Marcel Gotlib, un des plus grands dessinateurs de BD qui
avait fait notamment équipe avec René Goscinny chez Pilote est mort à l'âge de 82 ans le 4 décembre 2016.
Né le 14 juillet 1934 à Paris au sein d'une famille juive hongroise
dont le père fut arrêté en septembre 1942 et assassiné au camp de Buchenwald le
10 février 1945, Marcel Gottlieb, de son vrai nom, fut caché avec sa soeur chez
des agriculteurs et passa trois ans dans l'orphelinat du Châteaux des Groux à
Verneuil-sur-Seine en 1947 où il rencontra Klara, une jeune fille hongroise,
pour écrire plus tard une autobiographie de jeunesse intitulée J'existe, je me suis rencontré.
En 1951, il travailla à
l'Office Commercial parapharmaceutique (OCP) tout en suivant les cours du soir
de l'Ecole supérieure des arts appliqués
Duperré pour ensuite trouver une place de lettreurchez Opera Mundi-Edi Monde dirigé par Paul
Winkler qu'il quitta au retour d'un service
militaire de 28 mois pour tenter sa chance à son compte en
réalisant de nombreux albums à colorier, contes et livres pour enfants.
Il fit ses débuts dans la bande dessinée en 1962, dans le
journal Vaillant où il dessina
diverses pages comme Gilou, Klop, Puck et Poil, et surtout Nanar,
Jujube et Piette, une série qu'il
poursuivit durant six années et au sein de laquelle apparut le personnage de
Gai-Luron dont la publication
se poursuivit dans Pif Gadget jusqu'en
1971.
Il dessina également dans
Record les conférences du
« Professeur Frédéric Rosbif », dont certaines idées furent reprises
pour le personnage du Professeur Burp dans la Rubrique à Brac et produisit des livres de contes pour enfants,
comme Titou fait le ménage.
Entré au journal Pilote il créa en 1965 la série Les Dingodossiers en devenant
apprécié de René Goscinny qui fut séduit par son humour proche du
magazine de BD satirique américain Mad avant de quitter Pilote et de rejoindre
son ami Nikita Mandryka pour créer en 1972 l'Echo des Savannes en
compagnie de Claire Bretécher.
Adoptant un style plus
travaillé. Gotlib accentua les détails, perfectionna ses coups de plume en
produisant des dessins humoristiques, notamment basés sur le sexe ou l'absurde
puis le 1er avril 1975, il lança son propre journal, Fluide Glacial, avec son
ami d'enfance Jacques Diament tout en étant le co-scénariste du film "Les
Vécés étaient fermés de l'Intérieur" de Patrice Leconte avec Coluche et Jean Rochefort dans les rôles principaux.
Gotlib se prêta aussi au jeu
d'acteur dans "L'An 01" (1973), "Les Doigts dans la Tête"
(1974), "Je Hais les Acteurs" (1986), "Le Nouveau
Jean-Claude" (2002) et "Les Clefs de la Bagnole" (2003) alors
que certaines de ses bandes dessinées marquèrent le 9e art, notamment
Gai-Luron, Superdupont, Rhââ Lovely", "Pervers Pépère" ou
"Dans la Joie jusqu'au Cou".
À partir des années 1980 , Gotlib se consacra presque
exclusivement à la rédaction de l'éditorialde Fluide Glacial, dessinant de plus
en plus rarement avant de publier en 1986 son dernier album de bande dessinée, La bataille navale ou Gai-Luron en
slip. Il continua toutefois à produire des illustrations, notamment pour la
réédition de ses albums précédents ou pour des publicités et obtint en 1991, le
Grand Prix du Festival d'Angoulême.
En 1995, après le départ à la
retraite de Diament, il céda à Flammarion sa maison d'édition Audie qui
exploitait Fluide Glacial en conservant la possibilité de rédiger des éditoriaux
et pour son 80e anniversaire, le Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme lui
consacra une exposition qui lui fit reconnaître qu'il était un juif athée mais qu'il
était obligé de tenir compte de son appartenance à la
judéité en raison des vicissitudes vécues par sa famille pendant la guerre.
Dans son œuvre, où il aborda
majoritairement des sujets comiques, Gotlib se référa rarement à sa judéité et
aux drames subis autour de lui pendant la Seconde Guerre Mondiale, à part dans La Coulpe et Chanson
aigre-douce en 1969 lorsqu'il se rappela de l'année 1942 où il
vivait à la campagne lorsque des enfants lui chantaient une chanson dont il ne
comprenait pas les paroles, pas plus que celles de "L'Orage" avant de saisir leur sens bien plus tard.
Il déclara dans Télérama: « Pendant
l'Occupation, ma mère nous avait mis en pension chez des fermiers, un peu Thénardier sur
les bords. Ces gens-là gardaient plein de mômes. Au début j'allais à l'école, mais
ils m'en ont retiré pour m'envoyer garder la chèvre. Je passais mes journées
avec elle. Juste au-dessus de nos têtes, il y avait des batailles aériennes.
Les avions se mitraillaient et moi, j'étais là, les mains dans les poches. Un
jour, en rentrant la chèvre, j'ai vu une voiture garée devant la ferme, une
traction avant peinte aux couleurs de l'armée allemande, et des soldats chez
mes logeurs. Je suis resté prudemment en arrière... »
Gotlib qui se sentait plus
français que juif n'avait jamais été en Israël ou en Hongrie avait dit: « Moi, la religion, que ce soit celle des juifs ou des
musulmans, je trouve ça con."
Influencé
par les dessins de Tarzan de Burne Hogarth, Gotlib dessina des héros carrés aux
proportions très délimitées dans des postures humoristiques mais réalistes , qui
recouverts d'une longue cape, qui habillés d'une prestigieuse couronne de
laurier, qui assis sur un trône majestueux, qui entourés d'étoiles ou
d'allégories en exagérant les mouvements jusqu'à faire dépasser ses personnages
des cases alors que d'un point de vue
narratif, son style était caractérisé par une multitude de courts exposés, ne durant
pour la plupart que deux pages, comme dans ses œuvres majeures,Les
Dingodossiers, la Rubrique-à-brac ou les Trucs-en-vrac
Restant un maître de l'humour
noir, Gotlib aborda tous les thèmes qui lui étaient chers, parfois de manière
satirique envers lui-même, jetant le discrédit sur son propre humour qu'il
désigna avec ironie « fin et sophistiqué » ou « glacé et sophistiqué » en truffant ses pages de références tant
cinématographiques que littéraires ou picturales.