L'exposition consacrée à Jeff Koons au château de
Versailles depuis l'automne de 2008 a rencontré un succès certain malgré les virulentes critiques d'historiens
d'art outrés de voir ce haut-lieu de la culture servir à bon compte à la promotion de cet artiste
contemporain devenu une star du marché en quelques années à peine.
Il faut dire que l'artiste américain a fait débat
depuis un certain temps, surtout pour sa manière de travailler, comme Andy
Warhol avant lui, qui a consisté à concevoir une idée réalisée ensuite avec
l'aide de nombreux collaborateurs.
Si on prend l'exemple de Warhol, on constate que
celui-ci peignit personnellement son dernier tableau vers 1965 et que toutes
les œuvres créées ensuite jusqu'en 1986, année où, à l'invitation insistante de Jean-Michel
Basquiat, il reprit ses pinceaux pour peindre des toiles en commun, furent le
fait de ses assistants travaillant dans son atelier appelé la Factory, une
véritable ruche qui servit à fabriquer des milliers d'œuvres en série.
Né en 1955 à York (Pennsylvanie), Koons a étudié
durant trois années au Maryland Institute College of Art puis à l'Art Institute
de Chicago avant de travailler à New York, en Allemagne et en Italie. Au départ
représentant de commerce, ce qui lui a permis de développer de sacrés dons de chef
d'entreprise, il a constitué son œuvre par à-coups en réalisant des thèmes
successifs selon le principe du « ready-made » et surtout du « tout est
art » à travers le pop art en s'appropriant des objets manufacturés ou des
icônes de la vie moderne pour les produire artisanalement avec minutie et les présenter en assemblages.
Ses premières réalisations de 1981 à 1987 ont été des
répliques en acier inoxydable de bibelots « trash » du passé,
marquis et bergères, nains, lapins, aspirateurs ou autres appareils ménagers,
inclus dans du Plexiglas. Il réalisa ainsi en 1986 un Louis XIV en acier qui
était la reproduction fidèle d'un buste original du monarque, histoire peut-être de poser un jalon en
vue de sa future exposition à Versailles, puis en 1988, il produisit une œuvre en
bois polychrome de deux mètres de hauteur intitulée « l'Ours et le
policeman » avant de présenter en
1991 à la galerie Sonnabend des peintures photographiques de 2 x 3 mètres
traitées par ordinateur ainsi qu'une grande sculpture en bois peint le
représentant avec la Cicciolina dans une posture très intime sinon salace.
Koons sut ainsi attirer un large public avec ses réalisations « kitsch »
plutôt provocantes, l'intention avouée de l'artiste ayant été de niveler les
critères du goût sans pour autant parvenir à délivrer un discours vraiment
clair, ce qui fait que personne n'a vraiment été capable de déterminer ses
véritables motivations.
Dans une interview accordée au journal "Libération" Jeff Koons a cherché à expliquer sa démarche en refusant de voir son
œuvre être traitée de « Kitsch » mais qu'elle servait à mettre
les gens en rapport avec une "histoire culturelle commune" tout en signalant
qu'il aimait la philosophie du baroque, représentant au passage le pouvoir et
le sexe.
Koons a ainsi souligné avoir voulu traduire une
iconographie collective, à l'échelle de la conscience des masses basée sur des
archétypes mais son propos a paru être une tentative de se dédouaner de son image d'artiste
promu selon des méthodes de marketing pour le moins outrancières qui ont fait
de lui une star du marché de l'art contemporain, aujourd'hui secoué par la
crise qui a ébranlé les fondements du capitalisme, ce qui risque à moyen terme de provoquer une baisse sensible de sa cote.
Conscient peut-être de ce fait, l'ancien représentant de commerce et
ex-époux de la Cicciolina, la sulfureuse strip-teaseuse qui a été un temps une
star du cinéma porno italien, Koons s'est échiné à démontrer que son art était
relié au passé, auquel il a fait référence avec force dans cette interview, histoire de
démontrer qu'il n'avait rien d'un imposteur.
Inutile de dire que le discours de Koons, tel que lu
dans « Libération », aura eu quelque mal à passer et qu'il
éprouvera sans cesse du mal à prétendre être un artiste véritable. Concepteur génial, certes, mais son rôle d'artiste reste à démontrer car travailler avec
l'aide de multiples assistants servant à concrétiser une idée couchée sur le papier est plutôt sujet
à caution si l'artiste en question ne crée rien de personnel de son côté, ce
qui fut par contre le cas de nombreux grands maîtres comme Rubens ou David Téniers qui,
eux, mettaient la main à la pâte en créant de grandes compositions avec le
concours d'élèves ou d'adjoints talentueux.
On se moque qu'il veuille que ses œuvres soient parfaites à
partir du moment où celles-ci sont simplement conçues comme des idées réalisées
par des artisans se servant de technologies modernes pour ce faire. Dans ce cas
précis, Koons n'est, comme le Français Starck, qu'un designer doté d'un rare sens du commerce et nullement un
artiste dans le sens complet du terme. Ce qu'il a inventé, en donnant à
d'autres le soin de la mise en œuvre, est peut-être amusant mais il serait
abusif de comparer Koons à Rembrandt ou à Picasso quand bien même il est
parvenu à faire vendre ses créations à des prix mirobolants et ce, dans un
contexte économique et financier qui lui a été hautement favorable. Or, nombre
d'acheteurs dans le domaine de l'art contemporain ont été frappés par la crise
financière et boursière qui a rendu la planète folle et par ricochet mis subitement à mal les cotes de plusieurs artistes actuels. Qu'en
sera-t-il de la cote de Koons après l'année 2009 ? Si la crise persiste
durant au moins deux ans, comme il y a lieu de le croire, elle sera condamnée à
retomber d'autant plus que le marché de l'art contemporain a subi d'ores et
déjà un net recul.
Il est de fait que dans cette interview, Koons s'est
senti obligé de chercher à rattacher son œuvre au passé pour tenter de
justifier son rôle en tant qu'artiste en insistant particulièrement sur l'honnêteté de sa
démarche. L'histoire dira dans une décennie si celui-ci aura joué un rôle
majeur dans le développement de l'art ou si au contraire sa célébrité aura été
éphémère.
Il a fallu plus de deux décennies à un Picasso pour
se forger une réputation internationale solide mais quinze ans paraissent encore trop court pour juger de celle de Koons lequel ,comme Warhol, aura néanmoins modifié la donne pour révolutionner l'art contemporain à travers des oeuvres
créées industriellement. Il est néanmoins patent que Warhol a été le premier à mettre
en place un système de production très juteux en se servant des circuits
branchés de New York pour imprimer sa façon de faire mais au plan artistique,
on en est toujours à se demander si ses interprétations des icônes de son
époque peuvent être mises sur le même plan que les œuvres de maîtres qui
passaient des journées entières dans leurs ateliers pour créer des œuvres
devenues plus tard légendaires.
Il y a eu pour Warhol et pour Koons, un
profond effet de mode qui a joué en leur faveur grâce à des réseaux très actifs
dans le milieu de l'art contemporain qui ont développé des méthodes de
marketing très agressives pour les propulser sur le devant de la scène en
comprenant que miser sur leurs noms avait de quoi être juteux financièrement vu le nombre
impressionnant d'œuvres à mettre sur le marché. Occulter le fait que ces
concepteurs étaient tout juste des superviseurs de leurs œuvres importait peu
pour ces réseaux qui ont ainsi quelque peu perverti la perception de l'art
contemporain où le talent personnel d'un artiste a fini par être relégué au second plan.
Il est peut-être bon de souligner que l'art
contemporain, tel qu'il s'est affirmé aujourd'hui, s'est effectivement nourri de nouveaux concepts basés sur des productions
industrielles mais en même temps, il conviendrait enfin de ranger Warhol et Koons dans la catégorie des grands
designers des XXe et XXIe siècles, ce qui aurait déjà pour mérite de remettre
les choses à plat et de faire un distinguo de taille entre les artistes, les
vrais, et les inventeurs d'idées concrétisées par des groupes d'artisans sous leurs ordres.
Il paraît ainsi impensable de mettre un artiste comme
Lucian Freud sur le même plan que Jeff Koons car le marché de l'art
contemporain demeurera toujours aussi brouillé tant que les intervenants du
marché de l'art n'auront pas fait pas cette différence surtout que l'ex-représentant de commerce est avant tout devenu une star du marché par la grâce de quelques amateurs
fortunés qui ont spéculé avec avidité sur son œuvre. Beaucoup diront que son
exposition à Versailles a visé en grande partie à maintenir sa cote. C'était sans compter sur la
crise qui a bouleversé la situation au risque de la mettre en péril mais force
est de reconnaître que l'énorme entreprise de publicité faite autour de lui a
quand même eu sur le marché des répercussions incroyables dont la portée risque d'être néfaste pour celui-ci. Il est donc vraisemblable que ceux qui ont misé sur Koons feront
tout leur possible pour le défendre et empêcher un glissement sensible de cette cote
quitte à mener une longue offensive qui pourrait durer durant une autre
décennie.
Adrian Darmon
L'exposition consacrée à Jeff Koons au château de
Versailles depuis l'automne de 2008 a rencontré un succès certain malgré les virulentes critiques d'historiens
d'art outrés de voir ce haut-lieu de la culture servir à bon compte à la promotion de cet artiste
contemporain devenu une star du marché en quelques années à peine.
Il faut dire que l'artiste américain a fait débat
depuis un certain temps, surtout pour sa manière de travailler, comme Andy
Warhol avant lui, qui a consisté à concevoir une idée réalisée ensuite avec
l'aide de nombreux collaborateurs.
Si on prend l'exemple de Warhol, on constate que
celui-ci peignit personnellement son dernier tableau vers 1965 et que toutes
les œuvres créées ensuite jusqu'en 1986, année où, à l'invitation insistante de Jean-Michel
Basquiat, il reprit ses pinceaux pour peindre des toiles en commun, furent le
fait de ses assistants travaillant dans son atelier appelé la Factory, une
véritable ruche qui servit à fabriquer des milliers d'œuvres en série.
Né en 1955 à York (Pennsylvanie), Koons a étudié
durant trois années au Maryland Institute College of Art puis à l'Art Institute
de Chicago avant de travailler à New York, en Allemagne et en Italie. Au départ
représentant de commerce, ce qui lui a permis de développer de sacrés dons de chef
d'entreprise, il a constitué son œuvre par à-coups en réalisant des thèmes
successifs selon le principe du « ready-made » et surtout du « tout est
art » à travers le pop art en s'appropriant des objets manufacturés ou des
icônes de la vie moderne pour les produire artisanalement avec minutie et les présenter en assemblages.
Ses premières réalisations de 1981 à 1987 ont été des
répliques en acier inoxydable de bibelots « trash » du passé,
marquis et bergères, nains, lapins, aspirateurs ou autres appareils ménagers,
inclus dans du Plexiglas. Il réalisa ainsi en 1986 un Louis XIV en acier qui
était la reproduction fidèle d'un buste original du monarque, histoire peut-être de poser un jalon en
vue de sa future exposition à Versailles, puis en 1988, il produisit une œuvre en
bois polychrome de deux mètres de hauteur intitulée « l'Ours et le
policeman » avant de présenter en
1991 à la galerie Sonnabend des peintures photographiques de 2 x 3 mètres
traitées par ordinateur ainsi qu'une grande sculpture en bois peint le
représentant avec la Cicciolina dans une posture très intime sinon salace.
Koons sut ainsi attirer un large public avec ses réalisations « kitsch »
plutôt provocantes, l'intention avouée de l'artiste ayant été de niveler les
critères du goût sans pour autant parvenir à délivrer un discours vraiment
clair, ce qui fait que personne n'a vraiment été capable de déterminer ses
véritables motivations.
Dans une interview accordée au journal "Libération" Jeff Koons a cherché à expliquer sa démarche en refusant de voir son
œuvre être traitée de « Kitsch » mais qu'elle servait à mettre
les gens en rapport avec une "histoire culturelle commune" tout en signalant
qu'il aimait la philosophie du baroque, représentant au passage le pouvoir et
le sexe.
Koons a ainsi souligné avoir voulu traduire une
iconographie collective, à l'échelle de la conscience des masses basée sur des
archétypes mais son propos a paru être une tentative de se dédouaner de son image d'artiste
promu selon des méthodes de marketing pour le moins outrancières qui ont fait
de lui une star du marché de l'art contemporain, aujourd'hui secoué par la
crise qui a ébranlé les fondements du capitalisme, ce qui risque à moyen terme de provoquer une baisse sensible de sa cote.
Conscient peut-être de ce fait, l'ancien représentant de commerce et
ex-époux de la Cicciolina, la sulfureuse strip-teaseuse qui a été un temps une
star du cinéma porno italien, Koons s'est échiné à démontrer que son art était
relié au passé, auquel il a fait référence avec force dans cette interview, histoire de
démontrer qu'il n'avait rien d'un imposteur.
Inutile de dire que le discours de Koons, tel que lu
dans « Libération », aura eu quelque mal à passer et qu'il
éprouvera sans cesse du mal à prétendre être un artiste véritable. Concepteur génial, certes, mais son rôle d'artiste reste à démontrer car travailler avec
l'aide de multiples assistants servant à concrétiser une idée couchée sur le papier est plutôt sujet
à caution si l'artiste en question ne crée rien de personnel de son côté, ce
qui fut par contre le cas de nombreux grands maîtres comme Rubens ou David Téniers qui,
eux, mettaient la main à la pâte en créant de grandes compositions avec le
concours d'élèves ou d'adjoints talentueux.
On se moque qu'il veuille que ses œuvres soient parfaites à
partir du moment où celles-ci sont simplement conçues comme des idées réalisées
par des artisans se servant de technologies modernes pour ce faire. Dans ce cas
précis, Koons n'est, comme le Français Starck, qu'un designer doté d'un rare sens du commerce et nullement un
artiste dans le sens complet du terme. Ce qu'il a inventé, en donnant à
d'autres le soin de la mise en œuvre, est peut-être amusant mais il serait
abusif de comparer Koons à Rembrandt ou à Picasso quand bien même il est
parvenu à faire vendre ses créations à des prix mirobolants et ce, dans un
contexte économique et financier qui lui a été hautement favorable. Or, nombre
d'acheteurs dans le domaine de l'art contemporain ont été frappés par la crise
financière et boursière qui a rendu la planète folle et par ricochet mis subitement à mal les cotes de plusieurs artistes actuels. Qu'en
sera-t-il de la cote de Koons après l'année 2009 ? Si la crise persiste
durant au moins deux ans, comme il y a lieu de le croire, elle sera condamnée à
retomber d'autant plus que le marché de l'art contemporain a subi d'ores et
déjà un net recul.
Il est de fait que dans cette interview, Koons s'est
senti obligé de chercher à rattacher son œuvre au passé pour tenter de
justifier son rôle en tant qu'artiste en insistant particulièrement sur l'honnêteté de sa
démarche. L'histoire dira dans une décennie si celui-ci aura joué un rôle
majeur dans le développement de l'art ou si au contraire sa célébrité aura été
éphémère.
Il a fallu plus de deux décennies à un Picasso pour
se forger une réputation internationale solide mais quinze ans paraissent encore trop court pour juger de celle de Koons lequel ,comme Warhol, aura néanmoins modifié la donne pour révolutionner l'art contemporain à travers des oeuvres
créées industriellement. Il est néanmoins patent que Warhol a été le premier à mettre
en place un système de production très juteux en se servant des circuits
branchés de New York pour imprimer sa façon de faire mais au plan artistique,
on en est toujours à se demander si ses interprétations des icônes de son
époque peuvent être mises sur le même plan que les œuvres de maîtres qui
passaient des journées entières dans leurs ateliers pour créer des œuvres
devenues plus tard légendaires.
Il y a eu pour Warhol et pour Koons, un
profond effet de mode qui a joué en leur faveur grâce à des réseaux très actifs
dans le milieu de l'art contemporain qui ont développé des méthodes de
marketing très agressives pour les propulser sur le devant de la scène en
comprenant que miser sur leurs noms avait de quoi être juteux financièrement vu le nombre
impressionnant d'œuvres à mettre sur le marché. Occulter le fait que ces
concepteurs étaient tout juste des superviseurs de leurs œuvres importait peu
pour ces réseaux qui ont ainsi quelque peu perverti la perception de l'art
contemporain où le talent personnel d'un artiste a fini par être relégué au second plan.
Il est peut-être bon de souligner que l'art
contemporain, tel qu'il s'est affirmé aujourd'hui, s'est effectivement nourri de nouveaux concepts basés sur des productions
industrielles mais en même temps, il conviendrait enfin de ranger Warhol et Koons dans la catégorie des grands
designers des XXe et XXIe siècles, ce qui aurait déjà pour mérite de remettre
les choses à plat et de faire un distinguo de taille entre les artistes, les
vrais, et les inventeurs d'idées concrétisées par des groupes d'artisans sous leurs ordres.
Il paraît ainsi impensable de mettre un artiste comme
Lucian Freud sur le même plan que Jeff Koons car le marché de l'art
contemporain demeurera toujours aussi brouillé tant que les intervenants du
marché de l'art n'auront pas fait pas cette différence surtout que l'ex-représentant de commerce est avant tout devenu une star du marché par la grâce de quelques amateurs
fortunés qui ont spéculé avec avidité sur son œuvre. Beaucoup diront que son
exposition à Versailles a visé en grande partie à maintenir sa cote. C'était sans compter sur la
crise qui a bouleversé la situation au risque de la mettre en péril mais force
est de reconnaître que l'énorme entreprise de publicité faite autour de lui a
quand même eu sur le marché des répercussions incroyables dont la portée risque d'être néfaste pour celui-ci. Il est donc vraisemblable que ceux qui ont misé sur Koons feront
tout leur possible pour le défendre et empêcher un glissement sensible de cette cote
quitte à mener une longue offensive qui pourrait durer durant une autre
décennie.