Le Centre Pompidou organise jusqu'au 9 janvier 2006 une rare exposition sur l'art Dada qui fit scandale dès son apparition à la fin de la Première Guerre Mondiale. Il est difficile de définir exactement le Dadaïsme pour la simple raison qu'il a été souvent confondu avec le Surréalisme d'autant plus que les artistes qui s'en réclamèrent furent étroitement liés à ces deux mouvements sauf que le premier était avant tout contestataire alors que le second fonda ses principes sur l'onirisme, l'étrange et la psychanalyse.
Si le Dadaïsme a pris naissance à Zurich en 1916 grâce à Tristan Tzara et Hans Arp, il ne faut pas oublier le rôle prépondérant joué dès 1913 par Marcel Duchamp qui présenta son urinoir à l'Armory Show de New York pour dire que tout était art. L'histoire retiendra que le Dadaïsme précéda le Surréalisme de quelques années et que les seuls buts identiques des deux mouvements furent de choquer et de pratiquer la dérision.
Au début des années 1920, les Dadaïstes, Max Ernst en tête, firent en sorte de créer le scandale en choquant le public. Ils avaient ainsi trouvé le moyen de remuer le monde de l'art, bien plus que le Cubisme ou le Suprématisme l'avaient fait entre 1910 et 1920, avec pour résultat d'introduire l'art dans la vie de tous les jours tout en dénonçant le mode d'existence qui leur était imposé.
Les revues, les photomontages, les poèmes, les pièces de théâtre ou les films dadaïstes s'employèrent à créer une atmosphère particulière propre à redéfinir ce qu'était l'art et l'exposition organisée au Centre Pompidou permet ainsi de retracer les étapes de ce mouvement singulier à travers un millier de pièces, réalisées notamment par Marcel Duchamp, Tzara, Eluard, Arp, Picabia ou Man Ray.
On constate quelque part que le Dadaïsme sortit du moule de l'anarchisme de la fin du XIXe siècle en reformulant à sa façon les théories des anarchistes ou des nihilistes puisque ce mouvement professa une remise en cause des acquis sociaux, idéologiques et artistiques et que son essor fut provoqué grandement par les conséquences désastreuses de la guerre mondiale.
Une fois le conflit terminé, l'Europe tout entière perdit ses repères et il n'est étonnant que la période de doute qui suivit permit aux Dadaïstes de se manifester et de se faire entendre. Mais déjà, plus rien n'était comme avant après que Duchamp eût osé faire d'un urinoir une œuvre d'art et de remettre ainsi en question le principe de la création.
On retiendra que s'il confina souvent à l'absurde, le Dadaïsme permit de définir une nouvelle notion de la liberté passant par le défi de dépasser toute limite, la dérision et la provocation mais aussi par l'utilisation de méthodes avant-gardistes comme l'écriture automatique ou le photomontage qui fut malgré détourné à des fins idéologiques par ses détracteurs.
Grâce au Dadaïsme, l'art a eu le bonheur de ne plus connaître de frontières mais l'outrance a parfois eu des effets néfastes, notamment dans le domaine du contemporain où les artistes ont fini par se chercher à force de se livrer à des expérimentations qui au lieu d'être génialement démentes sont devenues souvent débiles.
Il ne faut surtout pas oublier que, jugées folles au départ, les formulations du Dadaïsme devinrent rapidement des bases incontournables pour le développement de l'art du XXe siècle mais l'héritage de ce mouvement a progressivement perdu de son intelligence, du moins jusqu'au jour où d'autres artistes trouveront l'occasion de se réunir pour appliquer des idées aptes à entraîner d'autres révolutions qui seront plus tard jugées comme cohérentes.