La Compagnie des Commissaires-Priseurs de Paris a rejeté le 26 janvier 1999 la demande de l'étude parisienne Poulain et Le Fur d'organiser des ventes publiques aux enchères pour le compte de Sotheby's. L'étude Poulain-Le Fur avait annoncé son intention de se rapprocher pour réaliser de façon ponctuelle certaines ventes au siège parisien de Sotheby's.
Cette initiative n'a pas manqué de provoquer une levée de boucliers parmi les confrères de deux commissaires-priseurs accusés d'établir une tête de pont à Paris pour les maisons de vente anglo-saxonnes.
M° Jacques Tajan, qui dirige la première étude de France, a été parmi les plus véhéments à leur encontre malgré ses prises de position en faveur de l'adoption de la réforme des statuts des commissaires-priseurs qui n'a toujours pas été adoptée par le gouvernement.
Pour M° Tajan, si la réforme est hautement souhaitable, il est hors de question pour des commissaires-priseurs parisiens de faire alliance avec les maisons anglo-saxonnes qui contourneraient la loi et créeraient ainsi des dissensions au sein de la Compagnie.
M° Cornette de St Cyr s'est dit de son côté favorable à cette initiative alors qu'un autre de ses confrères s'est demandé si la haine dirigée contre l'étude Poulain-Le Fur n'est en fait pas liée au fait que Sotheby's avait négocié avec eux et pas avec ceux qui les critiquaient si férocement.
M° Poulain a déclaré que ses confrères menaient un combat d'arrière-garde du fait que la réforme aurait dû être adoptée depuis longtemps. Sotheby's avait notamment réclamé en 1992 à la Commission européenne la fin du monopole français et en dépit des promesses du gouvernement, cette réforme de la profession n'a toujours pas été bouclée.
Joël Million, Président de la Chambre parisienne, estime au contraire que si Sotheby's pouvait organiser des ventes en France, la réforme pourrait traîner bien plus en longueur. «Pour nous, elle est vitale, si nous voulons lutter à armes égales contre les Anglo-Saxons», a-t-il précisé.
Les commissaires-priseurs parisiens sont tenus à une autorisation préalable de leur Chambre pour organiser une vacation hors de l'Hôtel Drouot. Celle-ci a théoriquement le pouvoir d'empêcher des ventes de se tenir à la galerie Charpentier mais Sotheby's a l'intention de procéder du 2 au 6 juin 1999 à la dispersion du contenu du château de Groussay, à Montfort-l'Amaury, appartenant à la famille de Beistegui. Les commissaires-priseurs ayant désormais une compétence nationale, rien n'empêche l'étude Poulain-Le Fur de procéder à cette vente pour le compte de Sotheby's et encore moins de demander une autorisation pour ce faire.
L'apparente unité entre les commissaires-priseurs parisiens a donc volé en éclats à la suite de l'initiative de l'étude Poulain - Le Fur. Ceux-ci auront néanmoins besoin de maintenir un semblant de cohésion lorsque l'heure de la réforme sonnera sinon ce sera un sauve-qui-peut général qui laissera de nombreuses victimes sur le carreau.
Tôt ou tard Sotheby's et Christie's organiseront des ventes en France et les réglages nécessaires pour leurs premières vacations ne représenteront pas de gros obstacles du fait qu'ils disposent d'une organisation rodée aux opérations commerciales et d'un savoir-faire hors pair dans l'organisation des ventes aux enchères.