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Le Plateau, place Hannah Arendt à Paris, présente jusqu'au 17 août 2008 une exposition consacrée à l'argent, un sujet resté très longtemps tabou dans le domaine de l'art.

A la suite de Salvador Dali qui pour se vendre aimait mettre en avant en avant l'anagramme de son nom « Avidadollars », ce fut Andy Warhol qui combina le mieux l'art et l'argent en décrétant que le meilleur des arts était de faire de l'argent. résultat: la valeur d'une œuvre a pris aujourd'hui le pas sur son importance esthétique, une réalité devenue de mise parmi les amateurs qui spéculent à qui mieux mieux sur le marché.

Voilà que l'argent régit abominablement le monde de l'art au point de perturber les critiques et de leur faire baisser les bras devant ceux qui font les cotes dans le domaine du contemporain, les frères Saatchi, François Pinault et plus récemment le milliardaire russe Roman Abramovitch lequel a porté les artistes Lucian Freud et Francis Bacon aux sommets des enchères ainsi que d'autres de ses compatriotes bien nantis du portefeuille sans oublier les nouveaux collectionneurs chinois ou indiens venus pallier les défaillances de nombreux golden boys touchés par la crise financière et boursière qui a touché Wall Street et d'autres places occidentales.

L'exposition organisée au Plateau rassemble des œuvres très parlantes sur l'argent qui ont ainsi le mérite de mettre en lumière son rôle dans l'art tout en permettant à des artistes de défendre le principe de l'art pas cher, à l'instar du Belge Wim Delvoye qui lors de la dernière FIAC a vendu à un prix modique des machines à fabriquer des excréments lesquels, dans le domaine de la psychanalyse ont un rapport étroit avec l'argent, un phénomène qui au passage en ferait réfléchir plus d'un lorsqu'il s'agirait de dire que l'art c'est de la merde, ce que l'artiste italien Piero Manzoni (1933-1963), pour souligner sa participation personnelle à son œuvre, sut interpréter avec aplomb en produisant 90 boîtes de « Merde d'artiste »  qui aujourd'hui valent très cher sur le marché.

L'argent est d'ailleurs un sujet très prisé des artistes qui ont exploré ses facettes de mille et une manières en allant parfois jusqu'à en profiter pleinement comme Warhol avec son fameux dollar et d'autres qui ont trouvé le moyen de transformer leurs œuvres en véritables planches à billets.

Il y a vingt ans à peine parler d'argent dans l'art était encore un sujet tabou pour les marchands qui déclaraient simplement vendre des œuvres, des objets ou des meubles à des passionnés, un discours plutôt anachronique du fait que les acheteurs se devaient pour leur part d'avoir beaucoup d'argent pour s'offrir de belles pièces.

Pourtant, à y regarder de plus près, l'argent a toujours été un facteur primordial du développement de l'art et ce, depuis des millénaires ! Mais il a fallu beaucoup de temps pour renverser la barrière de l'hypocrisie pour admettre ce fait facilement vérifiable à maints égards.

Il y a plus de trois mille ans, les pharaons dépensaient des fortunes pour décorer leurs palais et leurs temples afin de magnifier la splendeur de leur règne. Les Grecs et les Romains ne firent pas autrement pour imposer leur culture dans le bassin méditerranéen, en Europe et même en Asie où les empereurs chinois étaient logés à la même enseigne. Au Moyen Age, l'Eglise dilapida des sommes folles au service de l'art alors que les princes de la Renaissance se montrèrent encore plus dispendieux en permettant à certains artistes de s'émanciper et de devenir eux-mêmes riches. Les souverains qui régnèrent en Europe jusqu'au début du XXe siècle contribuèrent également à faire monter les prix des œuvres jusqu'au moment où les marchands et les collectionneurs se mirent de la partie pour créer le marché de l'art à travers la promotion de nouveaux mouvements comme celui des impressionnistes dont la cote grimpa brutalement grâce aux achats de millionnaires américains ou russes.

La Première Guerre Mondiale n'arrêta pas le mouvement de hausse malgré les crises qui s'ensuivirent alors que la Seconde marqua l'émergence des Etats-Unis dans le domaine de l'art contemporain. Force donc est de constater que l'argent n'a pas été une manifestation brutale venue bouleverser le marché qui, il faut quand même le souligner, a surtout été affecté par l'effet que lui même provoque souvent, c'est à dire la spéculation.

N'empêche, évoquer le rapport art-argent a longtemps été mal perçu en société au point que lorsque le magazine Art et Valeurs a été créé par moi-même en 1988, les professionnels ont levé les bras au ciel en parlant hypocritement d'hérésie alors que mon propos était de mettre cette évidence en lumière. Il faut aussi dire que les Français en particulier ont eu énormément de mal à évacuer le problème de leur rapport avec l'argent avant que le libéralisme ne fasse enfin exploser des verrous très serrés à la fin des années 1990.

L'argent a malheureusement fini par être la préoccupation majeure des individus, même en Russie ou dans la Chine communiste qui depuis une décennie se sont lancées à corps perdu dans une course effrénée vers plus de richesse. Niveau de vie, pouvoir d'achat, prix de l'immobilier, coût des carburants et des produits alimentaires, tout cela démontre que l'argent est devenu le moteur de  l'existence de tout être humain au risque de conduire à des crises majeures, voire à des guerres alors que le domaine de l'art est devenu une sorte de casino où les riches ont l'impression de gagner à tous les coups avec des achats qui engendrent des plus-values qui étonnent sans cesse les médias nonobstant le fait qu'une déflagration boursière peut à tout moment mettre un coup d'arrêt à ce furieux emballement.

Les riches s'enrichissent mais d'un autre côté, les classes moyennes s'appauvrissent à cause notamment de la hausse des prix des matières premières et des produits agricoles qui débouche sur le besoin d'avoir sans cesse plus d'argent pour vivre. Il en va de même dans le domaine de l'art où les pièces de qualité moyenne se vendent de plus en plus mal alors que le marché ne peut se développer qu'à travers l'augmentation des ventes de ces pièces. Gare donc au retour de bâton, chacun sachant bien que l'argent ne fait pas toujours le bonheur.