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Les salles de vente de l'Hôtel Drouot n'ont pas désempli durant le premier trimestre de 1998 et ont connu une forte fièvre acheteuse de la part de leurs habitués alors que le commerce parisien n'a pas enregistré une évolution notoire de ses activités. Il existe une sorte de jeu permanent durant les ventes qui pousse les acheteurs à se jeter des défis comme s'ils étaient dans une salle de casino en train de batailler au Black-Jack ou à la roulette. Les enchères qu'ils prononcent sont souvent de loin supérieures aux prix qu'ils seraient disposés à payer dans telle ou telle boutique de la Rive Droite ou de La Rive Gauche ce qui a pour effet de laisser les observateurs pantois. Cette fièvre a parfois des effets néfastes comme lorsqu'un acheteur s'est avisé qu'un dessin aquarellé représentant un paysan italien avec un enfant dans les bras était une œuvre inédite de Géricault. Les enchères ont débuté à 2000 francs pour terminer à 1 025 000 francs. Aux dernières nouvelles, l'institut Wildenstein n'aurait pas émis un avis favorable à son sujet. Quoiqu'il en soit, il est de plus en plus fréquent de voir des experts jouer la prudence dans leurs estimations. En novembre dernier, M. Roudillon présentait une version de «L'Astronomie» de Jean de Bologne en précisant qu'il ne garantissait pas l'époque de fabrication. Bref, la femme nue, un pied reposant sur une sphère terrestre, estimée 18 000 francs, fit l'objet d'une vive bataille d'enchères qui conduisit à une adjudication de 1 350 000 francs. Le 2 avril l'étude Delorme proposait dans une vente d'argenterie un nautile en argent vermeillé représentant un cheval marin chevauché par un Neptune miniature. avec la partie postérieure du corps se terminant par un coquillage enroulé Estimé 12 000 francs, cet objet, en fait une pièce réalisée à Leipzig vers 1610, atteignit 595 000 francs... Mieux encore, l'étude Million mettait en vente un tableau ancien plutôt fatigué représentant Saint Pierre en prière estimé une vingtaine de milliers de francs le matin de la vacation. Averti par un amateur, l'expert Eric Turquin déboula dans la salle et annonça que le tableau était probablement un Fragonard dont on avait perdu la trace depuis 1776. Comme il s'agissait d'une vente sans catalogue, le commissaire-priseur demanda au vendeur s'il convenait de retirer l'œuvre pour l'inclure dans une vacation de prestige mais ce dernier décida de jouer le jeu et il eut mille fois raison car le tableau fut adjugé 8 millions de francs sans les frais... Mentionnons encore un record mondial pour une gravure sur bois de 1890 d'Auguste Lepère tirée à 12 épreuves représentant le parlement de Londres à 9 heures du soir adjugée le 8 avril par PIASA pour 210 000 francs. Raison de ce score : cette épreuve est introuvable... Bonne tenue des meubles avec des enchères conséquentes, notamment pour une commode à façade arbalète et galbée latéralement en placage de bois de violette marqueté de croisillons à trois tiroirs d'époque Louis XV vendue 420 000 francs le 6 avril par l'étude Delvaux, une paire de fauteuils d'influence cubisante en cuir noir de Pierre Legrain adjugée 1 650 000 francs le 2 avril par l'étude Million à Drouot-Montaigne. Du même Legrain, un cabinet à coffre galbé à ressaut, gainé de galuchat, trouvait preneur à 1 400 000 francs. Toujours le même engouement pour les dessins anciens avec une œuvre à la plume et lavis de Francesco Guardi représentant le pont Rialto et la Riva del Vin à Venise adjugée 450 000 francs le 3 avril par l'étude Tajan qui vendait également un lavis d'encre signé de Tiepolo représentant un éléphant près d'une pyramide pour 310 000 francs alors que trois jours auparavant l'étude PIASA enregistrait une enchère de 840 000 francs pour un torse d'homme dessiné au crayon noir et blanc sur papier bleu par Pierre Paul Prud'hon. Drouot a la fièvre certes mais celle-ci reste cependant moins virulente qu'à New York ou Londres où les prix pour les tableaux impressionnistes ou anciens ont plusieurs fois dépassé allègrement la barre des dix millions francs. On attend un grand test le 25 juin avec la vente par M° Tajan d'un tableau du grand maître vénitien du XVIIIe siècle Antonio Canaletto représentant une vue du Mole depuis le bassin San Marco d'une dimension de 66 x 113 cm. Acheté chez Christie's à Londres en 1972 pour 24 000 guinées et jamais revue sur le marché depuis, cette œuvre qui a été la propriété du frère du dernier Shah d'Iran a été estimée prudemment 15 millions francs. On peut rappeler à cet égard que M° Tajan adjugea en 1993 Le retour du Bucentaure le jour de l'Ascension de Canaletto pour 72 millions. On peut raisonnablement prédire que cette vue de Venise, bien que tardive dans l'œuvre du peintre, dépassera les 30 millions, de quoi donner le vertige au marché parisien qui est toujours bien en peine d'enregistrer des scores mirobolants. Adrian Darmon
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Les salles de vente de l'Hôtel Drouot n'ont pas désempli durant le premier trimestre de 1998 et ont connu une forte fièvre acheteuse de la part de leurs habitués alors que le commerce parisien n'a pas enregistré une évolution notoire de ses activités. Il existe une sorte de jeu permanent durant les ventes qui pousse les acheteurs à se jeter des défis comme s'ils étaient dans une salle de casino en train de batailler au Black-Jack ou à la roulette. Les enchères qu'ils prononcent sont souvent de loin supérieures aux prix qu'ils seraient disposés à payer dans telle ou telle boutique de la Rive Droite ou de La Rive Gauche ce qui a pour effet de laisser les observateurs pantois. Cette fièvre a parfois des effets néfastes comme lorsqu'un acheteur s'est avisé qu'un dessin aquarellé représentant un paysan italien avec un enfant dans les bras était une œuvre inédite de Géricault. Les enchères ont débuté à 2000 francs pour terminer à 1 025 000 francs. Aux dernières nouvelles, l'institut Wildenstein n'aurait pas émis un avis favorable à son sujet. Quoiqu'il en soit, il est de plus en plus fréquent de voir des experts jouer la prudence dans leurs estimations. En novembre dernier, M. Roudillon présentait une version de «L'Astronomie» de Jean de Bologne en précisant qu'il ne garantissait pas l'époque de fabrication. Bref, la femme nue, un pied reposant sur une sphère terrestre, estimée 18 000 francs, fit l'objet d'une vive bataille d'enchères qui conduisit à une adjudication de 1 350 000 francs. Le 2 avril l'étude Delorme proposait dans une vente d'argenterie un nautile en argent vermeillé représentant un cheval marin chevauché par un Neptune miniature. avec la partie postérieure du corps se terminant par un coquillage enroulé Estimé 12 000 francs, cet objet, en fait une pièce réalisée à Leipzig vers 1610, atteignit 595 000 francs... Mieux encore, l'étude Million mettait en vente un tableau ancien plutôt fatigué représentant Saint Pierre en prière estimé une vingtaine de milliers de francs le matin de la vacation. Averti par un amateur, l'expert Eric Turquin déboula dans la salle et annonça que le tableau était probablement un Fragonard dont on avait perdu la trace depuis 1776. Comme il s'agissait d'une vente sans catalogue, le commissaire-priseur demanda au vendeur s'il convenait de retirer l'œuvre pour l'inclure dans une vacation de prestige mais ce dernier décida de jouer le jeu et il eut mille fois raison car le tableau fut adjugé 8 millions de francs sans les frais... Mentionnons encore un record mondial pour une gravure sur bois de 1890 d'Auguste Lepère tirée à 12 épreuves représentant le parlement de Londres à 9 heures du soir adjugée le 8 avril par PIASA pour 210 000 francs. Raison de ce score : cette épreuve est introuvable... Bonne tenue des meubles avec des enchères conséquentes, notamment pour une commode à façade arbalète et galbée latéralement en placage de bois de violette marqueté de croisillons à trois tiroirs d'époque Louis XV vendue 420 000 francs le 6 avril par l'étude Delvaux, une paire de fauteuils d'influence cubisante en cuir noir de Pierre Legrain adjugée 1 650 000 francs le 2 avril par l'étude Million à Drouot-Montaigne. Du même Legrain, un cabinet à coffre galbé à ressaut, gainé de galuchat, trouvait preneur à 1 400 000 francs. Toujours le même engouement pour les dessins anciens avec une œuvre à la plume et lavis de Francesco Guardi représentant le pont Rialto et la Riva del Vin à Venise adjugée 450 000 francs le 3 avril par l'étude Tajan qui vendait également un lavis d'encre signé de Tiepolo représentant un éléphant près d'une pyramide pour 310 000 francs alors que trois jours auparavant l'étude PIASA enregistrait une enchère de 840 000 francs pour un torse d'homme dessiné au crayon noir et blanc sur papier bleu par Pierre Paul Prud'hon. Drouot a la fièvre certes mais celle-ci reste cependant moins virulente qu'à New York ou Londres où les prix pour les tableaux impressionnistes ou anciens ont plusieurs fois dépassé allègrement la barre des dix millions francs. On attend un grand test le 25 juin avec la vente par M° Tajan d'un tableau du grand maître vénitien du XVIIIe siècle Antonio Canaletto représentant une vue du Mole depuis le bassin San Marco d'une dimension de 66 x 113 cm. Acheté chez Christie's à Londres en 1972 pour 24 000 guinées et jamais revue sur le marché depuis, cette œuvre qui a été la propriété du frère du dernier Shah d'Iran a été estimée prudemment 15 millions francs. On peut rappeler à cet égard que M° Tajan adjugea en 1993 Le retour du Bucentaure le jour de l'Ascension de Canaletto pour 72 millions. On peut raisonnablement prédire que cette vue de Venise, bien que tardive dans l'œuvre du peintre, dépassera les 30 millions, de quoi donner le vertige au marché parisien qui est toujours bien en peine d'enregistrer des scores mirobolants. Adrian Darmon
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