Le peintre Georges Rouault (1871-1958), surtout célébré pour ses tableaux religieux et sur le cirque, peignit aussi des scènes de bordel durant sa carrière.
Ce dernier aspect de l'œuvre de ce grand artiste est moins connu et pour cause, sa fille Isabelle, héritière du droit moral, ne veut pas en entendre parler. Alors, si d'aventure un amateur venait à présenter à celle-ci une œuvre qu'elle jugerait scabreuse il se verrait opposé un refus outragé quand bien même cette œuvre serait authentique.
L'attitude affichée par Isabelle Rouault, qu'on dit fort dévôte, est certainement un camouflet porté à la mémoire de son père dont une partie de l'œuvre reste ainsi aux oubliettes.
En rejetant arbitrairement les scènes de lupanar, Isabelle Rouault ne fait guère preuve de bon sens, d'honnèteté et de justice et se place ainsi parmi les experts qui ne font pas correctement leur travail.
Ce parti-pris est inacceptable pour tous ceux qui aiment l'art pour ce qu'il est et qui souhaitent voir l'expertise évoluer vers plus de compétence et de sérieux.
Isabelle Rouault s'est d'autre part souvent montrée très sévère au sujet de l'authentification d'oeuvres de son père refusant de reconnaître des tableaux qui semblaient être incontestablement de la main de ce dernier. Il est vrai qu'elle n'est pas la seule parmi les femmes ou les filles de peintres à semer la terreur. Il suffit d'interroger ceux qui ont eu affaire aux veuves de Jean-Michel Atlan, Foujita ou van Dongen pour se faire une petite idée à ce sujet.
Il faudra donc patienter encore quelques années avant de voir les scènes de bordel produites par Rouault être enfin reconnues comme authentiques. Les filles de joie, qui ont souvent mis le talent de l'artiste à contribution, auront à leur manière leur revanche comme celles de Toulouse-Lautrec qui faillirent être brûlées par sa mère au lendemain de sa disparition.
A.D