Le Musée du Louvre présente jusqu'au 2 janvier 2006 une exposition consacrée à Anne Louis Girodet (1767-1824), un peintre célébré de son vivant mais vite oublié après sa mort. Ayant reçu une excellente éducation, il fut également attiré par la littérature alors que son père envisageait de le voir entreprendre une carrière de militaire ou d'architecte. Surmontant les réticences de ce dernier, il entra comme élève dans l'atelier de Jacques-Louis David dès l'âge de 17 ans puis obtint le prix de Rome en 1789 avec « Joseph reconnu par ses frères », un tableau plein de mouvement et de virtuosité.
Loin de l'atmosphère tumultueuse qui régnait à Paris après la Révolution, Girodet arriva à Rome en 1790 mais après l'exécution de Louis XVI en janvier 1793, il dut fuir la Ville Eternelle pour se réfugier à Naples. Les cinq années qu'il passa en Italie ne lui laissèrent d'ailleurs pas un bon souvenir puisque durant cette période, il fut surtout confronté à des problèmes de santé et au manque d'argent.
Revenu à Paris après la tourmente de la Terreur, il parvint vite à se faire une place au soleil en réalisant des portraits pleins de force et des scènes mythologiques ou historiques assez spectaculaires qui firent de lui un des précurseurs du Romantisme.
Girodet fut un acharné de travail au point de surpasser David à partir de 1805 et de devenir la coqueluche du public mais durant les dix dernières années de sa vie, il se mit en tête de se consacrer à la poésie avec autant de passion que pour la peinture, ce qui nuisit quelque peu à son épanouissement artistique.
On retiendra de lui son audace comme dans « Le Sommeil d'Endymion » peint à Rome en 1791 qui marqua sa rupture stylistique d'avec David et où l'on découvre un jeune berger endormi caressé par un rayon de lune symbolisant Diane.
Girodet impressionna aussi Napoléon avec « La Révolte du Caire », un tableau dramatique malgré tout critique du pouvoir, ou avec « L'Apothéose des héros français morts pour la patrie pendant la guerre pour la liberté », une fresque grandiose et quelque peu nébuleuse réunissant des morts-vivants montrant Ossian accueillant les héros décédés au paradis d'Odin.
Personnage fantasque, vêtu comme un prince lorsqu'il sortait durant la journée et habillé comme la clochard lorsqu'il peignait, Girodet avait aussi un sale caractère. Il fit d'ailleurs un scandale au Salon de 1799 lorsque Mademoiselle Lange, une jeune actrice, lui demanda de décrocher son portrait qu'elle n'aimait pas. Fou de rage, il découpa l'œuvre en morceaux et fit un autre tableau où il la représenta nue en Danaé sous une pluie d'or, son amant sous un grabat et son mari en dindon.
Portraitiste de Chateaubriand, Girodet illustra avec maestria les funérailles d'Atala, héroïne du roman à succès de l'écrivain qu'il surnommait « l'enchanteur ».
A l'instar de Géricault, Girodet fut certainement un inspirateur pour Delacroix quoique son art fut le reflet de cette époque qui débuta avec le Directoire pour se terminer avec la chute de Napoléon. Pompeux, solennel, puissant, héroïque, dramatique et vibrant à souhait mais pas encore détaché de ce classicisme mis à l'honneur par David même s'il paraît plus poétique et sensuel. Il faudra attendre Delacroix pour voir l'éclosion d'une peinture moins idéalisée et donc plus en phase avec la réalité.