Durant un demi-siècle, Alexandre Lewkovicz a sillonné le monde pour rapporter de sublimes clichés dignes des plus grands photographes de son temps en nourrissant un amour profond pour son métier sans vraiment chercher à devenir aussi célèbres qu'eux.
Harlem: le culturiste
Né en Oural en 1941 de parents originaires de Lodz qui avaient fui les massacres commis par les nazis en Pologne, Lewkovicz est resté sa vie durant un homme modeste avec une profonde humanité à l'égard de ses semblables.
Enfants gitans jouant sur un terrain vague
Après une enfance passée en Sibérie puis à Lodz entre 1953 et 1961 où il étudia à l'école de cinéma pour devenir cameraman, Alexandre vint s'installer à l'âge de 20 ans à Paris en désirant entrer à l'IDHEC, une ambition restée lettre morte du fait que l'examen d'entrée était largement constitué d'épreuves de philosophie auxquelles il ne s'attendait pas.
Nullement découragé, il se lança dans la photographie et eut droit à sa première exposition rue Mouffetard en 1965, un an après avoir été un des rares blancs à sillonner Harlem pour prendre en catimini d'étonnantes photographies dans ce quartier alors chaud de New York.
Ayant remarqué ses photos, Gisèle Freund lui conseilla de proposer ses services à l'agence Magnum mais sa rencontre avec Marc Riboud tourna court. Toutefois, vivre de la photographie ne fut pas trop difficile puisqu'il put vendre ses clichés à des magazines comme Le Nouvel Observateur ou Géo avant de travailler pour l'agence Sipa entre 1972 et 1980.
Vieille gitane et jeune femme
Alexandre ne s'est cependant pas considéré comme un photoreporter au sens exact du terme en préférant de loin raconter sur la pellicule des histoires à développer tout en continuant de réaliser des clichés sur Paris où la liberté de photographier est selon lui magnifique.
Vieil homme à Harlem
Ce petit homme empli d'humour a souvent pris des risques insensés en travaillant au débotté dans la rue, comme aux Philippines où il était allé réaliser un reportage sur des palaces lorsque la police l'avait pris pour un trafiquant de drogue en échappant alors à un mauvais sort après avoir prouvé que le ministre du Tourisme philippin lui avait donné rendez-vous pour son reportage.
Jeune gitane blonde sur son lit
Inspiré par des photographes comme Elliott Erwitt ou Edward Steichen, Lewkovicz avait longtemps pensé qu'il était plus utile de vendre ses clichés à des magazines plutôt que de participer à des expositions surtout que les galeries avaient pour habitude de présenter des peintures jusqu'au début des années 2000.
Adrian Darmon aux Tuileries
Depuis, les choses ont profondément changé en permettant de mettre enfin les grands photographes à l'honneur et Alexandre fait assurément partie de ceux-là sans craindre d'être comparé à des magiciens de la pellicule tels Cartier-Bresson, Brassaï ou Doisneau lorsqu'on est confronté à ses clichés sur Harlem, les Porto-Ricains ou les gitans qu'il s'est plu à immortaliser, comme ont pu le constater les visiteurs de l'exposition qui lui a été consacrée jusqu'au 21 novembre 2015 à la galerie Just Jaeckin, rue Guénégaud à Paris.
Lewkowicz a souvent capté la vie des humbles sans fioritures avec un oeil avisé et curieux pour effectivement raconter une histoire parce que derrière ses clichés, il y en a toujours une qui se révèle tendre, étonnante et terriblement réelle à la fois. Du grand art...
Adrian Darmon