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Le dernier mot, Sarkozy l'a eu pour l'élection présidentielle avec sa pièce royalement chantée "Sarkozy fan tutte..."
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Styles époques
L'art moderne selon Christie's
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Richard Rodriguez, critique et amateur d'art – il a été notamment l'un des découvreurs de Jean-Michel Basquiat- s'est beaucoup remué ces derniers temps que ce soit pour dénoncer certaines pratiques existant sur le marché ou pour remettre en cause l'authenticité de certaines œuvres de Van Gogh. Cette fois-ci, il s'en prend à la maison franco-anglaise de vente Christie's qu'il accuse d'ineptie suite à sa décision de revoir ses méthodes concernant les dispersions de tableaux impressionnistes, modernes et contemporains.Rodriguez a adressé à Artcult un article plutôt sévère vis à vis de Christie's que nous reproduisons ci-dessous. L'entière responsabilité de ses écrits lui incombent et chacun est bien évidemment libre de partager son point de vue ou de ne pas être d'accord avec lui. Toutefois, il a le mérite de nous interpeller au sujet d'une politique de vente qui n'est pas sans appeler certaines questions. Adjugé plus de 5 millions de francs ! Christie's a réussi le 8 octobre dernier à Londres, sa gageure de nous démontrer qu'un tableau moyen et tardif de l'artiste contemporain Gerhard Richter, de 1982, d'un format de 80 x 100 cm, intitulé «Kerze», représentant une bougie allumée, pouvait valoir aussi cher qu'une œuvre majeure d'un artiste moderne ou ancien consacré. Belle victoire, mais pour combien de temps et à quel prix ? En réalité, ce record n'est qu'un fragile arbre qui cache une forêt dévastée. En effet, un triste record, d'un tout autre genre, a été battu lors de cette vente, celui du taux le plus important d'invendus (près de 50%) depuis le début de la crise de 1990 ! Ainsi donc, le tableau «phare» de cette vente, un Richter historique de 1969, intitulé «Seestück», représentant un ciel nuageux qui se reflète sur la mer, d'un format quadruple du précédent, 200 x 200 cm, est resté invendu à la stupéfaction générale alors qu'il était estimé moins du double (de «Kerze») et que, de surcroît, deux autres tableaux de la même série s'étaient déjà vendus quelques mois plus tôt près de 15 millions de francs chacun. Cette mévente n'est pas due, comme on pourrait le penser ou nous le faire croire, à la crise financière qui secoue la planète depuis l'été de 1998 ; le succès de la vente des peintres modernes allemands, organisée quelques jours plus tôt, nous démontrant le contraire. En réalité la responsabilité de ce mémorable échec en incombe aux seuls «décideurs» de Christie's qui ont eu l'«heureuse» idée l'année dernière de confier l'organisation de leurs ventes à des «directeurs de marketing» et non à de véritables Connaisseurs du marché de l'art ; imitant en cela les Boursiers qui ont eu la curieuse inspiration, avec les résultats effrayants que le monde de la Finance vient de découvrir, de confier la gestion de fonds spéculatifs à haut risque à des mathématiciens qui, bien que primés du Nobel, ignorent tout des subtilités et des risques de ce métier. Ces «génies» du marketing ont, après de savantes études statistiques, pris la décision «originale» de sectoriser le marché de l'art en dehors de toutes considérations esthétiques et historiques. Ils ont ainsi imaginé de vendre les Impressionnistes avec les peintre Néoclassiques et Pompiers, de réunir les Modernes de la première moitié du XXe siècle avec les artistes d'après la Seconde Guerre Mondiale jusqu'en 1969 et de cantonner les Contemporains, proprement dits, sur la seule période partant de 1970 jusqu'à nos jours : de «mélanger les torchons avec les serviettes » comme on dit vulgairement ! Le résultat ne s'est pas fait attendre, les ventes concernant le XIXe siècle ont été un véritable fiasco et aujourd'hui, c'est le tour de l'art Contemporain. Comment des gens aussi «éclairés» ont-ils pu avoir la prétention d'imaginer qu'ils pourraient aller aussi impunément à l'encontre de l'Histoire et de la valeur esthétique de l'art ? Comment peut-on commettre l'hérésie de réunir les Impressionnistes avec les peintures académiques qu'ils ont combattues, comment peut-on vendre Johns, Pollock, Tapiès, Soulages… avec Dufy, Bonnard, Marquet, Matisse… Coment peut-on séparer les artistes Nouveaux Réalistes de ceux de l'Arte Povera, comment peut-on dissocier Basquiat, Haring… de Warhol, Twombly ou Lichtenstein ? C'est faire peu de cas de l'Histoire de l'Art et du goût des véritables amateurs et esthètes en ne s'adressant ainsi qu'aux vils et frustes spéculateurs totalement incultes ; ils veulent nous imposer les «marchands dans le Temple» ! Le collectionneur n'est pas une «ménagère» à qui l'on vend de la lessive en faisant de la réclame dans un catalogue de vente par correspondance, aussi beau et bien présenté soit-il ! L'art n'est pas une vulgaire marchandise que l'on peut vendre dans n'importe quelle condition et à n'importe quel prix ! Alors que même les règles les plus élémentaires du Marketing imposent de bien connaître les notions du rapport qualité/prix, pour pouvoir vendre durablement tout produit ordinaire aux consommateurs et lutter efficacement contre la concurrence, ces «technocrates» de l'art ont l'audace de ne pas respecter ces mêmes critères tout en prétendant vouloir imposer à l'art ce système bassement mercantile de produit de consommation.
TRIBUNE LIBRE - OCTOBRE 1998 Les vrais collectionneurs, et dieu merci ils sont plus nombreux que l'on voudrait nous le faire croire, ne se satisfont plus depuis la dernière crise de ces «ersatz» culturels qu'un certain marché voudrait leur imposer. L'amateur d'art n'est pas aussi sectaire et stupide ! Il sait que l'on ne peut bien appréhender le Contemporain qu'en connaissant ses Classiques, qu'on ne peut prévoir quels seront les Classiques de demain si l'on n'apprend pas comment les Contemporains d'hier sont devenus les Classiques d'aujourd'hui. Il faut donc éviter toute sectorisation radicale du marché de l'art afin de permettre aux collectionneurs de pouvoir confronter le talent des jeunes artistes avec celui de leurs aînés, pour pouvoir juger objectivement de leur véritable valeur et de leur avenir. Ignorer cette règle fondamentale, c'est mépriser la valeur esthétique de l'art ainsiq ue son histoire. Enfermer l'art Contemporain dans un «ghetto» réserve à une élite de «golden-boys» qui n'attachent de valeur qu'au prix financier des œuvres, en n'achetant qu'avec leurs oreilles et non avec leurs yeux et leur cœur, c'est porter atteinte à la dignité de l'artiste et à la pérennité de son œuvre aux dépens de la civilisation et de la postérité ; l'art n'a rien à voir avec la mode ou la Bourse ! Quant au marché proprement dit, il ne faut pas en avoir qu'une vision à court terme. Faire un prix record sur l'œuvre d'un artiste c'est bien, s'il correspond à une réalité tangible et durable, mais cela peut s'avérer catastrophique, tant pour l'acheteur que pour l'artiste et pour le marché lui-même, si ce record, peu fondé esthétiquement et historiquement, n'est qu'éphémère et fictif. On doit prendre pour exemple le véritable collectionneur qui achète une œuvre contemporaine 50 000 FF et qui a la patience de la conserver pour la revendre 5 millions, tels les Ganz, et non celui du spéculateur qui l'achète à ce dernier prix pour la revendre trop rapidement, peut-être à 50 000 francs… Rappelons qu'en 1988/90, des œuvres de Susan Rothenberg, David Salle, Eric Fischl, Donald Sultan, atteignirent des prix records dans des ventes aux enchères, entre 3 et 4 millions de francs ; combien valent-ils aujourd'hui ? 5 à 10 fois moins !
Il est consternant de constater que, tout comme la Bourse qui n'a pas su tirer les leçons du Krach de 1987, le marché de l'art ne semble pas savoir ou vouloir tirer les leçons de son krach de 1990 alors qu'il est évident que les mêmes causes engendrent toujours les mêmes effets. En attendant, le résultat désastreux de la vente organisée par Christie's porte atteinte à l'ensemble du marché de l'art Contemporain dont la crédibilité et la fiabilité financière est mise en cause par la faute d'une poignée «d'apprentis-sorciers» au risque de reperdre la confiance, que l'on parvenait à peine à regagner, des vrais collectionneurs qui avaient déjà été échaudés par la folie spéculative des années 1980. A la lecture de ce pamphlet, la rédaction de Artcult trouve que Richard Rodriguez a raison de mettre les amateurs en garde, surtout lorsque le marché s'emballe sans raison véritable. On ne pourra qu'acquiescer à ces propos virulents tout en rappelant que l'art contemporain en France reste plutôt moribond après la période folle qu'il a connue entre 1987 et 1991. La récente FIAC nous a permis de constater que l'accent reste mis sur les valeurs sûres représentées plus par des peintres modernes - pour la plupart décédés- qu'actuels. On se rend compte que les galeries représentant les artistes d'aujourd'hui n'ont pas assez de courage et probablement de moyens pour les soutenir et que les acheteurs sont bien moins nombreux que naguère. Heureusement les «golden boys» ont déserté le circuit mais il reste que les collectionneurs ont encore du mal à s'y retrouver sur un marché qui stagne. Depuis la mort de Picasso, l'art contemporain en France cherche encore ses nouvelles «locomotives». Concernant la campagne soutenue menée par Richard Rodriguez et certains de ses amis au sujet du catalogue Van Gogh, Artcult se montre toutefois plus réservé car le travail à accomplir sur certaines œuvres qu'il conteste ne peut se limiter à des comparaisons et des opinions sur leurs défauts ou encore l'absence de documents qui s'y rapporteraient dans la correspondance entre le peintre et son frère. Cette campagne peut avoir le mérite de remettre en question l'attitude autocratique du musée Van Gogh mais pour le reste, elle n'apporte pas encore de réponses convaincantes et encore moins définitives pour ces tableaux contestés.
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