Successeur de Penelope Curtis partie rejoindre le
musée Calouste Gulbenkian de Lisbonne, Chris Dercon quittera son poste de directeur
de la Tate Modern de Londres pour diriger le théâtre Volksbühne de Berlin à
partir de 2017, ce qui semble indiquer un sérieux problème pour le musée.
Perdre deux directeurs en deux mois ne peut effectivement
pas être considéré comme anodin sans compter que Penelope Curtis, nommée en 2010,
avait subi le feu des critiques pour son programme jugé peu conventionnel.
Le principal fautif dans cette affaire serait Nicola
Serota, le président de la Tate, qui avait choisi cette dernière alors que les
membres du comité directeur n'avaient semble-t-il pas eu voix au chapitre.
Toutefois, le problème le noeud du problème réside plutôt dans le fait que la Tate soit une institution à deux
têtes composée de la Tate Britain centrée sur l'art britannique du 16e siècle à
nos jours et la Tate Modern qui est axée sur l'art contemporain avec des
oeuvres d'artistes du pays et étrangers.
La Tate Modern a eu le vent en poupe depuis 2000 tandis
que la Tate Britain s'est retrouvée confrontée au niveau de l'art ancien à la
rivalité de la National Gallery, de la Royal Academy et de la National portrait
Gallery qui sont regroupées près de Trafalgar Square.
La Tate Britain souffre donc du mélange des genres
qu'elle propose en allant même jusqu'à exposer des oeuvres étrangères d'art
moderne qui l'a écartée de sa destination première mettant l'accent sur l'art
britannique qui finalement a accentué son isolation étant donné que l'art
contemporain est plus apprécié aujourd'hui.
Il y a donc un conflit interne à la Tate puisque la Tate
Britain a été en perte de vitesse tandis que sa fréquentation a été 4 fois
moindre que celle de la Tate Modern qui a attiré près de 5,8 millions de
visiteurs l'an dernier.
Par rapport à la National Gallery fréquentée par 6,4
millions de visiteurs, la Tate Britain a ainsi été à la traîne en posant un
problème de poids à Serota qui a préféré développer la Tate Modern à un moment
où la politique culturelle du Royaume-Uni s'est retrouvée dans l'incertitude
avec l'élection d'un nouveau gouvernement attendue durant ce mois de mai.
La Tate a déjà subi une réduction de l'enveloppe
gouvernementale allouée aux musées britanniques et la possible victoire des
Travaillistes tout autant que l'éventualité du transfert des pouvoirs réclamées par l'Ecosse a pesé sur l'avenir du musée.
On comprend dès lors pourquoi Chris Dercon et Penelope
Curtis ont préféré voir ailleurs plutôt que d'avoir à affronter des problèmes budgétaires
et politiques qui pourraient remettre en question le concept de ce musée à deux branches alors
que Serota a réussi à faire de la Tate Modern une vitrine majeure de l'art
contemporain tout en se voyant englué par le souci créé par la Tate Britain devenue un vieux paquebot battant un pavillon qui risque de ne plus être britannique à cause des Ecossais.