L'exposition Millet-Van Gogh , qui s'est tenue de septembre 1998 à janvier 1999, a donné l'occasion à Benoit Landais, spécialiste autoproclamé du peintre hollandais, d'affirmer que deux toiles sont des faux grossiers.
Dans la rubrique «Opinions» du 19 novembre 1998, le Monde publie une lettre de Landais qui affirme que deux toiles représentant des moissonneurs sont des faux exécutés probablement par le peintre Claude-Emile Schuffenecker. La première étude de Moisson , confiée par le Musée d'Israël, est selon lui «rude, sèche et plate». La seconde, prêtée par le Musée d'Art de Toledo (Ohio) montre un personnage à la silhouette empotée et aux épaules hors de proportions.
Or, Schuffenecker éprouvait de grandes difficultés à peindre des silhouettes et des mains alors que les lignes de l'ensemble sont atypiques.
Ces deux toiles ne proviennent pas de la collection de la veuve du frère de Vincent. La Moisson de Jérusalem est réputée avoir été peinte par VanGogh en juin 1888 à Arles. Vincent envoya à Emile Bernard deux dessins correspondant à cette vue et l'un de ceux-ci tomba dans les mains d'Amédée Schuffenecker, frère de Claude-Emile. Le tableau reprend certaines lignes de ce croquis et comprend deux maisons mal plantées qui ne sont pas dans celui-ci.
Benoit Landais signale que le cas du Moissonneur de Toledo est aussi intriguant car la toile a eu une réplique aujourd'hui rejetée. L'œuvre de Toledo ne s'apparente pas aux peintures arlésiennes de Van Gogh et correspondrait plus à la période d'Auvers. L'église, la cheminée d'usine, la fumée du train semblent empruntées à la Moisson arlésienne du peintre, qui
appartenait aux frères Schuffenecker et qui est maintenant conservée par le musée Rodin.
La vue de la ville d'Arles depuis l'Est est notamment incompatible avec la présence des Alpilles dans le fond alors que le blé n'apparaît coupé que sur une petite surface à côté du personnage mais on a en tiré déjà une dizaine de meules, chose impensable puisqu'on n'agrège pas le blé avant de le battre en meules coniques conçues pour résister aux intempéries, souligne Landais.
A l'appui de son analyse, il cite une lettre de Van Gogh du 21 juin 1888 dans laquelle le peintre indique que le champ avait changé d'aspect à la suite de pluies torrentielles durant deux jours et qu'il avait fallu rentrer le blé en grande partie.
Van Gogh n'évoqua jamais ces deux toiles dans ses lettres tandis que le catalogue du musée d'Orsay signale que l'artiste produisit pas moins de dix tableaux entre le 13 et le 20 juin, ce qui semble très excessif pour Landais qui rappelle que le 20, jour du déluge, Van Gogh dut probablement ranger ses pinceaux.
Landais s'en remet à une lettre adressée par le peintre à Emile Bernard dans laquelle il précisait qu'il travaillait sur sept études de blé.
«Une quinzaine de croquis et dessins permettent d'identifier ces sept toiles et il n'y en aura pas d'autres,» souligne Landais sûr de sa démonstration.