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Peintures

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LES «FAUVES»

LES «FAUVES»,
UNE FOIS DOMPTES, PERDENT DE LEURS GRIFFES

Par Adrian Darmon

La plupart des peintres français du mouvement «Fauviste» ont produit leurs plus beaux tableaux entre 1904 et 1911, mais par un phénomène difficile à comprendre d'emblée, ont perdu de leur éclat dans les années suivantes.

Seuls Matisse, Braque ou Rouault ont pu poursuivre une voie royale en devenant des grands maîtres de la peinture par la suite alors que les autres artistes ont sombré pour la plupart dans la banalité.

Le Fauvisme a été l'origine une réaction de divers peintres contre leur formation académique. Ceux-ci ont prôné l'emploi généralisé des tons purs dans leurs œuvres.

Derain, Vlaminck, Othon-Friesz, Rouault, Camoin, Puy, Valtat, Dufy, Manguin et quelques autres ont produit des tableaux exceptionnels durant une période qui n'a pas dépassé huit années.

A partir de 1912, alors que l'Expressionnisme allemand n'a pas encore faibli en empruntant une voie proche du Fauvisme, ces peintres sont retournés vers des styles plus conventionnels et ont perdu une bonne partie de leur âme.

Derain et Vlaminck représentent deux exemples frappants de cette rupture avec le Fauvisme alors que Braque s'est tourné avec succès vers le Cubisme dès la fin de 1907, que Matisse n'a pas cessé de s'améliorer jusque vers les années 1940 et que Raoul Dufy a plus ou moins réussi sa conversion.

Derain et son ami Vlaminck ont souvent travaillé ensemble dans les environs de Chatou et en Provence pour produire des toiles jugées magnifiques aujourd'hui et qui souvent se négocient au delà de 10 millions FF l'unité sur le marché. Derain a même été peindre des toiles à Londres qui sont parmi les plus belles qu'il ait créées mais bizarrement, tous deux se sont éloignés de l'utilisation des couleurs pures pour entrer dans une nouvelle voie.

Jusque vers 1914, Vlaminck et Derain sont parvenus à peindre des tableaux de qualité mais la Première Guerre Mondiale semble avoir définitivement brisé leur élan. D'ailleurs, le conflit portera aussi un coup sérieux à l'Expressionnisme flamboyant pratiqué en Allemagne avec la mort au combat de Franz Marc ou d'August Macke mais celui-ci survivra après la guerre, certes avec moins d'intensité, avec Meidner, Kirchner, Pechstein, Nolde, Mueller, Heckel, Grosz, Jawlensky, Rohlfs ou Schmidt-Rottluff pour ne citer que ceux-là.

En fait, les peintres français engagés dans le Fauvisme n'ont pas attendu la guerre pour s'en écarter comme s'ils s'étaient trouvés en panne d'inspiration pour faire perdurer le mouvement.

Pourtant, c'est durant cette courte période que Friesz, Puy et Manguin entre autres exécutent leurs plus belles toiles. Puis, tout comme Derain et Vlaminck, ils finissent par perdre leur veine créatrice et s'enfoncent dans une relative banalité.

Les tableaux de Vlaminck, produits après 1914, finissent par être répétitifs alors que Derain perd progressivement le sens des couleurs. Friesz, quant à lui tâtonne un moment, tout comme Puy, qui n'a pas osé aller jusqu'au bout des audaces conseillées par Matisse, et Derain, qui a préféré au paroxysme de la couleur l'harmonie des lignes et de la modulation des tons. Après 1912, Puy a bizarrement commencé à s'emmêler progressivement les pinceaux…
La différence des prix entre les tableaux produits durant la période Fauve et ceux peints après est éloquente. Friesz et Manguin dépassent parfois le million FF pour des tableaux exécutés entre 1905 et 1908, Valtat les suit de près, Puy se situe parfois à plus de 500 000 FF, Derain et Vlaminck se vendent des fois à plus de 15 millions.

Pour la période qui suit le Fauvisme, les tableaux de ces peintres se vendent bien moins cher puisqu'on peut trouver des œuvres de Jean Puy à moins de 15 000 FF, de Friesz à moins de 30 000 FF, de Valtat ou de Manguin à moins de 100 000 FF, de Derain à moins de 120 000 FF ou de Vlaminck à moins de 200 000 FF.

Dès lors que Braque et Matisse ont abandonné la voie du Fauvisme et que Dufy, Derain et Vlaminck n'ont pas cherché à y rester, il semble que le mouvement a été voué à sa perte. Il faut dire que le Cubisme lui a porté trop d'ombre tout en ouvrant la voie à une forme de peinture révolutionnaire et que dès lors, le Fauvisme n'a pas été en mesure de résister à l'évolution qu'il a provoquée.

Il y avait pourtant des possibilités de mieux l'explorer mais faute de chef de file et parce qu'il était né trop tard, il a été rapidement rangé au rayon de l'histoire de la peinture.

Le Fauvisme aurait pu néanmoins déboucher vers une nouvelle forme d'Expressionnisme mais les Français ont été toujours rébarbatifs à cet art, trop violent à leur goût.

Se trouvant dans une impasse, Derain, Vlaminck, Dufy et les autres n'ont pas cherché à aller plus loin parce que leur mouvement n'a compté momentanément qu'une poignée de fidèles. Mais même avec un contingent plus étoffé, la guerre et le Cubisme triomphant l'auraient stoppé de toute manière.

Si on pousse plus loin l'analyse, on s'apercevra que le Cubisme lui-même a perdu progressivement de son aura après 1920 au profit de nouvelles formes liées à l'abstraction ce qui signifie que l'accélération de l'histoire au XXe siècle n'a plus permis aux nouvelles tendances de perdurer indéfiniment.

On s'aperçoit d'ailleurs que chaque mouvement n'a aujourd'hui qu'une durée de vie qui ne dépasse pas une décennie ou deux en général que ce soit l'art informel, l'art minimaliste, le Surréalisme, l'Expressionnisme-abstrait, l'art brut, l'expression libre, la peinture Cobra, l'hyperréalisme ou bien d'autres tendances.

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