Réalisé vers 1470 par le célèbre peintre Hans Memling puis démantelé
plus tard, le fameux tryptique de Jan Crabbe a été enfin réuni à l'occasion d'une
exposition organisée jusqu'au 8 janvier 2017 à la Morgan Library & Museum
de New York.
Les panneaux intérieurs de ce retable figurent parmi les plus
belles pièces du musée fondé par John Pierpont Morgan tandis que le panneau
central et les portes extérieures appartiennent respectivement au Musei Civici
de Vicenza et au musée Groeninge de Bruges.
C'est la première fois que cette oeuvre magistrale aura été
rassemblée en étant entourée d'autres oeuvres de Memling et d'artistes de son
temps avec en outre un choix judicieux d'enluminures et de dessins des Pays-Bas
du Sud prêtés par le Metropolitan museum, la Frick Collection et des
collectionneurs privés.
Colin Bailey, le directeur du musée, a déclaré qu'il était très émouvant de voir cette oeuvre extraordinaire dans sa totalité peinte par
l'artiste au début de sa prolifique carrière avec déjà un talent consommé pour
capturer l'humanité et la personnalité propre de ses sujets.
John Pierpont Morgan avait acquis en 1907 les panneaux intérieurs
de ce retable commandé par Jan Creabbe, Abbé du monastère cistercien de Ten
Duinen, près de Bruges. Sur le panneau central, Memling peignit la Crucifixion
avec la Vierge et Marie Madeleine à gauche en montrant Jan Crabbee agenouillé à
droite de la croix près de Saint Jean Baptiste et de Saint Bernard de
Clairvaux, le fondateur de l'ordre cistercien. Les deux versos des portes montrent des membres de la famille du commanditaire, sa mère Anna Willemzoon
avec Sainte Anne à gauche et son jeune demi-frère Willem de Winter avec Saint
Guillaume à sa droite. Les portes extérieures, seulement visibles lorsqu'elles étaient fermés, montrent l'Annonciation avec l'ange Gabriel et la Vierge.
On ignore quand et pourquoi ce retable fut démantelé mais on
sait qu'il fut loin d'être le seul à subir malheureusement un tel sort entre le 17e et le 19e
siècle.
Memling exerça tout son talent en tant que portraitiste pour
peindre avec une rare minutie le portrait d'Anna Willemzoon, considéré comme un
chef d'oeuvre du début de la Renaissance lequel influença nombre de peintres
par la suite. De son côté, la scène de l'Annonciation avec Gabriel et la Vierge
revêtue d'un manteau blanc et placés dans des niches richement ornées sont un
premier exemple exhalant la technique de la demi-grisaille developpée dans la peinture
flamande.
Soixante ans avant Hans Holbein, Memling manifesta dès ses
débuts un talent extraordinaire en tant que portraitiste tout en modifiant son style par la suite sans jamais perdre sa faculté pour dépeindre ses sujets avec
acuité.
Memling ne fut pas le seul grand maître à part de son temps
lorsqu'on est amené à comparer son travail avec une peinture qui s'en rapproche
représentant la Vierge avec Jésus et Sainte Anne réalisée par le Maître de la
Légende de Sainte Ursula mais on reconnaîtra qu'il surpassa ses contemporains
au plan de la technique.
Bruges fut au milieu du XVe siècle un important centre de
production d'enluminures alors que Memling avait mis au point durant son
apprentissage à Cologne la technique de demi-grisaille déjà employée par les
enlumineurs flamands, comme le démontrent plusieurs livres d'heures produits au
début de ce siècle mais il est de fait qu'il influença vers 1470 nombre de ces
derniers.
Il n'existe aucun dessin de Memling qui ait survécu et ceux
de ses contemporains sont plutôt rares mais il est certain qu'il réalisa des
croquis pour préparer ses tableaux et certaines des feuilles présentées dans
cette exposition constituent des indices intéressants pour imaginer la qualité
de ceux-ci.
Par ailleurs, des analyses effectuées sur le retable de Jan
Crabbe ont révélé des aspects fascinants sur l'évolution du travail de Memling
qui le prépara initialement avec des dessins minutieux avant de le peindre en effectuant des
repentirs.