La finance internationale a été beaucoup à l'image du Titanic, naviguant à vue depuis des années avant d'aller déchirer sa coque fragile contre le redoutable iceberg des sub-primes faisant partie de la gigantesque banquise formée par une accumulation d'initiatives hasardeuses prises par des responsables d'institutions bancaires américaines et même étrangères qui s'étaient pris abusivement pour des dieux.
La collision avec cet iceberg a mis fin à l'existence de plusieurs banques privées américaines, notamment Lehman Brothers, et forcé le gouvernement des Etats-Unis à tenter de colmater les brèches qui menaçaient de couler un système gravement endommagé en faisant gonfler une bouée de secours de 700 milliards de dollars.
Le système financier américain sera peut-être remis à flot mais l'économie mondiale est à coup sûr promise d'avancer au ralenti suite à un désastre aussi grave que la crise de 1929 et ce, au vu de nouvelles sans cesse alarmantes.
Aux Etats-Unis, la chute de l'immobilier s'est ainsi accélérée, les ventes de logements neufs reculant de 11,5% au mois d'août alors que les prix ont baissé de 15% en un an. La crise du crédit, la perte du pouvoir d'achat des ménages et la hausse du chômage qui a dépassé les 6% en août ont donc aggravé la situation dans le domaine de l'immobilier, les ménages, très endettés se retrouvant avec des budgets serrés les empêchant de financer leur train de vie par un endettement axé sur la valeur de leur patrimoine immobilier qui s'est effondré.
En outre, les entreprises américaines ont commencé à enregistrer des baisses de leurs chiffres d'affaires alors que les commandes de biens durables ont baissé de 4,5% rien qu'en août. Cette situation a eu des répercussions à l'étranger, la balance commerciale du Japon tombant notamment dans le rouge à cause de la chute des exportations outre-Atlantique alors que la croissance dans des pays comme la Grande-Bretagne, l'Irlande, l'Espagne ou l'Italie sera proche de zéro en 2008, la France parvenant difficilement à tabler sur une hausse d'un pour cent.
Le pire est que la crise financière internationale a eu pour effet de mettre à mal le moral des ménages un peu partout dans le monde et d'amplifier la pauvreté dans de nombreux pays, les analystes ne prévoyant une reprise économique qu'en 2012 à condition de ne pas faire face à un nouveau désastre sur les places financières, ce qui n'est pas gagné d'avance.
Chaque mauvaise nouvelle provoquant d'inquiétantes secousses sur les places boursières, il va sans dire que le climat n'incite guère à l'optimisme lorsqu'il s'agit du marché de l'art lequel est longtemps resté à l'abri des tempêtes jusqu'à la mi-septembre 2008 mais la reprise des ventes aux enchères a trahi des signes de faiblesse à travers un ratio inquiétant de lots invendus.
Certes, le premier réflexe des investisseurs a été de chercher à placer une partie de leur argent gagné en bourse sur le marché de l'art en achetant des valeurs réputées sûres mais l'aggravation de la crise financière a leurs avoirs à mal et suscité leurs inquiétudes pour l'avenir, de sorte qu'ils se sont montrés plus prudents vis-à-vis de ce marché déjà confronté à une désaffection grandissante concernant les achats de pièces de qualité dite moyenne. Les récentes ventes organisées à New et à Paris après le 18 septembre ont ainsi été décevantes en terme de pourcentage de lots vendus.
Le recul craint par les acteurs du marché de l'art a commencé à être visible au point de risquer de provoquer une chute d'au moins 10% des chiffres d'affaires des maisons de vente dans le monde. Ce recul sera néanmoins vraisemblablement freiné par la vente de la collection d'art d'Yves Saint-Laurent et de Pierre Bergé organisée entre les 23 et 25 février 2009 à Paris qui d'ores et déjà a mis l'eau à la bouche des collectionneurs lesquels lutteront d'arrache-pied pour emporter des pièces exceptionnelles. Cette vacation extraordinaire montée par Christie's en partenariat avec le groupe de vente Pierre Bergé devrait générer un produit de vente total de 500 millions d'euros, soit près d'un quart du chiffre annuel de Drouot S.A, ce qui permettra certainement au marché de rebondir tout en espérant que le soufflé ne retombera pas car rien ne dit que la cadence pourra être maintenue après un tel coup d'accélérateur. A moins de trouver quelques grandes collections à disperser, ce qui ne sera pas une mince affaire.
Adrian Darmon