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LE JOURNAL D'UN HOMME BLASE (4e chapitre) par Adrian Darmon
19 Mars 2019
Catégorie : News
Cet article se compose de 5 pages.
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Malheureusement, la fureur populaire conduit souvent à des destructions, comme durant l'An II lors de la Révolution française avec la stupide vente à la criée de tous les biens du domaine de Versailles à partir du 23 août 1793, devenu propriété nationale. Tout devait disparaître, des meubles extraordinaires, aux effets de Marie-Antoinette, au lit somptueux, aux tableaux aux porcelaines de Sèvres et de Vincennes et aux superbes pendules ouvragées pour vider le château de tous ses trésors incomparables.

Entre deux porcelaines fut annoncé le portrait de l'empereur Joseph II, frère de la veuve Capet que le commissaire-priseur Charles Delacroix, député de la Montagne et père du célèbre peintre Eugène, auteur en 1830 de l'emblématique tableau « La Liberté Guidant le peuple », fit immédiatement retirer de la vente en s'en saisissant pour détourer le visage avec un couteau et mimer sa décollation. Quatre ans plus tôt, la Révolution avait démarré avec la prise et la démolition de la Bastille, un acte visant à faire table rase du passé pour bâtir une nouvelle ère qui commença avec l'an 1 de la République (1792-1793) tandis que les révolutionnaires se débarrassèrent des symboles de la royauté le 14 août 1792, quatre jours après l'assaut des Tuileries, lorsque Danton signa un décret pour ordonner l'enlèvement des bas-reliefs,inscriptions, monuments en bronze et de tout ce qui incarnait l'Ancien Régime en amenant les sans-culottes a déboulonner les sculptures royales de Paris et de province, comme les deux statues de Louis XIV , pédestre par Martin Desjardins sur la place des Victoires, et équestre par François Girardon sur la place Vendôme, pour faire des canons en bronze. Un désastre sans équivalent dans l'histoire des soulèvements puisque même en 1917, les révolutionnaires russes ne détruisirent qu'à peine 20% des œuvres tsaristes.

En octobre 1793 à Notre-Dame, les figures de la galerie des rois de Judas furent renversées de la façade occidentale tandis que la cathédrale fut mise à sac, tout comme son phénoménal trésor qui disparut à jamais. Aujourd'hui, les sculptures placées du magnifique édifice ne sont que les copies conçues au 19e siècle par le restaurateur du patrimoine, Eugène Viollet-le-Duc qui se permit quelques libertés avec le décor de l'édifice.

L'iconoclasme républicain concerna aussi les portraits peints, livrés à de grands autodafés qui suivirent le pillage des demeures de nobles emprisonnés ou partis en exil et s'il fut impossible de quantifier le nombre de chefs-d'œuvre perdus, on déplora notamment la destruction d'un portrait de Louis XIII par Philippe de Champaigne au château de Fontainebleau. Signe des temps féodaux, l'art médiéval devint honni, les cultes de la Raison et de l'Être suprême voulant bannir toute superstition religieuse.

Ce fut au milieu de la Terreur, à l'époque du procès puis de l'exécution de Marie-Antoinette (mi-octobre 1793), que les violences atteignirent leur apogée, . Le 21 janvier, Louis XVI avait été guillotiné, mais, pour les Jacobins, cela n'était pas suffisant, au point de s'en prendre aux tyrans jusque dans leurs tombes en procédant notamment au démantèlement des monuments funéraires des rois de France dans la basilique de Saint-Denis où les dépouilles royales furent déterrées et profanées d'une manière écoeurante.

Des fanatiques ivres de colère extirpèrent ainsi les corps momifiés des souverains, en particulier celui d'Henri IV resté dans un état de conservation remarquable qui fut démembré et dont les reliques furent revendues à la sauvette, comme certains restes achetés par des peintres pour les transformer en pigment dit de brun de momie. Puis, dans une ultime exaltation morbide, les cadavres furent entassés dans une fosse commune où ils furent recouverts de terre et de chaux pour en proscrire toute vénération éventuelle.

S'opposant à cette folie destructrice, Alexandre Lenoir fut un des rares individus sensés à oser tenter de sauver certains tombeaux et gisants en faisant valoir que ces œuvres étaient des témoignages du génie artistique qui devaient être préservées pour l'instruction du peuple. En 1794, l'Abbé Grégoire eut aussi le courage de dénoncer les crimes contre les œuvres d'art en étant le premier à les qualifier de vandalisme, en référence aux barbares germains qui mirent Rome à sac au 5e siècle.

En 1795, Alexandre Lenoir ouvrit le musée des Monuments français dans les bâtiments de l'actuelle École Nationale Supérieure des Beaux-Arts. Également conservateur au Museum (l'actuel musée du Louvre), le peintre Hubert Robert sauvegarda la mémoire des monuments dans ses toiles alors que paradoxalement, la Révolution eut finalement pour résultat de générer une prise de conscience de la fragilité du patrimoine qu'il fallait dès lors préserver, partager et transmettre.

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