Les amateurs de dessins français du XVIe siècle et du début du XVIIe ont surtout en tête François Clouet ou les dynasties des Dumonstier ou des Quesnel (pas moins de onze dessinateurs de talent pour la première et neuf pour la seconde) mais connaissent moins Nicolas Lagneau qui réalisa plus de 400 croquis dont certains figurent aujourd'hui dans la collection du Musée Condé de Chantilly. Il paraissait donc normal pour les responsables de ce musée d'organiser une exposition sur Lagneau, artiste réputé de son vivant mais ignoré de nos jours.
La date de naissance de Lagneau est restée un mystère tout autant que son arbre généalogique. On a seulement déterminé sans preuve qu'il serait mort vers 1660 mais ce que l'on sait avec certitude, c'est qu'il fut un artiste au trait incisif et réaliste qui ne laissa aucune place à la flatterie dans ses dessins.
Ce sont 70 dessins provenant du Musée, du Louvre et de la Bibliothèque Nationale qui sont présentés dans cette exposition appelée à durer jusqu'au 9 janvier 2006. Chose étonnante, au contraire de Clouet, Lagneau ne produisit pratiquement pas de dessins de personnages célèbres mais de gens ordinaires en montrant leurs laideurs ou leurs rides ou encore leurs défauts physiques avec une prédilection pour croquer les vieillards.
Lagneau avait un penchant certain pour les expressions naturelles comme un photographe s'attachant à réaliser des instantanés. Avant tout, il chercha à saisir la vie, la vraie, en refusant de l'enjoliver ou de se laisser aller à faire des caricatures. Dans ses dessins, ses personnages traduisent leur vécu, leur condition, leur lassitude ou leur fatalisme. Ensemble, ils constituent une galerie de portraits des bourgeois du début du XVIIe siècle lesquels essayèrent de survivre tant bien que mal après l'assassinat du roi Henri IV qui conduisit sa veuve, Marie de Médicis, à se laisser circonvenir par les Concini avant l'avènement de Louis XIII, son fils, qui régna avec l'aide de Richelieu.
Travaillant exclusivement pour une clientèle bourgeoise, Lagneau fut peut-être un artiste protestant, ce qui expliquerait pourquoi il n'aurait pas reçu de commandes de la part des membres de la noblesse française.