Banane flambée, crème brûlée ou fouettée, oeufs battus en neige, etc... L'alimentation devrait porter plainte pour maltraitance de la part des humains (AD)
Décrié à Paris, Courbet se
réfugia à Ornans en confiant ses espoirs et ses doutes à Bruyas, devenu son
ami: "J'ai brûlé mes vaisseaux. J'ai
rompu en visière avec la société. J'ai insulté tous ceux qui me servaient
maladroitement. Et me voici seul en face de cette société. Il faut vaincre ou
mourir. Si je succombe, on m'aura payé cher, je vous le jure. Mais je sens de
plus en plus que je triomphe, car nous sommes deux et à l'heure qu'il est, à ma
connaissance, seulement peut-être 6 ou 8, tous jeunes, tous travailleurs
acharnés, tous arrivés à la même conclusion par des moyens divers. Mon ami,
c'est la vérité, j'en suis sûr comme de mon existence, dans un an nous serons
un million »
L'artiste écrivit cette lettre
en revenant d'un rendez-vous raté avec Emilien de Nieuwekerk, le nouveau
directeur des Beaux-Arts, qui lui avait suggéré de réaliser une grande oeuvre à
la gloire de la France et de Louis-Napoléon pour l'Exposition Universelle de
1855 à condition de soumettre son travail à l'approbation du jury, ce que
Courbet rejeta avec arrogance en clamant que lui seul était juge de sa
peinture. Ce fut à cette époque qu'il acheva "L'Homme blessé",
l'autoportrait d'un homme râlant et mourant, et dont il parla à Bruyas, tout en
lui confiant espérer « réaliser un miracle unique, [...] vivre de mon art pendant toute
ma vie sans m'être jamais éloigné d'une ligne de mes principes, sans jamais
avoir menti un seul instant à ma conscience, sans même avoir jamais fait de la
peinture large comme la main pour faire plaisir à qui que ce soit, ni pour être
vendue. »
En mai 1854, Courbet rejoignit
à Montpellier ce dernier en qui il voyait un véritable mécène avide de
modernité et avec qui il pouvait échanger des points de vue critiques et, en
apparence, un même idéal. Là, il peignit les paysages du Languedoc durant
un long séjour avant de tomber malade à l'automne et d'être soigné par une amie
proche de Bruyas, une belle espagnole dont il peignit le portrait après avoir
rendu hommage à son protecteur, en exécutant une grande composition intitulée "La Rencontre" (appelée Bonjour
Monsieur Courbet).
Travaillant sans relâche à une
dizaine de tableaux entre Ornans et Paris à partir de novembre 1854, il prépara
avec l'aide de Bruyas et d'autres soutiens comme Baudelaire, Champfleury ou
Francis Wey, une sorte de coup d'État dans la peinture en espérant faire passer la société dans son atelier, ainsi qu'il le révéla à son
mécène à propos d'un mystérieux tableau de très grand format, "L'Atelier du Peintre. Allégorie Réelle
déterminant une phase de sept années de ma vie artistique et morale"
aujourd'hui au Musée d'Orsay.
Refusée à l'Exposition Universelle de 1855 alors que onze de ses
œuvres furent acceptées, la toile fut dévoilée au public lors d'une exposition
personnelle de l'artiste au Pavillon du Réalisme (édifice provisoire que
Courbet avait fait bâtir à ses frais avenue Montaigne presque en face de l'Exposition
universelle).Celle-ci fit ensuite partie de la collection du financier et
patron de journaux Victor Antoine Desfossés et fut rachetée par sa veuve à la
vente posthume de sa collection pour servir de toile de fond au théâtre amateur
de l'Hôtel Desfossés (6 rue Galilée à Paris) avant d'être acquise pour 700 000
francs en 1920 par le Musée du Louvre grâce à l'intervention de l'association
des amis du musée, une souscription publique et une contribution de l'Etat.
Auparavant, Courbet s'était vu refuser plusieurs tableaux au
Salon de 1855, notamment "Un
Enterrement à Ornans" et "La
Rencontre", jugé trop personnel. Poussé à organiser cette fameuse
exposition de l'avenue Montaigne, l'artiste avait obtenu l'appui financier de
Bruyas pour montrer une quarantaine d'oeuvres dans un pavillon de briques et de
bois et saisir l'occasion de délivrer sa profession de foi en exprimant ce
qu'il entendait par réalisme.« Le titre de réaliste m'a été imposé
comme on a imposé aux hommes de 1830 le titre de romantiques. Les titres en
aucun temps n'ont donné une idée juste des choses ; s'il en était
autrement, les œuvres seraient superflues [...] J'ai étudié, en dehors de tout
esprit de système et sans parti pris, l'art des anciens et l'art des modernes.
Je n'ai pas plus voulu imiter les uns que copier les autres ; ma pensée
n'a pas davantage d'arriver au but oiseux de l'art pour l'art [...] Savoir pour pouvoir, telle fut ma
pensée. Être à même de traduire les mœurs, les idées, l'aspect de mon époque,
selon mon appréciation, être non seulement un peintre, mais encore un homme, en
un mot, faire de l'art vivant, tel est mon but ».
Ce genre de manifeste fut en
partie rédigé par Champfleury et inspiré vraisemblablement par Baudelaire mais
le succès escompté ne fut pas vraiment au rendez-vous alors que la presse publia
de nombreuses caricatures des toiles et portraits charges du peintre. Eugène
Delacroix écrivit dans son Journal : "Je vais voir
l'exposition de Courbet qu'il a réduite à 10 sous. J'y reste seul pendant près
d'une heure et j'y découvre un chef-d'œuvre dans son tableau refusé (l'Atelier
que Courbet n'avait pas encore achevé) ; je ne pouvais m'arracher à cette
vue. On a rejeté là un des ouvrages les plus singuliers de ce temps, mais ce
n'est pas un gaillard à se décourager pour si peu".
L'année 1856 montra une
nouvelle progression dans la manière qu'avait Courbet de représenter la vie
quotidienne à travers une série de toiles préfigurant la peinture des modernes
des vingt années suivantes. "Les Demoiselles de bords de Seine
(été) fut ainsi une toile capitale. Présentée au Salon de 1857,
au milieu de trois paysages et de deux portraits, dont celui de l'acteur Louis
Gueymard, Courbet reçut de plus en plus de commandes de cette nature.
Par opposition aux « Demoiselles
de village », considérées comme vertueuses, ces "demoiselles de bords de Seine" semblaient, elles, vouées
au vice alors que la réputation sulfureuse de Courbet n'en
était encore qu'à ses débuts.
Vilipendé, caricaturé,
déconsidéré dans les milieux officiels Courbet continua à rester droit dans ses
bottes en étant un temps admiré par Manet qui se lia à lui avant de s'en
détacher à cause de son naturalisme exacerbé. En 1857-58, l'artiste séjourna
plusieurs mois à Francfort où il produisit de nombreux portraits ainsi que des
paysages de la campagne environnante. Après un passage en Belgique où le nombre
de ses acheteurs s'était accru, il redécouvrit en juin 1859 les côtes normandes
en compagnie d'Alexandre Schanne avant de faire la connaissance d'Eugène Boudin
qu'il complimenta en faisant cependant des réserves sur la tonalité de sa
peinture, un peu faible à son goût.
Durant cette période, Courbet
se montra moins à Paris en préférant travailler dans le Doubs ou au bord de la
mer avant d'acheter à Ornans le 6 mars 1860, l'ancienne fonderie Bastide, un
bâtiment dans lequel il aménagea sa maison et un grand atelier, où il demeura
souvent jusqu'à son exil en 1873 en Suisse.
On le proposa en juillet 1861 à
la Légion d'Honneur mais Napoléon III en personne raya son nom de la liste
tandis que l'Etat renonça à acheter "Le Rut du printemps. Le 28
septembre de cette année là, une réunion d'étudiants en art fut organisée à la
brasserie Andler par Jules-Antoine Castagnary qui lui demanda de diriger un
atelier d'enseignement de la peinture. Le 9 décembre, les cours commencèrent
avec 31 étudiants inscrits, mais 20 jours plus tard, Courbet renonça en
indiquant qu'il ne pouvait pas enseigner son art, ni l'art
d'une école quelconque, puisqu'il niait le principe de l'enseignement en
prétendant en d'autres termes que l'art était avant tout individuel pour n'être
à propos de chaque artiste que le talent résultant de sa propre inspiration et
de ses propres études sur la tradition.
A cette
époque, Courbet réalisa une série de natures mortes lors d'un séjour en
Saintonge à l'invitation du mécène Etienne Baudry qui lui commanda des nus, dont
"La Femme nue couchée". En
1862-63, il séjourna à Saintes et participa avec Corot, Hippolyte Pradelles et
Louis-Augustin Auguin à un atelier en plein air baptisé« groupe du Port-Berteau »
d'après le nom du site des bords de la Charente. Une exposition collective
réunissant 170 œuvres fut présentée au public le 15 janvier 1863 à l'hôtel de
ville de Saintes où il peignit "Le Retour de la conférence",
une toile anticléricale qui fit scandale et fut refusée au Salon.
En 1865, il peignit à titre
posthume le tableau "Pierre-Joseph
Proudhon et ses enfants en 1853" et séjourna à Trouville et Deauville
où il peignit des séries de marines en compagnie du peintre américain James
McNeill Whistler qu'il venait exceptionnellement d'accepter comme élève après
l'avoir rencontré quelques années plus tôt en compagnie de sa maîtresse Joanna
Hiffernan qui devait devenir son modèle et amante en posant en 1866 pour Le Sommeil, une toile représentant deux
femmes endormies lascivement enlacées puis vraisemblablement pour le plus que
sulfureux tableau "L'Origine du
Monde" montrant en gros plan le sexe d'une femme que le diplomate turc
Khalil-Bey lui avait commandés.
La même année, il séjourna à
nouveau à Deauville avec Claude Monet et Eugène Boudin chez le comte Horace de
Choiseul-Praslin sans trop se soucier de trahir ses sentiments anarchistes et
monta en 1868 à Gand une exposition anticléricale en composant deux séries
d'albums de dessins avant de faire l'année suivante un long séjour à Etretat, un endroit encore peu
connu des peintres et d'enregistrer un beau succès avec son exposition de
Munich.
Débordé de commandes, Courbet
se sentit alors obligé d'avoir recours à des assistants, notamment Alexandre
Rapin, pour satisfaire ses clients mais sa réussite eut l'effet pernicieux de
le rendre obèse alors que la Légion d'honneur proposée par Napoléon III lui fut
une nouvelle fois refusée en juin 1870 en raison de ses idées républicaines et
socialistes. Après la défaite de l'armée impériale face aux troupes prussiennes
à Sedan et la proclamation de la République le 4 septembre 1870, Courbet fut
nommé président de la commission des musées et délégué aux Beaux-Arts sans se
douter que son engagement en faveur de la Commune de Paris finirait par causer
sa perte.
Elu au Conseil de la Commune du
VIe arrondissement lors des élections complémentaires du 16 avril 1871 puis désigné
le lendemain président de l'éphémère Fédération des Artistes, Courbet se montra
dans un premier temps soucieux de protéger les oeuvres d'art de la capitale en
faisant blinder les fenêtres du Musée du Louvre et entourer de sacs de sable
des monuments comme l'Arc de Triomphe, la Fontaine des Innocents, la
Manufacture des Gobelins et celle de Sèvres ainsi que d'autres édifices.
Siégeant alors à la commission de l'Enseignement, il vota notamment avec Jules
Vallès contre la création du Comité de Salut public en proposant toutefois au
gouvernement de la Défense nationale de faire déplacer la colonne Vendôme
évoquant les guerres napoléoniennes vers les Invalides sauf qu'il se ravisa en
appuyant la décision de la Commune de faire abattre ce monument, ce qui lui
valut plus tard d'être désigné comme le responsable de sa destruction le 16 mai
1871.
Pris dans l'engrenage de ses
idées et dépassé par les événements, Courbet démissionna de ses fonctions en
signe de protestation contre l'exécution par les Communards de Gustave Chaudet
qui, en tant que maire-adjoint, avait fait tirer sur des manifestants le 22
janvier 1871 puis, le 7 juin, il fut arrêté et condamné par le 3e conseil de
guerre à six mois de prison, une peine qu'il purgea en partie à Versailles et à
Sainte Pélagie, ainsi qu'à 500 francs d'amende et 6850 francs de frais de
procédure. Tombé malade, il fut transféré le 30 décembre 1871 dans une clinique de
Neuilly où il resta jusqu'en avril 1872.
Au lieu donc de se cantonner à
un rôle d'agitateur de salon, Courbet avait joué à l'apprenti révolutionnaire
en se voyant dès lors violemment vilipendé par nombre d'écrivains, notamment
Alexandre Dumas fils qui écrivit à son sujet:« De quel
accouplement fabuleux d'une limace et d'un paon, de quelles antithèses
génésiaques, de quel suintement sébacé peut avoir été générée cette chose qu'on
appelle Gustave Courbet ? Sous quelle cloche, à l'aide de quel fumier, par
suite de quelle mixture de vin, de bière, de mucus corrosif et d'œdème
flatulent a pu pousser cette courge sonore et poilue, ce ventre esthétique,
incarnation du Moi imbécile et impuissant ».
Trouvant malsain de rester à Paris, Courbet
repartit à Ornans où l'attendaient malgré tout nombre de commandes qu'il dut
satisfaire à faisant appel à des aides en allant signer des tableaux dénués
d'aucune de ses touches alors que son état de santé l'avait rendu nettement
moins productif avant d'apprendre en mai 1873 que
le nouveau président de la République, le maréchal de Mac Mahon, avait décidé
de faire reconstruire la colonne Vendôme à ses frais selon un devis de 323 091
francs, une décision entérinée par une loi votée le 30 mai, en conséquence de
quoi ses biens furent mis sous séquestre et ses toiles confisquées.
Depuis la Renaissance, rares furent
les artistes qui osèrent se montrer farouchement libres au point d'être taxés
de têtes brûlées hostiles à la société de leur temps, laquelle en retour se
méfia d'eux comme de la peste, comme ce fut le cas pour Courbet entre les
années 1850 et 1870.
Avant, il y avait eu Le Gréco et sa
peinture déformée, Le Caravage qui avait choisi des gens du peuple pour
représenter des saints avec des ongles sales, Rembrandt qui avait marqué sa
fière indépendance vis-à-vis des bourgeois d'Amsterdam, Goya qui avait traduit
les horreurs de la guerre sur la toile après s'être manifesté comme un
prédateur sexuel au sein de la cour royale espagnole, Füssli qui avait instillé
de la folie au bout de son pinceau, Turner qui s'était amusé à faire flamber
les paysages dans une explosion de couleurs violentes ou Delacroix avec sa
nouvelle vision du romantisme. Survint alors Courbet, ce jouisseur invétéré à
l'esprit rebelle parti pour enquiquiner avec ses toiles dérangeantes les gens
bien pensants de son époque en se comportant sans le savoir comme un pionnier des
hippies et des gauchistes.
Né le 10 juin 1819 à Ornans (Doubs)
et mort le 31 décembre 1877 à la Tour-de-Pelz (Suisse), Courbet s'opposa vite à
l'académisme pour décliner des oeuvres d'un réalisme cru, notamment "Un Enterrement à Ornans"
(1850) ainsi que des nus plus que suggestifs et sa sulfureuse représentation
d'un sexe féminin (l'Origine du Monde),
qui scandalisèrent nombre de ses contemporains.
Pourtant, ce cher Gustave était issu
d'une famille relativement aisée de propriétaires terriens. Son père
Éléonor Régis Courbet
(1798-1882), suffisamment riche pour devenir électeur au suffrage
censitaire en 1831, possédait une ferme et des terres au village de
Flagey, situé dans le département du Doubs, aux portes du Jura, où il élevait
des bovins et pratiquait l'agriculture tout en gérant un vignoble de plus
de six hectares sur les terres d'Ornans. Sa mère, Suzanne Sylvie Oudot (1794-1871),
avait par ailleurs donné naissance à cinq autres enfants dont seules trois
filles avaient survécu : Thérèse (1824-1925), Zélie (1828-1875) et
Juliette (1831-1915). Gustave fut donc à la fois l'aîné et le seul garçon de
cette « fratrie »
terrienne, très implantée dans une région où se croisaient montagnards,
chasseurs, pêcheurs ou bûcherons au milieu d'une nature forte et omniprésente.
En 1831, il fréquenta comme
élève externe le petit séminaire d'Ornans en recevant notamment un premier
enseignement artistique auprès d'un professeur de dessin, Claude-Antoine
Beau, un ancien élève d'Antoine-Jean Gros qui favorisa son épanouissement. Négligeant
donc ses études classiques, il
entra ensuite comme interne au
Collège royal de Besançon où il suivit les cours de dessin de
Charles-Antoine Flajoulot (1774-1840), un ancien élève de Jacques-Louis David
qui était également le directeur de
l'école des beaux-arts de la ville. Après s'être plaint de sa vie d'internat au
collège, ses parents le firent loger chez un particulier tandis qu'il se plut à
suivre de plus en plus les cours de Flajoulot à l'école des beaux-arts où il se
lia d'amitié avec des étudiants, notamment Edouard Baille qui fit son portrait
en 1840.
A l'époque, ses parents
comptaient le voir poursuivre des études supérieures avant de le destiner à
faire du droit à Paris en sollicitant François-Julien Oudot (1804-1868), un
avocat membre de la famille du côté de sa mère, pour accepter de l'accueillir
chez lui à Versailles. Gustave partit donc pour la capitale en novembre 1839
juste après avoir réalisé quatre dessins pour l'illustration des Essais poétiques de son ami Max Buchon
publiés par un imprimeur de Besançon.
On peut imaginer que son
arrivée à Versailles, deux ans à peine après l'inauguration de la première
ligne de chemin de fer Paris-Saint-Germain-en-Laye, provoqua chez Gustave un
choc profond après qu'il eût quitté l'univers paysan ancré dans de vieilles
traditions pour se frotter à celui des bourgeois qui avaient supplanté les
nobles après la Révolution et le 1er Empire. Néanmoins, à l'orée de ses vingt
ans, il s'était déjà forgé un caractère ambivalent pour jouer à la perfection
la comédie à ses parents qui ne lui refusaient rien en escomptant en retour le
voir embrasser une profession respectée.
Logé dans un premier temps chez
François-Julien Oudot à Versailles où il rencontra des bourgeois assez mondains
et ouverts d'esprit, il entama ses études de droit à l'abri du besoin grâce à
la pension versée par ses parents mais au bout de quelques mois, il déserta les
bancs de la faculté en passant alors une bonne partie de son temps dans
l'atelier parisien du peintre Charles de Steuben ou en faisant des virées
à Paris en compagnie de certains amis d'enfance, tels Urbain Cuénot et Adolphe
Marlet qui le fit entrer dans l'atelier de Nicolas-Auguste Hesse, un peintre
d'histoire qui l'encouragea dans la voie artistique.
Prenant son courage à deux
mains, Courbet écrivit alors à ses parents pour leur informer qu'il abandonnait
le droit et voulait devenir peintre en sachant probablement par avance que
ceux-ci accepteraient sa décision et continueraient à lui verser sa pension
sans oser le contrarier. Réformé du service militaire le 21 juin 1840, Gustave
put alors se rendre à sa guise au Musée du Louvre pour y copier les maîtres,
notamment les oeuvres néerlandaises du clair-obscur, les tableaux sensuels
vénitiens, le réalisme espagnol ou les
toiles de Géricault.
Au printemps 1841, il découvrit les rivages de la Normandie lors
de son premier séjour face à la mer, accompli en compagnie d'Urbain Cuéno après
avoir descendu la Seine en bateau depuis Paris jusqu'au Havre. Dans une lettre
écrite à son père, il s'émerveilla de la mer sans horizon et du besoin soudain
de partir voir le monde entier.
En fait, Courbet voulait
secrètement conquérir le monde en croyant que rien ne résisterait à sa fougue
et son audace. Dès le début de 1842, il se sentit donc suffisamment prêt pour
présenter quelques toiles au jury du Salon mais fut mortifié d'apprendre leur
rejet. Installé alors dans un petit atelier du Quartier latin situé au 89 rue
de la Harpe, il fréquenta en élève libre l'académie de Charles Suisse à l'angle
du boulevard du Palais et du quai des Orfèvres mais ne persista pas en trouvant
les exercices proposés sans intérêt.
Préférant se former lui-même,
il revint au Louvre copier les maîtres, notamment Diego Velasquez, Francisco de
Zurbaran ou José de Ribera, en se faisant accompagner par François Bonvin, un nouveau
camarade rencontré à l'académie Suisse. En 1844, sur les recommandations de
Hesse, le jury du Salon reçut de Courbet d'abord Loth et ses filles,
un tableau de genre religieux au thème académique qui n'eut pas l'heur de lui
plaire, puis le Portrait de l'auteur dit Autoportrait
au chien noir (1842) qu'il accepta d'exposer.
Rempli de joie, il écrivit à
ses parents : « Je suis enfin reçu à l'exposition, ce qui me fait le plus grand
plaisir. Ce n'est pas le tableau que j'ai le plus désiré qui fût reçu mais
c'est égal, c'est tout ce que je demande car le tableau qu'ils m'ont refusé
n'était pas fini. […] Ils m'ont fait l'honneur de me donner une fort belle
place à l'exposition ce qui me dédommage. Le tableau qui est reçu c'est mon
portrait avec paysage. Chacun m'en fait compliment".
Ce
tableau datait un peu mais qu'importe, Courbet se sentit reconnu et embraya dans
la réalisation d'oeuvres intimistes, notamment des autoportraits dans lesquels
il se montra en homme amoureux aux côté d'une femme, ou fixant le spectateur
avec un regard de défi ou simplement en fumant la pipe comme pour exalter tour
à tour un côté bohême, une forme d'égocentrisme ou simplement une quête
identitaire, à travers notamment le tableau "Le
Désespéré", débuté en 1844 et terminé dix ans plus tard qu'il n'exposa
jamais.
Jusqu'alors,
Courbet avait joué à être une sorte de Dr Jekyll et Mister Hyde en se
comportant à Paris comme un dandy libertin la nuit et un forcené du pinceau le
jour pour redevenir à chaque passage à Ornans un provincial profondément
attaché à ses racines.
En 1845, encore à la recherche d'un style plus affirmé.
Il proposa cinq toiles pour le Salon, mais le jury n'en retint qu'une, "Le
Guitarrero" , une oeuvre imprégnée de romantisme médiéval- on
était alors en pleine époque Viollet-Leduc- tandis qu'il ne parvint pas à vendre pour 500
francs à un amateur "Le
Sculpteur " un tableau
peint dans la même veine. Déconfit mais déterminé à atteindre le succès,
il écrivit à ses parents qu'il fallait être connu pour vendre quoi que ce soit.
"Tous ces
petits tableaux ne font pas de réputation. C'est pourquoi il faut que l'an qui
vient je fasse un grand tableau qui me fasse décidément connaître sous mon vrai
jour, car je veux tout ou rien".
Son
style changea au début de 1846, sa palette devenant plus
sombre et le Salon accepta en mars le "Portrait de M. xxx",
connu aujourd'hui sous le nom de "L'Homme à la ceinture de cuir ",
mais certains jurés et critiques s'aperçurent qu'il s'agissait du peintre en personne et le sanctionnèrent en
plaçant sa toile loin des yeux du public. Courbet se sentit profondément blessé
sans comprendre que son côté narcissique
l'avait plutôt desservi. Durant l'été, il partit explorer la Belgique et les
Pays-Bas à l'invitation de H.J Wisselingh, un marchand néerlandais qui lui
avait commandé son portrait, et se plut à visiter les musées d'Amsterdam et de
la Haye où il admira les maitres flamands et hollandais.
Las, en 1847, le Salon refusa
les trois toiles qu'il avait présentées, ce dont il se plaignit auprès de ses
parents en signalant qu'à part Delacroix, Decamps et Diaz, les membres du jury
avaient refusé tous ceux qui n 'étaient pas de leur école ou pas assez connus
du public pour se lamenter de ne pas pouvoir être exposé. "Les années passées, lorsque j'avais moins une manière à moi, que
je faisais encore un peu comme eux, ils me recevaient, mais aujourd'hui que je
suis devenu moi-même, il ne faut plus que je l'espère. On se remue plus que jamais
pour détruire ce pouvoir-là », poursuivit-il en laissant transparaître
son ressentiment envers les défenseurs de la peinture académique.
Entre-temps, Courbet s'était
mis en ménage avec Virginie Binet, une femme de onze ans son aînée qu'il avait
embauchée comme modèle dans son atelier de la rue de la Harpe avant de peindre
en 1844 les "Amants" en se
montrant tendrement en sa compagnie mais, de peur de froisser ses parents et de
perdre la pension qu'il recevait d'eux, il s'abstint d'évoquer cette liaison
sulfureuse alors qu'en septembre 1847, Virginie accoucha d'un fils prénommé
Désiré, Alfred, Emile qu'elle dut déclarer comme enfant naturel. Cette
naissance fut vraisemblablement mal acceptée par Gustave qui continua à
compartimenter sa vie avant qu'il ne se sépare de sa maîtresse qui vint avec
son enfant vivre à Dieppe au début des années 1850.
A la fin de 1847, Courbet
s'était installé dans un nouvel atelier situé au 32 rue Hautefeuille, près de
la rue Saint-André des Arts et à deux pas de la brasserie Andler (au numéro 28)
qu'il fréquentait déjà en compagnie de Daumier ou Corot. Il s'y était senti
comme chez lui parmi de nouveaux amis, tels Charles Baudelaire, le sculpteur
Auguste Clésinger, ses copains d'Ornans, dont le musicien Alphonse Promayet, et
nombre de figures de la bohême parisienne à laquelle il avait adhéré par la
mode et les idéaux en devenant rapidement un de ses chefs de file, ce qui dut
le consoler de ne rien vendre et d'être devenu endetté.
En janvier 1848, le maire du
village de Saules, près d'Ornans, lui offrit 900 francs pour une grande
peinture religieuse destinée à l'église du village, un Saint Nicolas ressuscitant les
petits enfants (aujourd'hui au musée Courbet) une première commande
publique miraculeuse (peut-être due à l'intervention de ses parents) alors
qu'il ne pouvait même plus payer son loyer alors qu'à la suite à la révolution
de février 1848 et la proclamation de la République, le Salon lui accepta trois
dessins et six toiles qu'il ne parvint pas à vendre malgré une mention
honorable.
Ce fut à la brasserie Andler
que Courbet fit tout pour se faire connaître en exprimant ses vues sur le réalisme
avec l'appui des artistes opposés au romantisme et à l'académisme ainsi que de
Baudelaire et de Hector Berlioz dont il fit les portraits. En juin 1848, il se
tint à l'écart des manifestations qui dégénérèrent dans Paris en se contentant
de graver une vignette pour le frontispice du journal "Le Salut Public" que ses amis
Baudelaire, Jules
François Félix Husson, dit Fleury ou Champfleury et Charles Toubin venaient de lancer.
Peu enclin à participer aux
événements, il tint à rassurer ses parents en leur écrivant que la guerre civile
était terrible, que les insurgés se battaient comme des lions et que ceux-ci
étaient fusillés sitôt pris alors qu'il croyait que rien de semblable ne
s'était passé en France, pas même durant la Saint-Barthélemy. "Je ne me bats pas pour deux
raisons : d'abord parce que je n'ai pas foi dans la guerre au fusil et au
canon et que ce n'est pas dans mes principes. Voila dix ans que je fais la
guerre de l'intelligence, je ne serais pas conséquent avec moi-même si
j'agissais autrement. La seconde raison c'est que je n'ai pas d'armes et ne
puis être tenté. Ainsi, vous n'avez rien à craindre pour mon compte. Je vous
écrirai dans quelques jours peut-être plus longuement. Je ne sais pas si cette
lettre sortira de Paris. »
Courbet montra là qu'il était
du genre grande gueule, un peu à l'image d'un matamore prompt à enflammer
l'auditoire d'une brasserie mais peu disposé à risquer sa peau sur les
barricades. D'ailleurs, il rejoignit vite Ornans pour respirer un air plus pur
afin de préparer des toiles dans le style réaliste qui lui tenait à coeur. Par
chance, son ami Champfleury, un apôtre du réalisme, dressa pour lui la liste
des oeuvres à proposer pour le Salon de
1849 en se faisant aider par Baudelaire pour rédiger les notices
d'accompagnement. Résultat: sept toiles furent retenues, La Vallée de la Loue,
prise de la Roche du Mont ; le village qu'on aperçoit des bords de la Loue
est Montgesoye, La Vendange à Ornans, sous la Roche du Mont, La
Vendange à Ornans, sous la Roche du Mont, Les Communaux de
Chassagne ; soleil couchant ainsi que deux portraits
intitulés Le Peintre et M. N… T… examinant un
livre d'estampes [Marc Trapadoux, un ami d'Ornans], et surtout l'Après-dînée à Ornans (195 x 257 cm)
qui lui valut une médaille de seconde classe et son achat pour 1500 francs par
l'Etat la même année.
Cette toile plutôt monumentale
représentant le violoniste Alphon se Promayet jouant pour Régis Courbet, le
père du peintre et deux amis de ce dernier, Auguste Marlet vu de dos allumant
sa pipe et Urbain Cuenot retint l'attention mais suscita de nombreuses
critiques à l'encontre de Gustave, traité de peintre du grossier ou du trivial.
A Paris, les élections de
décembre 1848 avaient porté Louis-Napoléon Bonaparte au pouvoir alors que peu
après, Courbet se lia d'amitié avec le franc-comtois Pierre-Joseph Proudhon, un
philosophe défenseur de la classe ouvrière et précurseur de l'anarchisme qui
convenait à son esprit, auquel il rendit
visite à la prison de Sainte Pélagie où celui-ci avait été incarcéré pour
offense au président de la République.
Lors des violentes
manifestations qui eurent lieu à Paris en juin 1849, Courbet, alors âgé de 30
ans, préféra encore se mettre à l'abri à Ornans juste après l'exposition de ses
oeuvres au Salon où il avait été accablé de critiques incendiaires. Se sentant
plus au calme, il travailla d'arrache-pied dans l'atelier de fortune que lui
avait aménagé son père dans le grenier de la maison de ses grands-parents en
abandonnant définitivement le style romantique de certains de ses premiers
tableaux pour s'inspirer du spectacle de sa terre natale. Sa médaille obtenue
pour "L'Après dînée" le
dispensant de l'approbation du jury du Salon, il se sentit libre de lui
proposer ce qu'il voulait pour ne pas se priver de casser les codes académiques
en peignant des paysages dominés par la puissance de la nature et plombés par
la solitude, un peu à la manière du pionnier du genre, l'Anglais John Constable
Durant l'année 1850, il
peint "Les Paysans de Flagey revenant de la foire",
puis l'incroyable "Un Enterrement à
Ornans", un tableau monumental au format (315 × 668 cm) habituellement
destiné à la peinture d'histoire dans lequel il montra plusieurs notables
d'Ornans et les membres de sa famille. Lors de son exposition au Salon, le tableau scandalisa ou étonna les
critiques, de la même manière que ses "Casseurs
de pierres", un sujet de la vie courante peint pour la première fois
dans les dimensions jusque-là réservées aux thèmes considérés comme nobles,
telles les scènes religieuses, historiques, mythologiques que Proudhon
salua comme la première oeuvre socialiste de l'histoire de la peinture.
Décidé à provoquer les tenants
de l'académisme, Courbet se mit à peindre à partir de 1852 de grandes
compositions de nus sans craindre de s'exposer à la critique, notamment à la
plume féroce de Théophile Gautier qui se moqua des trognes monstrueuses repérées dans l'Enterrement en jugeant qu'à côté de ce tableau, "Les Demoiselles au Village",
montrant au centre les trois soeurs du peintre, était presque une idylle. Dans
le même temps, Courbet se mit à peindre des lutteurs nus pour calmer ses
détracteurs tout en essayant de gagner sa vie en courtisant Charles de Morny,
le demi-frère de Louis-Napoléon qui venait de lui acheter les "Demoiselles du Village", afin
d'obtenir des commandes publiques. Dans la foulée, il essaya de s'assurer les
bonnes grâces d'Auguste Romieu, le directeur des Beaux-Arts, qui estima que le
gouvernement ne pouvait soutenir un artiste comme lui tant qu'il ne reviendrait
pas à une peinture plus acceptable.
Quelque peu amer, Courbet
promit de faire avaler le réalisme à tous ses ennemis sans craindre de se
retrouver complètement ostracisé. En présentant au Salon de 1853 les "Baigneuses" montrant deux
femmes, dont l'une nue à peine drapée d'un linge dans une posture plutôt
équivoque, l'artiste créa encore plus de polémique pour exciter Gautier qui
écrivit dans "La Presse" du
21 juillet: "Figurez-vous une sorte
de Vénus hottentote sortant de l'eau et tournant vers le spectateur une croupe
monstrueuse et capitonnée de fossettes au fond desquelles il ne manque que le
macaron de passementerie" alors que Courbet avait apparemment voulu
rendre hommage à Rubens qu'il avait admiré lors de son voyage en Belgique sept
ans plus tôt et où il était retourné en 1851 en trouvant un fidèle réseau
d'acheteurs.
D'ailleurs, il avait été exposé
à Bruxelles et Anvers ainsi qu'à Francfort pour se faire connaître hors de
France et surtout enfin vivre de sa peinture alors qu'à Paris, il ne pouvait
compter que sur Alfred Bruyas (1821-1876), un agent de change originaire de
Montpellier et associé de la banque Tissé-Sarrus qui s'était mis à
collectionner des oeuvres de Corot, Thomas Couture, Diaz de la Pena ou
Delacroix avant d'avoir un coup de coeur pour deux de ses trois toiles exposées
au Salon de 1853, " Les
Baigneuses" et "La Fileuse
Endormie" qu'il acheta pour 3000 francs.
Décrié à Paris, Courbet se
réfugia à Ornans en confiant ses espoirs et ses doutes à Bruyas, devenu son
ami: "J'ai brûlé mes vaisseaux. J'ai
rompu en visière avec la société. J'ai insulté tous ceux qui me servaient
maladroitement. Et me voici seul en face de cette société. Il faut vaincre ou
mourir. Si je succombe, on m'aura payé cher, je vous le jure. Mais je sens de
plus en plus que je triomphe, car nous sommes deux et à l'heure qu'il est, à ma
connaissance, seulement peut-être 6 ou 8, tous jeunes, tous travailleurs
acharnés, tous arrivés à la même conclusion par des moyens divers. Mon ami,
c'est la vérité, j'en suis sûr comme de mon existence, dans un an nous serons
un million »
L'artiste écrivit cette lettre
en revenant d'un rendez-vous raté avec Emilien de Nieuwekerk, le nouveau
directeur des Beaux-Arts, qui lui avait suggéré de réaliser une grande oeuvre à
la gloire de la France et de Louis-Napoléon pour l'Exposition Universelle de
1855 à condition de soumettre son travail à l'approbation du jury, ce que
Courbet rejeta avec arrogance en clamant que lui seul était juge de sa
peinture. Ce fut à cette époque qu'il acheva "L'Homme blessé",
l'autoportrait d'un homme râlant et mourant, et dont il parla à Bruyas, tout en
lui confiant espérer « réaliser un miracle unique, [...] vivre de mon art pendant toute
ma vie sans m'être jamais éloigné d'une ligne de mes principes, sans jamais
avoir menti un seul instant à ma conscience, sans même avoir jamais fait de la
peinture large comme la main pour faire plaisir à qui que ce soit, ni pour être
vendue. »
En mai 1854, Courbet rejoignit
à Montpellier ce dernier en qui il voyait un véritable mécène avide de
modernité et avec qui il pouvait échanger des points de vue critiques et, en
apparence, un même idéal. Là, il peignit les paysages du Languedoc durant
un long séjour avant de tomber malade à l'automne et d'être soigné par une amie
proche de Bruyas, une belle espagnole dont il peignit le portrait après avoir
rendu hommage à son protecteur, en exécutant une grande composition intitulée "La Rencontre" (appelée Bonjour
Monsieur Courbet).
Travaillant sans relâche à une
dizaine de tableaux entre Ornans et Paris à partir de novembre 1854, il prépara
avec l'aide de Bruyas et d'autres soutiens comme Baudelaire, Champfleury ou
Francis Wey, une sorte de coup d'État dans la peinture en espérant faire passer la société dans son atelier, ainsi qu'il le révéla à son
mécène à propos d'un mystérieux tableau de très grand format, "L'Atelier du Peintre. Allégorie Réelle
déterminant une phase de sept années de ma vie artistique et morale"
aujourd'hui au Musée d'Orsay.
Refusée à l'Exposition Universelle de 1855 alors que onze de ses
œuvres furent acceptées, la toile fut dévoilée au public lors d'une exposition
personnelle de l'artiste au Pavillon du Réalisme (édifice provisoire que
Courbet avait fait bâtir à ses frais avenue Montaigne presque en face de l'Exposition
universelle).Celle-ci fit ensuite partie de la collection du financier et
patron de journaux Victor Antoine Desfossés et fut rachetée par sa veuve à la
vente posthume de sa collection pour servir de toile de fond au théâtre amateur
de l'Hôtel Desfossés (6 rue Galilée à Paris) avant d'être acquise pour 700 000
francs en 1920 par le Musée du Louvre grâce à l'intervention de l'association
des amis du musée, une souscription publique et une contribution de l'Etat.
Auparavant, Courbet s'était vu refuser plusieurs tableaux au
Salon de 1855, notamment "Un
Enterrement à Ornans" et "La
Rencontre", jugé trop personnel. Poussé à organiser cette fameuse
exposition de l'avenue Montaigne, l'artiste avait obtenu l'appui financier de
Bruyas pour montrer une quarantaine d'oeuvres dans un pavillon de briques et de
bois et saisir l'occasion de délivrer sa profession de foi en exprimant ce
qu'il entendait par réalisme.« Le titre de réaliste m'a été imposé
comme on a imposé aux hommes de 1830 le titre de romantiques. Les titres en
aucun temps n'ont donné une idée juste des choses ; s'il en était
autrement, les œuvres seraient superflues [...] J'ai étudié, en dehors de tout
esprit de système et sans parti pris, l'art des anciens et l'art des modernes.
Je n'ai pas plus voulu imiter les uns que copier les autres ; ma pensée
n'a pas davantage d'arriver au but oiseux de l'art pour l'art [...] Savoir pour pouvoir, telle fut ma
pensée. Être à même de traduire les mœurs, les idées, l'aspect de mon époque,
selon mon appréciation, être non seulement un peintre, mais encore un homme, en
un mot, faire de l'art vivant, tel est mon but ».
Ce genre de manifeste fut en
partie rédigé par Champfleury et inspiré vraisemblablement par Baudelaire mais
le succès escompté ne fut pas vraiment au rendez-vous alors que la presse publia
de nombreuses caricatures des toiles et portraits charges du peintre. Eugène
Delacroix écrivit dans son Journal : "Je vais voir
l'exposition de Courbet qu'il a réduite à 10 sous. J'y reste seul pendant près
d'une heure et j'y découvre un chef-d'œuvre dans son tableau refusé (l'Atelier
que Courbet n'avait pas encore achevé) ; je ne pouvais m'arracher à cette
vue. On a rejeté là un des ouvrages les plus singuliers de ce temps, mais ce
n'est pas un gaillard à se décourager pour si peu".
L'année 1856 montra une
nouvelle progression dans la manière qu'avait Courbet de représenter la vie
quotidienne à travers une série de toiles préfigurant la peinture des modernes
des vingt années suivantes. "Les Demoiselles de bords de Seine
(été) fut ainsi une toile capitale. Présentée au Salon de 1857,
au milieu de trois paysages et de deux portraits, dont celui de l'acteur Louis
Gueymard, Courbet reçut de plus en plus de commandes de cette nature.
Par opposition aux « Demoiselles
de village », considérées comme vertueuses, ces "demoiselles de bords de Seine" semblaient, elles, vouées
au vice alors que la réputation sulfureuse de Courbet n'en
était encore qu'à ses débuts.
Vilipendé, caricaturé,
déconsidéré dans les milieux officiels Courbet continua à rester droit dans ses
bottes en étant un temps admiré par Manet qui se lia à lui avant de s'en
détacher à cause de son naturalisme exacerbé. En 1857-58, l'artiste séjourna
plusieurs mois à Francfort où il produisit de nombreux portraits ainsi que des
paysages de la campagne environnante. Après un passage en Belgique où le nombre
de ses acheteurs s'était accru, il redécouvrit en juin 1859 les côtes normandes
en compagnie d'Alexandre Schanne avant de faire la connaissance d'Eugène Boudin
qu'il complimenta en faisant cependant des réserves sur la tonalité de sa
peinture, un peu faible à son goût.
Durant cette période, Courbet
se montra moins à Paris en préférant travailler dans le Doubs ou au bord de la
mer avant d'acheter à Ornans le 6 mars 1860, l'ancienne fonderie Bastide, un
bâtiment dans lequel il aménagea sa maison et un grand atelier, où il demeura
souvent jusqu'à son exil en 1873 en Suisse.
On le proposa en juillet 1861 à
la Légion d'Honneur mais Napoléon III en personne raya son nom de la liste
tandis que l'Etat renonça à acheter "Le Rut du printemps. Le 28
septembre de cette année là, une réunion d'étudiants en art fut organisée à la
brasserie Andler par Jules-Antoine Castagnary qui lui demanda de diriger un
atelier d'enseignement de la peinture. Le 9 décembre, les cours commencèrent
avec 31 étudiants inscrits, mais 20 jours plus tard, Courbet renonça en
indiquant qu'il ne pouvait pas enseigner son art, ni l'art
d'une école quelconque, puisqu'il niait le principe de l'enseignement en
prétendant en d'autres termes que l'art était avant tout individuel pour n'être
à propos de chaque artiste que le talent résultant de sa propre inspiration et
de ses propres études sur la tradition.
A cette
époque, Courbet réalisa une série de natures mortes lors d'un séjour en
Saintonge à l'invitation du mécène Etienne Baudry qui lui commanda des nus, dont
"La Femme nue couchée". En
1862-63, il séjourna à Saintes et participa avec Corot, Hippolyte Pradelles et
Louis-Augustin Auguin à un atelier en plein air baptisé« groupe du Port-Berteau »
d'après le nom du site des bords de la Charente. Une exposition collective
réunissant 170 œuvres fut présentée au public le 15 janvier 1863 à l'hôtel de
ville de Saintes où il peignit "Le Retour de la conférence",
une toile anticléricale qui fit scandale et fut refusée au Salon.
En 1865, il peignit à titre
posthume le tableau "Pierre-Joseph
Proudhon et ses enfants en 1853" et séjourna à Trouville et Deauville
où il peignit des séries de marines en compagnie du peintre américain James
McNeill Whistler qu'il venait exceptionnellement d'accepter comme élève après
l'avoir rencontré quelques années plus tôt en compagnie de sa maîtresse Joanna
Hiffernan qui devait devenir son modèle et amante en posant en 1866 pour Le Sommeil, une toile représentant deux
femmes endormies lascivement enlacées puis vraisemblablement pour le plus que
sulfureux tableau "L'Origine du
Monde" montrant en gros plan le sexe d'une femme que le diplomate turc
Khalil-Bey lui avait commandés.
La même année, il séjourna à
nouveau à Deauville avec Claude Monet et Eugène Boudin chez le comte Horace de
Choiseul-Praslin sans trop se soucier de trahir ses sentiments anarchistes et
monta en 1868 à Gand une exposition anticléricale en composant deux séries
d'albums de dessins avant de faire l'année suivante un long séjour à Etretat, un endroit encore peu
connu des peintres et d'enregistrer un beau succès avec son exposition de
Munich.
Débordé de commandes, Courbet
se sentit alors obligé d'avoir recours à des assistants, notamment Alexandre
Rapin, pour satisfaire ses clients mais sa réussite eut l'effet pernicieux de
le rendre obèse alors que la Légion d'honneur proposée par Napoléon III lui fut
une nouvelle fois refusée en juin 1870 en raison de ses idées républicaines et
socialistes. Après la défaite de l'armée impériale face aux troupes prussiennes
à Sedan et la proclamation de la République le 4 septembre 1870, Courbet fut
nommé président de la commission des musées et délégué aux Beaux-Arts sans se
douter que son engagement en faveur de la Commune de Paris finirait par causer
sa perte.
Elu au Conseil de la Commune du
VIe arrondissement lors des élections complémentaires du 16 avril 1871 puis désigné
le lendemain président de l'éphémère Fédération des Artistes, Courbet se montra
dans un premier temps soucieux de protéger les oeuvres d'art de la capitale en
faisant blinder les fenêtres du Musée du Louvre et entourer de sacs de sable
des monuments comme l'Arc de Triomphe, la Fontaine des Innocents, la
Manufacture des Gobelins et celle de Sèvres ainsi que d'autres édifices.
Siégeant alors à la commission de l'Enseignement, il vota notamment avec Jules
Vallès contre la création du Comité de Salut public en proposant toutefois au
gouvernement de la Défense nationale de faire déplacer la colonne Vendôme
évoquant les guerres napoléoniennes vers les Invalides sauf qu'il se ravisa en
appuyant la décision de la Commune de faire abattre ce monument, ce qui lui
valut plus tard d'être désigné comme le responsable de sa destruction le 16 mai
1871.
Pris dans l'engrenage de ses
idées et dépassé par les événements, Courbet démissionna de ses fonctions en
signe de protestation contre l'exécution par les Communards de Gustave Chaudet
qui, en tant que maire-adjoint, avait fait tirer sur des manifestants le 22
janvier 1871 puis, le 7 juin, il fut arrêté et condamné par le 3e conseil de
guerre à six mois de prison, une peine qu'il purgea en partie à Versailles et à
Sainte Pélagie, ainsi qu'à 500 francs d'amende et 6850 francs de frais de
procédure. Tombé malade, il fut transféré le 30 décembre 1871 dans une clinique de
Neuilly où il resta jusqu'en avril 1872.
Au lieu donc de se cantonner à
un rôle d'agitateur de salon, Courbet avait joué à l'apprenti révolutionnaire
en se voyant dès lors violemment vilipendé par nombre d'écrivains, notamment
Alexandre Dumas fils qui écrivit à son sujet:« De quel
accouplement fabuleux d'une limace et d'un paon, de quelles antithèses
génésiaques, de quel suintement sébacé peut avoir été générée cette chose qu'on
appelle Gustave Courbet ? Sous quelle cloche, à l'aide de quel fumier, par
suite de quelle mixture de vin, de bière, de mucus corrosif et d'œdème
flatulent a pu pousser cette courge sonore et poilue, ce ventre esthétique,
incarnation du Moi imbécile et impuissant ».
Trouvant malsain de rester à Paris, Courbet
repartit à Ornans où l'attendaient malgré tout nombre de commandes qu'il dut
satisfaire à faisant appel à des aides en allant signer des tableaux dénués
d'aucune de ses touches alors que son état de santé l'avait rendu nettement
moins productif avant d'apprendre en mai 1873 que
le nouveau président de la République, le maréchal de Mac Mahon, avait décidé
de faire reconstruire la colonne Vendôme à ses frais selon un devis de 323 091
francs, une décision entérinée par une loi votée le 30 mai, en conséquence de
quoi ses biens furent mis sous séquestre et ses toiles confisquées.
Complètement ruiné, l'artiste
tenta de se défendre en arguant qu'il s'était constamment préoccupé de
questions sociales et des philosophies qui s'y rattachaient en suivant sa voie,
parallèlement à celle de son camarade Proudhon et qu'il avait lutté contre
toutes les formes de gouvernement autoritaire et de droit divin pour que
l'homme se gouverne lui-même selon ses besoins et sa conception propre de
l'existence, un beau programme utopique qu'en fait personne n'avait encore pu mettre en
oeuvre avant l'émergence en 1917 de Lénine et de Staline qui imposèrent le
communisme à leurs concitoyens russes au prix de privations accompagnées d'ignobles
massacres. A sa décharge, on ne pouvait que le qualifier de gentil rêveur,
d'anarchiste modéré comme le fut plus tard Georges Brassens ou de trublion
d'opérette à l'image du Gérard Depardieu insolent du film "Les
Valseuses" devenu au fil de l'âge ventripotent et peu amène envers la
bourgeoisie bien pensante quitte à faire preuve d'incohérence en allant lécher les pieds du dictateur Vladimir Poutine.
Tout ça parce que au départ,
Courbet n'avait pas voulu mécontenter ses parents en menant vite des existences différentes, pour se comporter à Paris comme un
assoiffé de la vie et du sexe, se voulant libertin, anticonformiste,
anticlérical, antibourgeois et tutti quanti; et pour se montrer à Ornans comme un
fils aimant hautement respectueux de son père et un homme profondément attaché à sa
terre natale et ses coutumes qui n'aurait jamais osé avouer là-bas qu'il vivait
en compagnie de modèles dont la réputation se situait au niveau de celle des
prostituées.
Par peur de retourner en prison,
Courbet passa clandestinement la frontière le 23 juillet 1873 en séjournant
quelques semaines du côté de Le Locle et de la Chaux de Fonds puis à Neuchâtel,
Genève et dans le Canton du Valais avant de jeter son dévolu sur le village de
La Tour-de-Peilz, au bord du lac Léman, en s'installant en octobre 1873 à la
Pension Bellevue en compagnie de Cherubino Pata, un de ses disciples. Au
printemps de 1875, il se fixa finalement dans une maison appelée le Bon-Port
qu'il quitta souvent pour se déplacer à Genève, Fribourg, Martigny, la Chaux de
Fonds et d'autres localités suisses sous l'oeil vigilant des espions de la
police française.
Entre-temps, il avait exposé 34
tableaux à Vienne, en marge de l'Exposition Universelle de 1873 et présenté à
l'invitation de Whistler d'autres oeuvres à Londres et aux Etats-Unis en
passant ses mois d'exil à organiser sa défense face aux attaques du
gouvernement en cherchant à obtenir justice auprès des députés français, à
participer à diverses fêtes et débats ou à des réunions de proscrits, à recevoir
chez lui nombre de peintres comme Auguste Baud-Bovy, François Bocion ou Francis
Furet et surtout à continuer à peindre et à commencer à sculpter.
Faisant preuve de générosité,
Courbet offrit des tableaux pour des tombolas en faveur de sinistrés ou
d'exilés tout en s'investissant personnellement pour des syndicats mais depuis
son départ en exil sa production fut
très inégale et loin de son meilleur niveau. Le tribunal civil de la
Seine ayant rendu sa condamnation effective le 26 juin 1874, il se crut obligé
de produire sans cesse par crainte de devoir passer un jour à la caisse alors
que nombre de faussaires se mirent de la partie en inondant le marché de
plagiats.
Les événements de la Commune,
les procès diligentés à son encontre, l'exil et l'étroitesse de l'espace
culturel suisse l'absorbèrent trop pour être à même de produire les chefs
d'oeuvre qui avaient fait sa gloire durant les années 1850 mais il parvint
toutefois à réaliser des portraits de grande qualité comme "Régis Courbet,
père de l'artiste" (aujourd'hui au Petit-Palais à Paris) et de beaux
paysages tels "Léman au coucher de soleil" (Musée Jenisch à Vevey) et "Château de Chillon" (musée Gustave Courbet à Ornans) avant que son
état de santé ne se dégrade en 1876. Continuant de grossir du ventre au point
de ressembler à un tonneau, il se mit à peindre un grand panorama des Alpes
resté partiellement inachevé (The Cleveland Museum of Art) tout en réalisant
deux sculptures, " La Dame à la Mouette" et "Helvetia".
Solidaire des Communards exilés
et refusant toujours de revenir en France avant une amnistie générale, Courbet
mourut le 31 décembre 1877 et son corps fut inhumé à La Tour-de-Peilz 4 jours
plus tard (sa dépouille ne fut transférée à Ornans qu'en juin 1919 à l'occasion
du centenaire de sa naissance). Dans le journal "Le Réveil" du 6
janvier 1878, Jules Vallès rendit hommage au peintre et à l'homme de paix en
écrivant: "Il a eu la vie plus belle
que ceux qui sentent, dès la jeunesse et jusqu'à la mort, l'odeur des
ministères, le moisi des commandes. Il a traversé les grands courants, il a
plongé dans l'océan des foules, il a entendu battre comme des coups de canon le
cœur d'un peuple, et il a fini en pleine nature, au milieu des arbres, en
respirant les parfums qui avaient enivré sa jeunesse, sous un ciel que n'a pas
terni la vapeur des grands massacres, mais, qui, ce soir peut-être, embrasé par
le soleil couchant, s'étendra sur la maison du mort, comme un grand drapeau
rouge».
Courbet fut en fait un des rares
artistes à construire sa carrière sur le principe du scandale, comme avec
l'exposition de "La Baigneuse" au
Salon de 1853, l'édification de son pavillon du Réalisme en 1855, ses tableaux
l'Enterrement à Ornans, l'Atelier, le Sommeil ou l'Origine du Monde et son
engagement en 1871 dans la Commune de Paris après des années passées à éviter
de monter sur une quelconque barricade.
Pour l'essentiel, les critiques
avaient véhiculé l'image d'un peintre insoumis et frondeur, ses détracteurs,
notamment Edmond About, Cham, Théophile Gautier et plus tard Baudelaire avaient
pointé du doigt une peinture réaliste tandis que ses défenseurs (Bruyas,
Proudhon et Zola) avaient jugé que son oeuvre portait en elle un esprit
d'indépendance, de liberté et de progrès. Courbet avait réussi à étonner
Delacroix avec ses Baigneuses en 1853 avec cependant un grand bémol puisque le
maître lui avait reproché non seulement la vulgarité des formes mais aussi la
vulgarité et l'inutilité de la pensée qui selon lui était abominable.
Néanmoins, ce dernier avait admiré deux ans plus tard "L'Atelier" et
un "Enterrement à Ornans". Après avoir vu en lui un puissant ouvrier
doté d'une volonté patiente et sauvage, Baudelaire avait pour sa part dénoncé son manque d'imagination basée sur une philosophie de brutes aux idées pauvres.
Edmond de Goncourt n'avait pas été plus tendre à son égard en estimant que chez
ce maître du réalisme, il n'y avait rien de l'étude de la nature, que le tableau
"Le Sommeil" n'inspirait que du dédain en montrant "deux corps terreux, sales, breneux, noués
dans le mouvement le plus disgracieux et le plus calomniateur de la volupté de
la femme au lit ; rien de la couleur, de la lumière, de la vie de sa peau,
rien de la grâce amoureuse de ses membres, une ordure bête»
Il fallut attendre plus d'un
siècle pour mieux comprendre l'oeuvre de ce peintre si décrié, notamment à
travers l'ouvrage de Louis Aragon "L'Exemple de Courbet" (1952) et la
rétrospective organisée en 2007-2008 au Grand Palais qui permit de rendre plus
sensible la diversité de la production du peintre, mêlant les toiles destinées
— en leur temps — à une réception publique et celles réservées aux intérieurs
des collectionneurs. Bizarrement, ce furent les critiques étrangers, comme
Timothy Clark, Michael Fried ou Klaus Herding qui apportèrent les meilleures
analyses sur sa peinture qui fut comme un acte de résistance face à la société
de son temps qu'il voulait voir plus juste.
Courbet aura intéressé
également nombre de psychiatres et de psychanalystes à travers plusieurs
tableaux, notamment des scènes où il s'était représenté, des nus érotiques ou
sa sulfureuse et énigmatique toile "L'Origine du Monde" restée
longtemps cachée aux yeux du public qui, avec les "Baigneuses" de 1853, montre à l'évidence qu'il ne
dédaignait pas se servir de la photographie pour serrer ses cadrages. Pour le
reste, ses oeuvres ont été jugées plus que fragiles car, à l'imitation des
peintres flamands, il enduisait sa toile d'un fond sombre composé de goudron
pour ensuite définir des zones de clarté et des détails sauf qu'avec le temps,
le bitume remonte à travers la peinture pour venir la brunir irrémédiablement.