En ce mois de mars 2016, la Royal Academy de Londres présente
une exposition autour de Giorgio da Castelfranco, plus connu sous le nom de
Giorgione, un artiste mort prématurément de la peste en 1510 à Venise et dont
le mystère reste entier puisqu'on n'a recensé
qu'une poignée d'oeuvres de sa main.
Personne n'a pu déterminer quand Giorgione était né et quand il
avait quitté son village natal de Castelfranco pour aller à Venise où il se
serait fait également remarquer en tant que musicien et poète. Tout ce qu'on
sait est qu'il avait un peu plus de 30 ans au moment de sa mort alors que
certains historiens ont été jusqu'à mettre en doute sa brève existence.
Néanmoins, Giorgione exerça une profonde influence sur l'art
italien de la Renaissance et notamment le Titien en peignant des personnages
énigmatiques dans des paysages bucoliques nimbés de lumière.
Son oeuvre la plus fameuse est "La Tempête" montrant
une femme à demi dénudée entourée par des fragments architecturaux et observée par un soldat alors qu'elle est en
train d'allaiter un bébé dans un paysage traversé par des éclairs. Une oeuvre
étrange dont personne n'a su saisir la signification, peut-être une allégorie
ou tout simplement une scène baignant dans le mystère traitée comme un exercice
magistral.
Les spécialistes ont été d'accord pour dire que "La
Tempête" et au moins trois autres oeuvres étaient bien de la main de
Giorgione dont les toiles et les fresques peintes à Venise ont aujourd'hui
disparu alors que d'autres qui lui avaient été attribuées étaient en fait
celles de ses suiveurs, notamment Lorenzo Lotto, Sebastiano del Piombo ou Le
Titien.
La Royal Academy a réussi un tour de force en réunissant une
douzaine de toiles données à cet artiste et d'autres du Titien et des peintres
ayant travaillé dans sa mouvance pour réaliser une magnifique scénographie
s'ouvrant avec le portrait par Bellini d'un gentilhomme blond avec un béret
noir peint devant un paysage vallonné et montagneux, une peinture très
intimiste faisant pendant à un autre portrait donné à Giorgione d'un gentilhomme
élégant et racé dont le regard plutôt interrogateur poursuit le spectateur,
Une autre oeuvre titrée "L'Archer" interpelle
également le visiteur comme s'il s'apprêtait à parler tandis que sa main gantée
est posée sur la cuirasse recouvrant sa poitrine semble affirmer son moi empli
d'orgueil. Mais il y a aussi les autres, ces scènes vivantes et poétiques composées en moins
d'une décennie qui préfigurent le Romantisme du 19e siècle.
Reste à savoir combien d'oeuvres présentées à Londres sont de
Giorgione ou jeune Titien, une tâche impossible à résoudre pour les
spécialistes alors que des centaines de toiles furent généreusement attribuées
au premier nommé durant le 19e siècle. Néanmoins, son influence sur le second,
dont le corpus est vraiment dense, fut manifeste pour croire qu'il vécut à travers lui
après sa disparition.