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Photographie

PHOTOGRAPHIE MODERNE: PANIQUE CHEZ LES COLLECTIONNEURS
Cet article se compose de 2 pages.
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Personne n'est à même d'évaluer la quantité de retirages posthumes de photographies de Man Ray aujourd'hui en circulation quand on sait que durant sa carrière, l'artiste a produit plus de 13 500 négatifs et planches contact dont un peu plus de 5000 seulement sont en possession du musée Georges Pompidou.
Man Ray, qui procéda d'ailleurs à la technique du retirage dans les années 1960 pour satisfaire des demandes venues de musées ou de galeries, utilisa plusieurs studios et s'entoura de collaborateurs pour développer ses photos. Or, de nombreuses personnes avaient accès aux endroits où étaient entreposées les oeuvres de l'artiste.

Certains de ceux qui le côtoyèrent à la fin de sa vie ont déclaré avoir été horrifiés par certaines choses et ajouté que de nombreux négatifs lui furent volés par des personnes de son entourage.

En 1976, on pouvait encore acquérir un cliché de Man Ray pour une somme encore modique car le marché de la photographie était encore balbutiant. A cette époque, personne ne se préoccupa du sort de nombreux négatifs laissés entre les mains de Serge Béguier ou de Pierre Gassmann, deux proches collaborateurs de l'artiste réputés pour la qualité de leurs tirages.

Ces derniers, tout comme Lucien Treillard, un des derniers confidents de Man Ray, ont été soupçonnés d'avoir écoulé de nombreux retirages d'épreuves célèbres comme «Larmes» ou «Noire et Blanche». Ce fameux lot de 78 clichés acquis par Werner Bokelberg auprès du spécialiste Benjamin Walter provenait ainsi de la succession Béguier mais quand on sait que de nombreux négatifs sont restés dans la nature on se doute bien que Serge Béguier n'a été qu'une source de production parmi d'autres.

En attendant de nombreux collectionneurs ont été pris au piège des retirages d'oeuvres de Man Ray, notamment l'expert Gérard Lévy, qui a délivré des certificats d'authenticité pour au moins six faux produits sur du papier photographique récent, la marchande américaine Virginia Zabriskie, quelques gros acheteurs japonais et le chanteur Pop Elton John qui a acquis une version douteuse de «Larmes» en mai 1993 pour plus de 900 000 FF. Dire donc que le marché est en pleine ébullition est un doux euphémisme car s'il est facile de déterminer qu'un cliché a fait l'objet d'un retirage sur un papier récent, il est quasiment impossible de détecter la supercherie lorsqu'on a affaire à un papier d'époque.

Il existe toutefois un moyen de mettre en évidence certaines falsifications et ce par l'étude de nombreux clichés originaux qui, à partir des négatifs, ont été recadrés ou retravaillés par Man Ray lui-même. De cette manière, les experts ont eu l'occasion de découvrir que des négatifs de la série des «Larmes» mis au rebut par l'artiste ont servi plus tard à la fabrication de faux.

Pour l'instant, la police tente d'en savoir plus sur le scandale Man Ray alors que les collectionneurs semblent toujours se voiler la face car il ne faut pas être dupe. Il y a Man Ray et les autres, c'est à dire de nombreux grands de la photographie comme Moholy-Nagy, André Kertesz, Richard Avedon, David Bailey, Cecil Beaton, John Banting, Bill Brandt, Brassaï, Cartier-Bresson, Edward Weston, Irving Penn, Robert Doisneau, Alexander Rodchenko, George Hoyningen-Huene, Robert Mapplethorpe pour ne citer que ceux-là. Il suffit pour les faussaires d'avoir des négatifs à leur disposition ou un ordinateur pour reproduire une image et surtout du papier photographique d'époque pour inonder le marché de plagiats.

Qu'on se le dise, l'ingéniosité des faussaires est sans bornes et certains petits génies malfaisants sont parvenus à reproduire des daguerréotypes des années 1850 dont certains exemplaires représentant des vues de villes ou des nus artistiques se vendent au delà de 20 000 francs l'unité. Un jour, on apprendra peut-être la redécouverte d'un négatif bis de la première photo jamais réalisée au monde, une vue plutôt floue de toits par le légendaire Nicéphore Niepce estimée plus de 5 millions francs et conservée aujourd'hui dans un musée américain.

Ce jour-là, la supercherie sera énorme.
En attendant le marché de la photographie risque de virer au négatif...

Adrian Darmon
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