C'est un véritable boom auquel on assiste dans le domaine de la photographie notamment avec le triomphe de la vente Jammes en octobre 1999 chez Sotheby's à Londres dont le score total a été de 74,30 millions de francs. La plupart des professionnels sont restés stupéfaits par les nombreuses enchères incroyables enregistrées lors de cette vente tandis que le fossé se creuse dangereusement entre les maisons de vente anglo-saxonnes et les commissaires-priseurs parisiens.
Le Salon Paris-Photo qui s'est tenu à Paris jusqu'au 21 novembre a été l'occasion pour certains de ces commissaires-priseurs de proposer des clichés de qualité dans leurs ventes mais leurs catalogues ont été loin de satisfaire une clientèle exigeante. Les premiers résultats sont venus confirmer ce fait surtout que certains clichés laissaient à désirer. N'empêche, des retirages ont atteint des prix injustifiés.
Par contre, les tirages irréprochables se sont très bien vendus comme ce cliché de Cartier-Bresson «Cuba, 1934» qui a atteint 155 000 FF tandis qu'un nu de Frantisek Drtikol est parti à 100 000 FF. Il y a 25 ans à peine, le domaine de la photographie était traité avec le plus profond mépris alors que celle-ci est devenu un art à part entière aujourd'hui.
Au salon Paris-Photo les prix pour des clichés allaient de 3000 FF à plus de
1 800 000 FF alors qu'il y a quelques années, les photos ne valaient pas plus cher que des cartes postales.
Maintenant des photographes du siècle dernier comme Gustave Le Gray sont devenus des stars mondiales du marché. Une de ses photos, provenant de la collection Jammes, a d'ailleurs été vendue au prix record de 5,2 millions francs alors que des photographies du 20 e siècle sont à leur tour vendues au delà du million FF.
Un facteur significatif : le redémarrage du marché de l'art avec des prix qui montent en flèche dans plusieurs secteurs alors que le public commence à considérer la photographie différemment en la regardant maintenant comme objet et non plus comme le résultat d'une pratique liée à la presse, à la mode, à la publicité ou à l'industrie.
Il faut aussi remarquer que la peinture a perdu de son influence depuis la mort de Picasso lequel a laissé un grand vide derrière lui alors que de nombreux artistes ont mixé les photographies à leurs œuvres ou fait de la photo un art à part entière souvent à travers des montages.
La photographie est devenue ainsi un art très contemporain qui plaît au public surtout que sa multiplicité est acceptée facilement. Il y a à présent un engouement sérieux pour la photographie qui pousse les prix en hausse. Parmi les acheteurs figurent d'ailleurs des gens assez jeunes qui ont fait fortune dans l'univers de l'informatique ou la communication et qui sont attirés par l'image.
On assiste ainsi à un mouvement spéculatif important sur le marché alors que de nombreux acheteurs font trop souvent abstraction de la qualité des clichés et que les Américains font la loi sur le marché mondial. Les pièces ne deviennent plus accessibles aux petits collectionneurs et le marché se resserre ainsi vers le haut et devient ainsi un club très fermé. A partir du moment où on ne pourra plus jouer sur le principes des vases communicants, les photographies deviendront des objets de spéculation comme le furent les diamants il y a quelques années.
Le risque est bien entendu de faire face à un krach un jour ou l'autre lequel permettra néanmoins de remettre le marché à plat. En attendant, il y aura pas mal de collectionneurs mal avisés qui seront restés sur le carreau.