La Seconde Guerre mondiale fut pour la ville
de Bialystok comme un ouragan qui détruisit tout sur son passage après que
plusieurs générations d'habitants de la ville furent exterminées par la
barbarie nazie.
Parmi ceux-ci figuraient plusieurs peintres
juifs aujourd'hui oubliés, notamment Esther Amalia Bernzweig Schmorak, une
artiste dont sa sœur aînée Ilan Maschler-Schmorak(1911-2003) a évoqué le souvenir dans un livre intitulé
"Heure de Moscou".
Il existe aussi une photographie prise par
cette dernière en 1932 montrant sa jeune sœur semblant la regarder fixement en ayant l'apparence d'unejeune
fille aux longs cheveux tressés et au teint clair, quelque peu pensive avec des
yeux noirs sous des sourcils bien dessinés au point de ressembler à une
Madone peinte par un maître italien de la Renaissance.
Alors âgée de 18 ans, Esther Amalia venait
d'entrer à l'Académie de Cracovie où le nombre d'étudiants juifs était plutôt
restreint. Décrite par sœur comme une fille calme et posée, elle était intéressée par la
peinture avec pour seul souci de se faire plaisir
quoiqu'elle eût suffisamment de talent pour impressionner ses professeurs et
ses condisciples.
Diplômée en 1937, elle alla vivre à Bialystock
après avoir épousé Benno Bernzweig, un jeune avocat désargenté, où elle
peignit des portraits de bourgeoises pour assurer les dépenses quotidiennes de
son ménage sans toutefois parvenir à en vendre beaucoup puisqu'elle avait pris la liberté de peindre ces dernières comme elles étaient, ce qui n'était pas de nature à vraiment les satisfaire. Lorsque la guerre éclata,
Bialystock vit arriver un afflux de réfugiés fuyant Varsovie et les zones
occupées par les Allemands mais la ville fut prise comme dans un étau avec
l'arrivée des troupes soviétiques venues à leur tour envahir la Pologne
Empêché d'exercer sa profession d'avocat, Beno
travailla alors comme comptable alors que Mala entreprit de peindre des
portraits de fonctionnaires soviétiques et de bourgeois tout en fréquentant les
excellents peintres qu'étaient les frères jumeauxSeidenbeutel tandis que les autorités russes s'empressèrent de
mettre en place dans la ville une organisation artistique répondant à leurs exigences.
Mala commença néanmoins à avoir un certain
succès à Bialystok, devenue partie intégrante de la Biélorussie, en peignant des portraits de fonctionnaires soviétiques dont certains furent
montrés à Moscou à l'occasion d'une exposition d'artistes biélorusses où elle fut
présente en juin 1940.
Cette exposition eut quelque importance dans
la mesure où elle permit à nombre d'artistes de se faire connaître en URSS en
étant toutefois forcés de traiter des thèmes liés à des sujets d'actualité
faisant l'apologie du socialisme soviétique et du stalinisme.
Parmi ceux-ci figuraient de nombreux artistes
de Bialystok tels Abraham Berman, Tadeusz Bornsztein, Boris Zalkind, Wolf
Priestly, Julius Krajewski, Helena Malarewicz, Rafael Mandelzweig, Oskar
Rozaneckiego (Rozanieckiego), Bernard Rolnickiego, Stanislawa Centnerszwerowej,
Meir Berman et Fans Helman.
Esther Bernzweig de Bialystok présenta pour sa part Les
deux jeunes filles (96 x 72,5 cm) et deux petits tableaux, Le droitdes
loisirs et du paysage et mierzyły.
En Novembre 1940, l'exposition se déplaça à
Minsk mais faute de catalogue, on ignore si les œuvres des artistes de
Bialystok y furent présentées. On sait toutefois que Mala prit aussi part à une
manifestation organisée à Brest au début du printemps de 1941 en présentant
quatre tableaux, dont le portrait d'une jeune fille près d'une nature morte et
un paysage alors que plusieurs de ses œuvres furent montrées à Moscou lors
d'une exposition consacrée aux artistes de Biélorussie.
Belle, Mala était cependant de santé fragile.
Lorsque les Allemands envahirent la ville, ils regroupèrent les juifs dans le
ghetto où elle n'eut aucune chance de s'échapper d'autant plus qu'elle était
gravement malade. Les conditions de vie dans le ghetto étant épouvantables, elle ne
survécut pas longtemps et fut oubliée après sa mort. On a raconté qu'elle avait
continué à peindre dans le ghetto tout comme les frères Seidenbeutel qui
auraient un temps réalisé des copies de tableaux pour le compte des nazis.
Malheureusement, nul n'a su ce qu'il est
advenu de ses nombreuses œuvres, probablement détruites à Bialystok alors que
d'autres dorment peut-être quelque part en Russie.