Récemment redécouvertes, des oeuvres de maîtres, notamment des Frères Le Nain, Le Titien, Van Dyck, Murillo et Watteau, seront proposées à la vente chez Christie's le 27 avril 2017 à New York.
Il s'agit du portrait de Gabriele Giolito de Ferrari, attribué en 1967 au Tiziano Vecellio, dit le Titien (vers 1485-90- 1576) mais oublié depuis avant de réapparaître en étant décrit comme l'oeuvre d'un suiveur de l'artiste vénitien lors d'une modeste vente aux enchères à Genève en 2013.
Estimé entre 600 000 et 800 000, ce portrait vu de 3/4 a été formellement authentifié comme étant de la main du Titien suite à des analyses poussées aux rayons X. Sachant que l'artiste avait été souvent imité de son temps et après sa mort sans compter qu'il avait eu de nombreux assistants pour réaliser ses commandes, les chercheurs ont démontré que la toile, assez grossière et irrégulière dans le croisement des fils, était du type de celles utilisées par Le Titien tandis qu'ils ont détecté la présence d'un halo autour de la tête du sujet, une technique à laquelle celui-ci s'adonnait souvent. En outre, l'attribution a pu être confortée par la présence d'une inscription identifiant de Ferrari qui était un imprimeur que le Titien, lui-même graveur, fréquentait parmi les intellectuels de Venise.
Le deuxième tableau est une Immaculée Conception peinte vers 1660 par Bartolomé Esteban Murillo (1618-1682), un sujet que l'artiste se plut souvent a répéter à l'envi durant sa carrière. Réalisée sur une plaque de cuivre de 53,7 x 39,4 cm ayant servi à l'artiste pour graver son oeuvre le Triomphe des religions, elle a été estimée entre 250 000 et 350 000 dollars.
Au moment où Murillo peignit cette oeuvre, un débat faisait rage à propos de la conception de la Vierge au sein de l'Eglise, divisée alors entre les partisans d'une naissance sanctifiée qui n'avait pas de péché originel comme origine et ceux qui y croyaient en arguant d'une purification dans son sein maternel. En 1661, le Pape Alexander VII déclara officiellement que la Vierge était immunisée contre le péché originel pour finalement clore ce débat, une décision qui réjouit l'Espagne pour alors inciter Murillo à produire en faveur d'un commanditaire une de ses Immaculées Conception, enfin reconnue comme authentique.
Le troisième tableau authentifié est une petite huile sur panneau de Jean-Antoine Watteau (1684-1721) titré "Pour garder l'honneur d'une belle", une oeuvre de jeunesse de l'artiste considérée comme perdue depuis le milieu du 18e siècle qu'on connaissait à travers une gravure de Charles-Nicolas Cochin qui figurait dans le Recueil Jullienne publié entre 1732 et 1735 réunissant celles reproduisant des oeuvres de l'artiste.
Alan Wintermutes, le spécialiste de Watteau, a expliqué que toutes ses peintures avaient été heureusement reproduites en gravure peu après sa mort pour savoir quelles étaient celles qui avaient disparu. Considérée au départ comme une copie et de plus sale et couverte de repeints, cette oeuvre mesurant 19x 26,5 cm a révélé toute sa délicatesse pour être estimée entre 300 000 et 500 000 dollars.
La quatrième redécouverte concerne un tableau des Frères Le Nain, Antoine, Louis et Matthieu (vers 1600-1677) qui vivaient ensemble à Paris où ils partageaient un atelier au début du 17e siècle. Spécialistes d'oeuvres d'autels et des tableaux religieux, ceux-ci produisirent également des portraits et des scènes paysannes et connurent un grand succès auprès du roi et des autorités de l'Eglise en figurant parmi les fondateurs de l'Académie Royale deux mois avant leurs décès survenus simultanément.
Mesurant 50,5 x 61 cm, ce tableau montrant dans un intérieur quatre personnages autour d'une table, un jeune garçon, une petite fille, une jeune femme et une autre plus âgée qui a été estimé entre 800 000 et 1 200 000 dollars fait partie des oeuvres les plus prisées des Le Nain.
Connu à travers de nombreuses copies, on en connaissait depuis 1978 une première version figurant à la National Gallery de Londres qui, suite à une analyse aux rayons X, avait été attribuée avec certitude à l'un de ces artistes.
L'oeuvre appelée à être vendue à New York est une deuxième version de cette scène qui a pu être authentifiée après un nettoyage méticuleux en étant attribuée à une main autre que celle qui avait réalisé le tableau de Londres. Elle comporte des éléments qui ne figurent pas dans les autres versions connues pour faire penser qu'elle soit de la main de Matthieu lequel était habitué à réinterpréter les oeuvres de ses frères.
Estimée entre 150 000 et 250 000 dollars, la cinquième concerne une oeuvre d'Anthony Van Dyck (1599-1641) réalisée vers 1623 qui représente une étude de Marie-Madeleine mesurant 54,6 x 35,3 cm lorsque l'artiste flamand se trouvait en Italie après son arrivée à Gênes en 1621 pour étudier les maîtres italiens en visitant Venise, Rome, Parme et Palerme.
Durant son long séjour, Van Dyck avait peint plusieurs études d'après des compositions de Raphaël, Véronèse ou du Titien qu'il incorporait ensuite dans ses oeuvres. En peignant cette étude vraisemblablement à Parme, l'artiste avait probablement admiré la peinture d'autel du Corrège représentant la Madone de Saint Jérôme en imitant l'attitude de sa Marie-Madeleine avec des couleurs plus chaudes et plus saturées et un coup de pinceau plus spontané.
Cette étude avait été reconnue comme authentique en 1935 par l'historien d'art autrichien Gustav Glück qui avait reconnu dans celle-ci la fluidité de Van Dyck et le rendu des mains si caractéristiques dans son oeuvre avant de publier sa photo trois ans plus tard dans le Burlington Magazine mais elle avait ensuite été oubliée durant plus de 60 ans jusqu'au moment où les spécialistes se sont décidés à publier un catalogue raisonné complet sur l'artiste en revisitant son oeuvre complètement mais ce n'est qu'à la fin de 2016 qu'elle a pu être retrouvée chez la famille qui la détenait depuis les années 1930.