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Je n'aurai plus de tableau russe à te proposer, mon cher Souren Melikian mais je penserai toujours à toi
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LE DELICAT PROBLEME DES RESTITUTIONS D'OBJETS PILLES EN AFRIQUE SOUS L'ERE COLONIALE
22 Novembre 2018 Catégorie : FOCUS
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Cet article se compose de 2 pages.
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Pour Le Monde Diplomatique, l'important est de sortir ces objets de leur engourdissement muséal, de leur carcan autant ethnologique qu'esthétique, en rendant possibles des réappropriations diverses et contradictoires, en encourageant la multitude des angles de vue car il est essentiel de remettre ces objets en jeu, par le moyen d'un débat constructif reposant davantage sur un esprit de réconciliation que sur le principe moral de la réparation – de manière à éviter que les butins des guerres coloniales et plus largement les objets des Autres ne deviennent des armes d'affrontements, au risque de transformer le « musée universel » en espace de confrontation généralisée. Ce qu'avait déclaré le président Macron en novembre 2017 avait laissé entrevoir une remise en question du sacro-saint principe d'« inaliénabilité » brandi depuis des décennies par l'État. En clair : les biens des musées français ne peuvent être ni donnés, ni vendus. C'est la loi.Un principe au nom duquel, en mars 2016, le premier ministre Jean-Marc Ayrault rejetait fermement la demande de restitution du Bénin concernant les objets sacrés du royaume de Dahomey, pillés au XIXe siècle et désormais détenus par le Musée du Quai-Branly, à Paris. Le journal « La Croix » a signalé que les deux auteurs du rapport sur les restitutions avaient concentré leurs recherches sur l'Afrique subsaharienne, principale concernée par les pillages et spoliations à l'époque coloniale. Selon les experts, 90 % du patrimoine historique africain aurait été « emporté » en France à partir du milieu du XIXe siècle. Soit près de 90 000 œuvres. À lui seul, le Musée du Quai-Branly en détient 70 000 (sur les 300 000 de sa collection), dont 46 000 seraient « restituables ». Dans les plus grandes collections des États africains, le chiffre tombe de 3 000 à 5 000 objets. « Le cas de l'Afrique subsaharienne est emblématique de cet absolu déséquilibre, avait souligné Felwine Sarr sur France Culture. Il n'est pas juste que l'essentiel du patrimoine d'une communauté entière ne soit pas là, qu'il ne permette pas aux peuples de reconstruire leur histoire, leur mémoire, qu'ils ne puissent pas reconnecter leur jeunesse avec cette histoire», avait-il poursuivi. Plus que sur la valeur souvent inestimable de ces biens, Bénédicte Savoy et Felwine Sarr se fondent sur leur dimension « émotionnelle et symbolique ». « Je sais la douleur des perdants qui se font déposséder de leur patrimoine. J'ai aussi mesuré combien, plus le temps passe, plus cette douleur s'accroît », soulignait l'historienne de l'art en mars dernier, lors d'une présentation à la presse de leur mission. Plaidant pour « une nouvelle éthique relationnelle » avec le continent africain, les auteurs ont ainsi écarté l'idée de restitutions temporaires. Si le processus de rapatriement « doit être progressif » afin de s'adapter à « l'état de préparation des pays africains », les retours ne peuvent être selon eux que définitifs. Butins de guerre, vols, pillages, trafics, achats…, le rapport énumère les différentes formes d'appropriation des œuvres de 1885 à 1960. Surtout, il propose une modification du code du patrimoine « qui permette de prendre en compte tous les cas de figure ». Aux pays africains concernés de déposer leurs demandes à la France sur la base de l'inventaire qu'ils ont dressé. Dès son annonce, le rapport a suscité l'émoi des milieux de l'art, conservateurs de musée et galeristes en tête, inquiets de voir fondre leurs collections. « La constitution de collections en Afrique ne peut pas se faire sur le dos des collections nationales occidentales », a estimé Julien Volper, conservateur au Musée royal de l'Afrique centrale à Tervuren, en Belgique. Pour lui, la question est d'abord d'ordre philosophique. « Juger des actes du XVIIIe ou du XIXe siècle selon les lois et surtout la morale actuelles, c'est entrer dans l'anachronisme du ressenti,a-t-il déploré Avant de réfléchir à des conditions de retour pour ces œuvres, il aurait fallu s'interroger sur la légitimité même de cette démarche. Or on a confié cette mission à deux personnes qui non seulement ne sont pas africanistes, mais ne sont absolument pas neutres sur le sujet. » En Afrique aussi, des réticences se font entendre, a souligné « La Croix ». « La restitution est une fausse bonne idée », a ainsi jugé l'artiste béninois Romuald Hazoumé. Les raisons ? Le mauvais état des infrastructures, mais surtout l'instabilité politique du pays. « Dans trois ans, il y aura des élections présidentielles au Bénin. Quelle sera la position du nouveau gouvernement sur cette question ?, s'est-il demandé. Les œuvres restituées seront-elles respectées ? » Même crainte chez Julien Volper, échaudé par le sort réservé aux 114 objets de son musée qui ont été transférés vers les collections de l'Institut des Musées nationaux du Zaïre (l'actuelle République démocratique du Congo), entre 1976 et 1982. « En 2007, il n'en restait que 21. Une partie a été vendue sous la présidence de Mobutu… »,a-t-il signalé « S'inquiéter de l'avenir de ces œuvres, c'est être taxé de paternalisme. Mais c'est la logique de restitution qui est paternaliste par certains aspects. Ne serait-il pas plus glorieux pour un pays africain d'avoir un ou des musées qui répondent aux normes des plus grands musées occidentaux et de pouvoir organiser ou accueillir non seulement des expositions d'art africain mais aussi européen ? » Si la volonté des nations africaines de se réapproprier leur patrimoine et de le transmettre aux jeunes générations est légitime, l'enjeu reste de trouver des lieux propices à l'accueil des œuvres et à leur conservation. De nombreux projets sont en cours, notamment au Bénin où pas moins de quatre musées sortiront de terre dans les prochaines années. « Mais rien n'a encore commencé », a remarqué Romuald Hazoumé. Au Togo, l'ancien palais du gouverneur de Lomé transformé en centre d'art ouvrira au premier semestre 2019. Au Sénégal, le musée des Civilisations noires de Dakar doit être inauguré en décembre. Le Quai Branly prêtera à cette occasion des masques issus de ses collections. « Notre politique a toujours été centrée sur la coopération. Nous sommes dans une logique d'échange et de circulation des œuvres », a rappelé Thomas Aillagon, directeur de la communication du musée. Pour Pierre Amrouche, consultant international en art africain et océanien, la coopération entre les musées occidentaux et africains est aujourd'hui une nécessité, restitution ou pas. « Il n'y a aucune raison de ne pas partager ce patrimoine. D'autant que les réserves des musées français sont remplies d'œuvres qui sommeillent. Ce serait une bonne occasion de leur faire prendre l'air», a-t-il dit. Le rapport Savoy-Sarr inspirera-t-il à l'Élysée un « plan restitutions » ? Sans toujours l'avouer, certains conservateurs de musées français lui souhaitent le même avenir que le plan « banlieue » de Jean-Louis Borloo, resté lettre morte, a conclu « La Croix ». On gage qu'il faudrait beaucoup de temps avant que ces restitutions n'interviennent car nombre de pays africains n'ont pas encore les moyens d'accueillir les pièces de leur patrimoine alors que les musées européens font valoir qu'elles sont vues par des millions de visiteurs venus des quatre coins de la planète. Reste le problème de l'insécurité auxquels plusieurs pays africains sont confrontés, comme cela a été le cas à Tombouctou avec la destruction de mausolées historiques par des terroristes islamistes alors que Boko Haram a continué de menacer le Tchad, le Niger et le nord du Nigéria sans compter les troubles en RDC et dans d'autres pays. L'eau devrait donc couler longtemps sous les ponts avant que le British Museum, celui du quai Branly et d'autres Etats européens ne soient forcés de se séparer de pièces exceptionnelles qui ont été les témoins de cultures dépossédées par les colonisateurs français, anglais, belges ou allemands. D'autre part, il conviendra de déterminer ce qui fut pillé ou vendu, voire troqué, volontairement en Afrique ou ailleurs, ce qui ne sera pas chose facile vu que les restitutions d'œuvres volées par les nazis à des collectionneurs juifs restent toujours d'actualité mais réclamer des oeuvres pillées bien avant 1970, l'année fixée par la convention de Washington sur les restitutions en la matière, pourrait provoquer un flot de demandes aussi folles les unes que les autres. On l'a constaté avec la Grèce qui a réclamé depuis 30 ans les frises du Parthénon emportées par Lord Elgin au début du 19e siècle alors que ce pays, en situation de faillite, a envisagé de privatiser ses sites archéologiques pour réduire son endettement ou avec l'Egypte qui a exigé le retour du buste de Néfertiti exposé au musée de Berlin. On risquerait à la longue de faire face à des exigences sans fin pour apprendre un jour que les Grecs exigeraient que la Turquie leur rende les sites antiques de leurs ancêtres ou que les orthodoxes exigent que Sainte-Sophie redevienne une église à Istanbul ou encore que les pays d'Amérique Latine réclament à l'Espagne l'or pillé aux Incas. En conclusion, le rapport sur les restitutions d'objets d'art aux pays africains est louable en soi mais risque de provoquer de nombreux problèmes pour la France, le Royaume-Uni, la Belgique ou l'Allemagne. En attendant, sans même attendre
d'avoir compulsé le rapport Savoy-Farr, ni même d'avoir eu recours à un processus législatif forcément
long, le président Emmanuel Macron a décidé d'offrir au Bénin vingt-six œuvres
appartenant aux collections publiques françaises issues de prises effectuées
par l'armée française en 1892 contre un roi qui avait mis le peuple Yoruba en
esclavage, a rapporté La Tribune de l'Art.
Le journal a estimé
scandaleuse la déclaration du président de la République parce que les
collections publiques sont inaliénables et que s'il pouvait dire qu'il souhaite
que ces objets soient donnés au Bénin, il n'a aucun droit de le décréter alors
que Stéphane Martin, le directeur du Musée Branly serait.furieux du contenu du
rapport et qu'il n'aurait certainement pas proposé le don de ces vingt-six
œuvres.
Cette décision a ainsi
ouvert la porte à d'autres demande de restitutions de la part de pays d'Afrique
sub-saharienne ou d'ailleurs, que ce soit sur ce continent, en Asie, en
Amérique Latine ou en Océanie, a indiqué le journal en relevant que la personne
la plus active pour réclamer les objets béninois était Marie-Cécile Zinsou,
fille de Lionel Zinsou, ancien premier ministre du Bénin, qui avait travaillé
avec Emmanuel Macron à la banque Rothschild
en devenant un de ses soutiens lors de la campagne présidentielle.
Le journal s'est aussi
demandé où les œuvres venant de France seraient exposées du fait que celles
conservées au palais d'Abomey le sont déjà dans de mauvaises conditions et qu'aucun
bâtiment n'est dans un état acceptable pour les recevoir sans compter que
nombre d'œuvres pourraient être la proie de termites, à moins que celles-ci ne
soient destinées à la fondation Zinsou en signalant qu'Emmanuel Macron avait
pris d'étonnantes libertés avec le code du Patrimoine et un principe, celui de
l'inaliénabilité des collections publiques françaises, qui existe depuis le
XVIe siècle.
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Le rapport de deux universitaires français et sénégalais sur la question très sensible des restitutions d'œuvres d'art aux pays d'Afrique sub-saharienne sera remis le 23 novembre à l'Elysée à l'intention du président Emmanuel Macron qui avait annoncé un an auparavant la mise en œuvre dans un délai de cinq ans de restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique. "Le patrimoine africain (…) doit être mis en valeur à Paris, mais aussi à Dakar, Lagos, Cotonou. Ce sera l'une de mes priorités. D'ici cinq ans, je veux que les conditions soient réunies pour un retour du patrimoine africain à l'Afrique", avait-il dit dans son discours à l'université de Ouagadougou. Le chef de l'Etat avait confié à Bénédicte Savoy, historienne de l'art, et Felwine Sarr, économiste, la charge de mener une réflexion, en consultant des spécialistes en Afrique et en France et dont le rapport défend la voie vers des restitutions pérennes.
Alors que la lettre de mission aux universitaires faisait état de "restitutions définitives" et de "restitutions temporaires", Felwine Sarr et à Bénédicte Savoy ont estimé que l'expression "restitutions temporaires" prend le sens de "solution transitoire le temps que soient trouvés des dispositifs juridiques permettant le retour définitif et sans condition d'objets du patrimoine sur le continent africain". Selon eux, "le processus de restitutions doit être progressif" en fonction de l'état de préparation des pays africains. Selon le magazine Le Point, le rapport établit des "critères de restituabilité". Doivent être rendus les objets saisis dans certains contextes militaires avant 1899 (première convention de La Haye codifiant le droit de la guerre), les objets collectés lors de missions scientifiques (sauf témoignages prouvant le consentement des propriétaires), les objets donnés aux musées français par des agents de l'administration coloniale ou leurs descendants (sauf si le consentement du vendeur peut être attesté), les objets acquis après 1960 dans des conditions de trafic illicite. Sont donc exclues de cette restitution les œuvres acquises "à la suite d'une transaction fondée sur un consentement à la fois libre, équitable et documenté" et celles acquises "avec la vigilance nécessaire sur le marché de l'art après l'entrée en vigueur de la convention Unesco 1970". Pour éviter que certaines collections françaises ne se retrouvent totalement vidées, les auteurs ont proposé la confection de "doubles". Mais sur ce point, Felwine Sarr et à Bénédicte Savoy n'ont pas cherché à rassurer. "Le problème se pose lorsque le musée n'est pas le lieu de l'affirmation de l'identité nationale mais qu'il est conçu, comme le souligne Benoît de L'Estoile, comme un musée des Autres ; qu'il conserve des objets prélevés ailleurs, s'arroge le droit de parler des autres (ou au nom des autres) et prétende énoncer la vérité sur eux.", ont-ils écrit. Dans les milieux des musées et galeries, ce rapport a été attendu avec inquiétude, beaucoup espérant que le président tempérera les propositions les plus radicales concernant les règles des restitutions. Appelé à être publié le 27 novembre en partenariat avec le Seuil, le rapport Savoy-Sarr rapporte les spoliations à travers l'histoire mondiale, évalue la part de la France, dresse un premier inventaire des œuvres spoliées, fait le récit des tentatives des pays africains pour se réapproprier leur patrimoine, analyse les questions juridiques qui se posent, et énonce un certain nombre de recommandations pratiques pour la mise en œuvre des restitutions alors que les collections publiques françaises détiennent pas moins de 88.000 objets provenant de l'Afrique subsaharienn.sauf que les experts ne s'accordent pas entre eux sur ce qu'on doit entendre comme spoliations lors de la colonisation, craignent des surenchères politiques en soulignant la difficulté de restituer des œuvres quand les royaumes et les pays qui les possédaient ont disparu. LE SUCCES DES MUSEES EUROPEENS, UN FREIN POUR LES RESTITUTIONS Le Musée du quai Branly – ou musée des arts et civilisations non occidentales d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques – a connu un véritable succès depuis sa création en 2006 lorsque la France voulut rendre honneur à l'art de ses anciennes colonies pour marquer son rôle de messager universel de la paix en oubliant qu'un jour le souvenir douloureux de la colonisation deviendrait le cheval de bataille de nombre d'associations et de mouvements militants partis pour réclamer la restitution d'objets d'art pillés durant des décennies. Depuis plus de dix ans, les musées occidentaux ont consacré de nouveaux espaces à leurs collections ethnographiques en traduisant le succès rencontré auprès du public, que ce soit au British Museum ou au Dahlem Museum de Berlin ou à celui du Quai Branly sans trop se soucier du débat qui prenait corps au sujet de la question des restitutions d'objets collectés entre 1870 et la fin de la Première Guerre Mondiale lorsque les Européens qui contrôlaient une bonne partie de la planète avaient saisi nombre d'entre eux au cours de campagnes militaires pour remettre aujourd'hui sur la table le problème de la présence de butins dans ces musées lesquels demeurent vivants dans la mémoire des peuples colonisés. Bien évidemment, les sociétés qui ont produit ces objets désirent y avoir accès pour redécouvrir leur propre histoire sauf qu'ils n'ont pas de musées suffisamment grands ou sécurisés pour les abriter sans compter que nombre de pays africains sont actuellement confrontés à des actes de terrorisme. En 1987, l'ONU avait voté une résolution indiquant que le retour des biens culturels de valeur spirituelle et culturelle fondamentale à leurs pays d'origine était d'une importance capitale pour les peuples concernés en vue de constituer des collections représentatives de leur patrimoine culturel. Depuis lors, de multiples initiatives ont vu le jour pour inciter les musées à organiser des rencontres, colloques et expositions pour parvenir à régler un jour ce différend qui mérite un traitement raisonné alors qu'en Afrique, le mouvement œuvrant en faveur de la réparation et de la restitution des biens culturels spoliés s'est développé à la fin des années 1980. Au cours du sommet de 1992, les chefs d'Etat africains ont créé un groupe d'experts, chargé d'étudier la question, une initiative qui a débouché en avril 1993 sur la proclamation d'Abuja qui se référait « à la "dette morale" et à la "dette compensatoire" dues à l'Afrique par les pays engagés dans la traite négrière, le colonialisme et le néocolonialisme en exigeant le retour des "biens spoliés" et des trésors traditionnels (...). Pleinement convaincue que les dommages subis par les peuples africains n'étaient pas une "affaire du passé" (...).Convaincue que de nombreux pillages, vols et appropriations avaient été perpétrés sur les peuples africains, la proclamation en appela à ceux qui étaient en possession de ces biens spoliés de les restituer à leur propriétaires légitimes. Le Monde Diplomatique a rappelé que la question de la restitution des biens culturels africains a en outre été inscrite au plan stratégique de la commission de l'Union africaine pour 2004-2007. Depuis les années 1980, les demandes de restitution ont connu une croissance importante en voyant notamment le Nigeria demander depuis vingt ans la restitution par le Royaume-Uni des centaines de plaques en bronze évoquant l'histoire du royaume d'Edo (Nigeria actuel) saisies durant l'expédition punitive de 1897. L'Ethiopie a pour sa part réclamé à Londres les objets saisis en 1868 durant le siège de Magdala tandis que les descendants de Béhanzin, « dernier » roi d'Abomey (République du Bénin) renversé par les Français en 1892,ont réclamé, par l'intermédiaire d'une question écrite au gouvernement formulée le 18 novembre 2005 par la députée française Christiane Taubira, la restitution du trésor royal, aujourd'hui conservé au Musée du quai Branly. Par ailleurs, une association internationale a réclamé à l'Autriche le retour de la couronne du roi aztèque Moctezuma (Mexique), emportée par les soldats de Hernán Cortés en 1519 et aujourd'hui conservée au Museum für Völkerkunde de Vienne. L'Egypte a exigé de l'Allemagne le retour du buste de Néfertiti alors que la Chine a demandé le retour des objets pillés durant le sac du Palais d'été opéré conjointement par les troupes anglaises et françaises, durant la seconde guerre de l'opium, en 1860. La Corée du Sud a pour sa part réclamé la restitution des deux cent quatre-vingt-dix-sept volumes de manuscrits saisis en 1866 par les militaires français au sein d'archives royales, déposés à la Bibliothèque nationale de France. Dans les décombres d'un autre empire, le Japon a dû aussi faire face à de nombreuses requêtes émises par les gouvernements de ses anciennes colonies, dont la Corée. Tokyo a ainsi restitué en 2005 à la Corée du Nord, via la Corée du Sud, le « monument à la grande victoire » de Bukgwan emporté par les Japonais lors de la guerre russo-japonaise de 1905 dans la péninsule, a signalé « Le Monde Diplomatique ». Malgré la complexité juridique accompagnant le transfert d'un objet inaliénable d'un patrimoine à un autre, la restitution est restée possible. Elle s'est déjà produite à plusieurs reprises et certains objets de la polémique ont connu le chemin du « retour ». Le sceau du dey d'Alger saisi par l'armée française, au cours de la prise d'Alger en 1830, a été donné au président Abdelaziz Bouteflika par M. Jacques Chirac le 2 mars 2003. Dès 1954, Tanzanie obtint la restitution du crâne du sultan Mkwaka, qui tint tête à un bataillon de l'armée allemande, et qui fut rapportée comme trophée en 1898, le traité de Versailles de 1918 ayant prévu sa restitution. Une partie du trésor de l'île de Lombok, sur laquelle régnaient les familles princières de Bali, saisi en 1893, a été de son côté restitué à l'Indonésie par les Pays-Bas en 1977. Néanmoins, la réponse des musées occidentaux à la multiplication des demandes a été sans équivoque comme l'a démontré la « Déclaration sur l'importance et la valeur des musées universels », rédigée en décembre 2002 et signée par dix-neuf directeurs de quelques-uns des principaux musées du monde (notamment le British Museum, le Louvre, le Metropolitan Museum of Art de New York, le Prado de Madrid, le Rijksmuseum d'Amsterdam, l'Hermitage à Saint-Pétersbourg) qui, en rappelant le principe d'universalité d'inspiration humaniste fondant ces institutions, ont mis l'accent que sur « la nature essentiellement destructrice de la restitution des objets », en rajoutant ensuite que « les musées sont les agents du développement culturel, dont la mission est d'encourager la production de la connaissance en entretenant un processus permanent de réinterprétation. Ils ne sont pas seulement au service des citoyens d'une nation, mais au service des peuples de toutes les nations », signifiant donc l'irrecevabilité des demandes de restitution, ce qui n'était pas de l'avis de certaines institutions transnationales puisque dès 1907, la convention de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre avait stipulé dans son article 28 qu' il était interdit de livrer au pillage une ville ou localité même prise d'assaut alors que la convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, ratifiée en 1954 toujours à La Haye, à la suite des destructions massives infligées au patrimoine culturel au cours de la seconde guerre mondiale, avait été le premier instrument international à vocation universelle exclusivement axé sur la protection du patrimoine culturel. Plus récemment, le code de déontologie du Conseil international des musées (International Council of Museums, ICOM) a publié une déclaration sans équivoque stipulant que si une nation ou une communauté d'origine demandait la restitution d'un objet ou spécimen qui s'avérait avoir été exporté ou transféré en violation des principes des conventions internationales et nationales, et qu'il s'avérait faire partie du patrimoine culturel ou naturel de ce pays ou de cette communauté, le musée concerné devait, s'il en avait la possibilité légale, prendre rapidement les mesures nécessaires pour favoriser son retour Reste à savoir si la communauté internationale abordera un jour avec la même fermeté les spoliations coloniales que les spoliations des biens culturels juifs , a poursuivi le journal mais pour cela, il faudrait que soit juridiquement admis que la conquête fut une guerre et non une succession d'expéditions punitives visant à la « pacification ». On n'en est pas encore à faire un tel geste qui serait compris comme l'expression d'une véritable volonté de coopération universelle via l'admission d'une responsabilité morale et historique. Le Monde Diplomatique signale toutefois que pour faire sens le retour sur le passé que permet le débat sur la restitution des butins ne doit pas seulement venir des pays occidentaux, mais aussi des relais locaux de la mécanique d'exploitation coloniale, dont les avatars sont bien souvent à la tête de dictatures actuelles. Il serait donc déplacé de formuler des excuses ou de restituer des butins à des dirigeants d'Etats sanguinaires et obscurantistes ! Néanmoins, si ces derniers ne sont pas représentatifs des populations, cela ne remet pas en question la légitimité des demandes. Dès lors, que faire ?, a demandé le journal. Comment sortir de ce double lien, sinon en affirmant l'universalité de ce patrimoine ? Ne faudrait-il pas inscrire les objets de la polémique sur la liste du patrimoine universel, de manière que juridiquement ils n'appartiennent plus à personne ? Cette liste serait gérée par des commissions internationales incluant bien évidemment les représentants des mandants, les conservateurs des musées des anciennes colonies et surtout des acteurs de la scène culturelle des pays concernés, a suggéré le journal. Bref, ces commission devrait alors envisager certaines restitutions au cas par cas, et surtout organiser des expositions itinérantes permettant de faire circuler les objets, à l'instar de la récente exposition « Béhanzin, roi d'Abomey » coorganisée (du 16 décembre 2006 au 16 mars 2007) par le Musée du quai Branly et la fondation Zinsou à Cotonou (République du Bénin), simultanément à la commémoration du centenaire de la mort du souverain. Ou encore l'exposition « Benin : kings and rituals. Court arts from Nigeria » (du 9 mai au 3 septembre 2007, Museum für Völkerkunde de Vienne), qui réunit plus de trois cents objets provenant de la cour du roi d'Edo pillée par les Anglais en 1897 et dont on espère qu'elle ira aussi en Afrique. Pour atteindre l'objectif d'une véritable « restitution », qu'elle soit symbolique et sous forme de connaissance, ces expositions devront être accompagnées de projets pédagogiques. Cette démarche implique que l'utilité des musées du Sud soit reconnue et accompagnée par des financements adéquats, dont une partie pourrait provenir d'une taxe sur les bénéfices réalisés sur le marché des arts non européens, a suggéré le journal. Elle devra accorder une grande importance à la diffusion des informations inhérentes à l'objet : archives, bases de données, publications, etc., qui restent trop souvent inaccessibles alors qu'il est fondamental que les jeunes générations du Nord et du Sud accèdent aux fruits de la recherche et de la conservation réalisés par les musées du Nord.
Pour Le Monde Diplomatique, l'important est de sortir ces objets de leur engourdissement muséal, de leur carcan autant ethnologique qu'esthétique, en rendant possibles des réappropriations diverses et contradictoires, en encourageant la multitude des angles de vue car il est essentiel de remettre ces objets en jeu, par le moyen d'un débat constructif reposant davantage sur un esprit de réconciliation que sur le principe moral de la réparation – de manière à éviter que les butins des guerres coloniales et plus largement les objets des Autres ne deviennent des armes d'affrontements, au risque de transformer le « musée universel » en espace de confrontation généralisée. Ce qu'avait déclaré le président Macron en novembre 2017 avait laissé entrevoir une remise en question du sacro-saint principe d'« inaliénabilité » brandi depuis des décennies par l'État. En clair : les biens des musées français ne peuvent être ni donnés, ni vendus. C'est la loi.Un principe au nom duquel, en mars 2016, le premier ministre Jean-Marc Ayrault rejetait fermement la demande de restitution du Bénin concernant les objets sacrés du royaume de Dahomey, pillés au XIXe siècle et désormais détenus par le Musée du Quai-Branly, à Paris. Le journal « La Croix » a signalé que les deux auteurs du rapport sur les restitutions avaient concentré leurs recherches sur l'Afrique subsaharienne, principale concernée par les pillages et spoliations à l'époque coloniale. Selon les experts, 90 % du patrimoine historique africain aurait été « emporté » en France à partir du milieu du XIXe siècle. Soit près de 90 000 œuvres. À lui seul, le Musée du Quai-Branly en détient 70 000 (sur les 300 000 de sa collection), dont 46 000 seraient « restituables ». Dans les plus grandes collections des États africains, le chiffre tombe de 3 000 à 5 000 objets. « Le cas de l'Afrique subsaharienne est emblématique de cet absolu déséquilibre, avait souligné Felwine Sarr sur France Culture. Il n'est pas juste que l'essentiel du patrimoine d'une communauté entière ne soit pas là, qu'il ne permette pas aux peuples de reconstruire leur histoire, leur mémoire, qu'ils ne puissent pas reconnecter leur jeunesse avec cette histoire», avait-il poursuivi. Plus que sur la valeur souvent inestimable de ces biens, Bénédicte Savoy et Felwine Sarr se fondent sur leur dimension « émotionnelle et symbolique ». « Je sais la douleur des perdants qui se font déposséder de leur patrimoine. J'ai aussi mesuré combien, plus le temps passe, plus cette douleur s'accroît », soulignait l'historienne de l'art en mars dernier, lors d'une présentation à la presse de leur mission. Plaidant pour « une nouvelle éthique relationnelle » avec le continent africain, les auteurs ont ainsi écarté l'idée de restitutions temporaires. Si le processus de rapatriement « doit être progressif » afin de s'adapter à « l'état de préparation des pays africains », les retours ne peuvent être selon eux que définitifs. Butins de guerre, vols, pillages, trafics, achats…, le rapport énumère les différentes formes d'appropriation des œuvres de 1885 à 1960. Surtout, il propose une modification du code du patrimoine « qui permette de prendre en compte tous les cas de figure ». Aux pays africains concernés de déposer leurs demandes à la France sur la base de l'inventaire qu'ils ont dressé. Dès son annonce, le rapport a suscité l'émoi des milieux de l'art, conservateurs de musée et galeristes en tête, inquiets de voir fondre leurs collections. « La constitution de collections en Afrique ne peut pas se faire sur le dos des collections nationales occidentales », a estimé Julien Volper, conservateur au Musée royal de l'Afrique centrale à Tervuren, en Belgique. Pour lui, la question est d'abord d'ordre philosophique. « Juger des actes du XVIIIe ou du XIXe siècle selon les lois et surtout la morale actuelles, c'est entrer dans l'anachronisme du ressenti,a-t-il déploré Avant de réfléchir à des conditions de retour pour ces œuvres, il aurait fallu s'interroger sur la légitimité même de cette démarche. Or on a confié cette mission à deux personnes qui non seulement ne sont pas africanistes, mais ne sont absolument pas neutres sur le sujet. » En Afrique aussi, des réticences se font entendre, a souligné « La Croix ». « La restitution est une fausse bonne idée », a ainsi jugé l'artiste béninois Romuald Hazoumé. Les raisons ? Le mauvais état des infrastructures, mais surtout l'instabilité politique du pays. « Dans trois ans, il y aura des élections présidentielles au Bénin. Quelle sera la position du nouveau gouvernement sur cette question ?, s'est-il demandé. Les œuvres restituées seront-elles respectées ? » Même crainte chez Julien Volper, échaudé par le sort réservé aux 114 objets de son musée qui ont été transférés vers les collections de l'Institut des Musées nationaux du Zaïre (l'actuelle République démocratique du Congo), entre 1976 et 1982. « En 2007, il n'en restait que 21. Une partie a été vendue sous la présidence de Mobutu… »,a-t-il signalé « S'inquiéter de l'avenir de ces œuvres, c'est être taxé de paternalisme. Mais c'est la logique de restitution qui est paternaliste par certains aspects. Ne serait-il pas plus glorieux pour un pays africain d'avoir un ou des musées qui répondent aux normes des plus grands musées occidentaux et de pouvoir organiser ou accueillir non seulement des expositions d'art africain mais aussi européen ? » Si la volonté des nations africaines de se réapproprier leur patrimoine et de le transmettre aux jeunes générations est légitime, l'enjeu reste de trouver des lieux propices à l'accueil des œuvres et à leur conservation. De nombreux projets sont en cours, notamment au Bénin où pas moins de quatre musées sortiront de terre dans les prochaines années. « Mais rien n'a encore commencé », a remarqué Romuald Hazoumé. Au Togo, l'ancien palais du gouverneur de Lomé transformé en centre d'art ouvrira au premier semestre 2019. Au Sénégal, le musée des Civilisations noires de Dakar doit être inauguré en décembre. Le Quai Branly prêtera à cette occasion des masques issus de ses collections. « Notre politique a toujours été centrée sur la coopération. Nous sommes dans une logique d'échange et de circulation des œuvres », a rappelé Thomas Aillagon, directeur de la communication du musée. Pour Pierre Amrouche, consultant international en art africain et océanien, la coopération entre les musées occidentaux et africains est aujourd'hui une nécessité, restitution ou pas. « Il n'y a aucune raison de ne pas partager ce patrimoine. D'autant que les réserves des musées français sont remplies d'œuvres qui sommeillent. Ce serait une bonne occasion de leur faire prendre l'air», a-t-il dit. Le rapport Savoy-Sarr inspirera-t-il à l'Élysée un « plan restitutions » ? Sans toujours l'avouer, certains conservateurs de musées français lui souhaitent le même avenir que le plan « banlieue » de Jean-Louis Borloo, resté lettre morte, a conclu « La Croix ». On gage qu'il faudrait beaucoup de temps avant que ces restitutions n'interviennent car nombre de pays africains n'ont pas encore les moyens d'accueillir les pièces de leur patrimoine alors que les musées européens font valoir qu'elles sont vues par des millions de visiteurs venus des quatre coins de la planète. Reste le problème de l'insécurité auxquels plusieurs pays africains sont confrontés, comme cela a été le cas à Tombouctou avec la destruction de mausolées historiques par des terroristes islamistes alors que Boko Haram a continué de menacer le Tchad, le Niger et le nord du Nigéria sans compter les troubles en RDC et dans d'autres pays. L'eau devrait donc couler longtemps sous les ponts avant que le British Museum, celui du quai Branly et d'autres Etats européens ne soient forcés de se séparer de pièces exceptionnelles qui ont été les témoins de cultures dépossédées par les colonisateurs français, anglais, belges ou allemands. D'autre part, il conviendra de déterminer ce qui fut pillé ou vendu, voire troqué, volontairement en Afrique ou ailleurs, ce qui ne sera pas chose facile vu que les restitutions d'œuvres volées par les nazis à des collectionneurs juifs restent toujours d'actualité mais réclamer des oeuvres pillées bien avant 1970, l'année fixée par la convention de Washington sur les restitutions en la matière, pourrait provoquer un flot de demandes aussi folles les unes que les autres. On l'a constaté avec la Grèce qui a réclamé depuis 30 ans les frises du Parthénon emportées par Lord Elgin au début du 19e siècle alors que ce pays, en situation de faillite, a envisagé de privatiser ses sites archéologiques pour réduire son endettement ou avec l'Egypte qui a exigé le retour du buste de Néfertiti exposé au musée de Berlin. On risquerait à la longue de faire face à des exigences sans fin pour apprendre un jour que les Grecs exigeraient que la Turquie leur rende les sites antiques de leurs ancêtres ou que les orthodoxes exigent que Sainte-Sophie redevienne une église à Istanbul ou encore que les pays d'Amérique Latine réclament à l'Espagne l'or pillé aux Incas. En conclusion, le rapport sur les restitutions d'objets d'art aux pays africains est louable en soi mais risque de provoquer de nombreux problèmes pour la France, le Royaume-Uni, la Belgique ou l'Allemagne. En attendant, sans même attendre
d'avoir compulsé le rapport Savoy-Farr, ni même d'avoir eu recours à un processus législatif forcément
long, le président Emmanuel Macron a décidé d'offrir au Bénin vingt-six œuvres
appartenant aux collections publiques françaises issues de prises effectuées
par l'armée française en 1892 contre un roi qui avait mis le peuple Yoruba en
esclavage, a rapporté La Tribune de l'Art.
Le journal a estimé
scandaleuse la déclaration du président de la République parce que les
collections publiques sont inaliénables et que s'il pouvait dire qu'il souhaite
que ces objets soient donnés au Bénin, il n'a aucun droit de le décréter alors
que Stéphane Martin, le directeur du Musée Branly serait.furieux du contenu du
rapport et qu'il n'aurait certainement pas proposé le don de ces vingt-six
œuvres.
Cette décision a ainsi
ouvert la porte à d'autres demande de restitutions de la part de pays d'Afrique
sub-saharienne ou d'ailleurs, que ce soit sur ce continent, en Asie, en
Amérique Latine ou en Océanie, a indiqué le journal en relevant que la personne
la plus active pour réclamer les objets béninois était Marie-Cécile Zinsou,
fille de Lionel Zinsou, ancien premier ministre du Bénin, qui avait travaillé
avec Emmanuel Macron à la banque Rothschild
en devenant un de ses soutiens lors de la campagne présidentielle.
Le journal s'est aussi
demandé où les œuvres venant de France seraient exposées du fait que celles
conservées au palais d'Abomey le sont déjà dans de mauvaises conditions et qu'aucun
bâtiment n'est dans un état acceptable pour les recevoir sans compter que
nombre d'œuvres pourraient être la proie de termites, à moins que celles-ci ne
soient destinées à la fondation Zinsou en signalant qu'Emmanuel Macron avait
pris d'étonnantes libertés avec le code du Patrimoine et un principe, celui de
l'inaliénabilité des collections publiques françaises, qui existe depuis le
XVIe siècle.
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