle aussi important face à des artistes comme Monet, Degas ou Manet. On reste aussi confondu devant la rupture qu'ils ont choisie non sans audace pour entrer de plain-pied dans l'avant-garde mais la comparaison de leurs oeuvres de jeunesse avec leurs tableaux futuristes permet au moins de comprendre qu'ils étaient bourrés de talent.
La lecture des tableaux de Severini permet aussi de constater qu'il a été un grand maître du Cubisme capable lui aussi de se transcender et de varier ses sujets au fil des ans alors que De Chirico a annoncé avec une extraordinaire acuité l'ère mussolinienne bien avant l'avénement du Duce.
A partir de la fin de la Première Guerre Mondiale, la plupart des artistes italiens ont manifesté leurs préoccupations vis-à-vis de la société, certains avec un humour assez noir, d'autres avecune austérité teintée d'inquiétude avec des références appuyées à la Renaissance dont ils ont pu se nourrir à profusion durant leurs études.
A partir de 1925, on note un retour à une certaine rusticité, notamment avecSironi et Morandi auquel un hommage particulier est rendu au Grand Palais et dont les natures mortes traduisent une obsession lancinante de la confrontation des contrastes par l'utilisation de jeux de couleurs claires en dégradé, une manière d'ouvrir la porte vers le minimalisme qui, après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, deviendra un crédo pour plusieurs artistes, notamment Fontana, Burri et Manzoni, ces autres avant-gardistes sur lesquels s'achève cette exposition époustouflante.
En somme, ce panorama d'un demi-siècle sert à démontrer amplement la renaissance effective de l'art italien, resté plutôt endormi durant les deux-tiers du XIXe siècle lorsque l'Italie, après s'être débarrassée des occupations des armées napoléoniennes puis des Autrichiens, put enfin panser ses plaies et achever sa réunification. Ce fut seulement durant les années 1870 que les artistes italiens purent enfin sortir de leur cocon en abordant l'Impressionnisme puis le Divisionnisme pour ensuite participer activement à la révolution de l'art car il ne faut pas oublier que le Futurisme laissa notamment son empreinte en Russie en exerçant son influence sur les Suprématistes et les Constructivistes.