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PROCES WILDENSTEIN :BATAILLE POUR UN PACTOLE D'AU MOINS 500 MILLIONS D'EUROS (troisième volet)… Par Adrian Darmon
01 Avril 2010
Catégorie : FOCUS
Cet article se compose de 3 pages.
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Etablir une liste exhaustive des trusts constitués par Georges et Daniel Wildenstein serait ici pour le moins fastidieux mais il ressort à la lecture des documents soumis aux tribunaux par M° Dumont Beghi que le système mis en place était bien huilé, sinon judicieux, pour éviter de mauvaises surprises à Guy et Alec au point que ceux-ci se seraient crus en position  d'écarter leur belle-mère de cette succession en ne lui laissant que des miettes.


Les juges ont ainsi dû plonger dans les méandres des différents trusts mis à jour par l'avocate en se sentant pour le moins perdus quant à savoir quoi décider d'autant plus qu'aucun d'entre eux n'était familier avec ce genre de système opaque apparemment créé en la circonstance pour être hors d'atteinte des lois françaises. Les adversaires de sa cliente ont su ainsi laisser les juges patauger dans le doute d'autant plus que les mandataires gérant ces trusts basés à l'étranger n'ont pas manqué d'invoquer les lois auxquelles ils étaient soumis pour rejeter toute ingérence de la justice française dans leurs affaires. Selon M° Dumont Beghi, ces trusts ont aussi concerné des propriétés comme celle du Kenya, non déclarée dans la succession et d'autres biens considérés dans le même cas mais quand bien même Sylvia Wildenstein a pu être réintégrée partiellement dans ses droits, celle-ci est encore restée là mille lieues d'obtenir satisfaction concernant ses demandes, jugées déraisonnables par ses adversaires.


Quoiqu'il en soit, Guy Wildenstein a semble-t-il pris le parti de faire traîner le plus longtemps possible la bataille judiciaire engagée contre lui en misant sur la complexité de l'affaire et sur le temps car elle pourrait durer plus d'une dizaine d'années, ce qui laisse craindre que  durant son vivant, sa belle-mère aura peu de chance de sortir gagnante de ce très long duel pour avoir, via la quotité disponible qui lui reviendrait de droit, la faculté de démembrer en partie le patrimoine de la famille de son beau-fils.


Basant sa stratégie judiciaire sur ces fameux trusts impliquant dès lors une fraude puisqu'ils avaient été constitués au nom d'une personne résidant en France, Sylvia Wildenstein a quand même compris qu'il lui faudrait trouver des arguments plus que convaincants pour amener la justice à se prononcer en sa faveur face à des adversaires épaulés par des conseils redoutables qui n'ont déjà pas hésité à soutenir que Daniel Wildenstein n'avait plus aucune rémunération ni activité depuis 1978, ce qui encore a eu de quoi surprendre ceux avec qui avaient traité des affaires avec lui. Ainsi donc, Daniel Wildenstein n'aurait durant les 23 dernières années de sa vie passé son temps qu'à voyager, à prendre le thé avec des amis certains après-midi rue de la Boétie ou à assister à la victoire de ses poulains sur les champs de course sans plus se préoccuper des activités des galeries portant son nom, à croire que les nombreux amateurs venus lui vendre des tableaux n'auraient eu affaire qu'à un homonyme. Apparemment pas dupe, M° Dumont Beghi a tendu à démontrer que Daniel Wildenstein avait été  en fait plus qu'actif en contrôlant étroitement son empire via les trusts constitués par son père et lui-même sans aller jusqu'à songer défavoriser son épouse s'il venait à disparaître bien que la logique voulait qu'il préservât ses collections pour les transmettre intégralement à ses héritiers directs.


Fondant également ses revendications sur le fait qu'elle était mariée sous le régime de la communauté, Sylvia Wildenstein n'a cependant pas hésité à tenter de récupérer un nombre appréciable d'œuvres d'art, ce qui, on le devine aisément, a provoqué en retour une virulente contre-attaque de ses adversaires pour protéger le patrimoine familial revenu à Daniel et Miriam Wildenstein au décès de Georges, leur père. M° Dumont Beghi s'est alors attachée du mieux qu'elle a pu à calculer la fortune de Daniel Wildenstein, évidemment plus conséquente que les quelque 42 millions d'euros indiqués dans sa succession, en rapportant plus de 430 millions de gains provenant des courses hippiques auxquelles ses 600 purs-sangs avaient participé et en dressant une liste plutôt exhaustive d'œuvres lui ayant appartenu sans compter diverses propriétés dont ses galeries et l'Institut Wildenstein avec ses 400 000 livres et répertoires plus les revenus provenant de divers placements pour parvenir à un total a minima de plus de 465 millions d'euros représentant l'actif de la communauté sans omettre la part qui lui revenait sur nombre d'œuvres.  Cette somme peut sembler faramineuse mais en regard de la fortune réelle de la dynastie Wildenstein,  elle n'en représenterait que le 20e ou au mieux le 10e d'autant plus qu'il n'a pas été possible de connaître le nombre exact de tableaux se trouvant dans les chambres fortes de la galerie Wildenstein de New York qui compteraient entre autres selon M° Dumont Beghi 400 primitifs, huit Rembrandt, autant de Rubens, deux Botticelli, trois Vélasquez, huit Gréco, 5 Tintoret, 4 Titien, 12 Poussin, 7 Watteau, 80 Fragonard sans compter une centaine d'œuvres impressionnistes et les 180 tableaux de Bonnard déjà cités et dont Daniel Wildenstein avait fait mention dans son livre « Marchands d'Art » où il avait indiqué que l'affaire Bonnard avait été le plus gros coup de sa vie après qu'il eût permis aux sœurs Bowers d'obtenir gain de cause lors d'un procès concernant la succession du peintre.


Il ressort, d'après les arguments avancés par son avocate, que Sylvia Wildenstein aurait dû recevoir des fonds capitalisés de certains trusts et qu'elle possédait un droit sur les œuvres de Bonnard comptant pour une valeur de 380 millions d'euros, somme à laquelle il fallait ajouter près de 100 millions pour « Le Joueur de Luth » du Caravage se devant lui aussi d'être rapporté à la succession avant de rappeler qu'il convenait de ne pas oublier le stock de la société Wildenstein & Co Ltd de Londres évalué à près de 190 millions d'euros dont plusieurs Monet évalués à plus de 128 millions d'euros.


L'usufruit réclamé par Sylvia Wildenstein paraît donc très conséquent si on en juge par le nombre d'œuvres qui devraient être réintégrés à la succession de Daniel Wildenstein nonobstant le fait que leur valeur est restée difficile à établir alors que les œuvres prestigieuses, devenues rares sur le marché, atteignent des prix extrêmement soutenus. N'ayant obtenu sur le papier que 15,5 millions d'euros sur la succession déclarée de son mari suite à une décision de justice rendue le 14 avril 2005, Sylvia Wildenstein, peu satisfaite de cette avance qui d'ailleurs ne lui a pas été versée par son beau-fils, a donc réclamé à titre provisionnel une somme forfaitaire et globale de 500 millions d'euros qu'elle estime lui être due au titre de la liquidation communautaire et successorale alors qu'au vu des estimations produites, elle aurait pu demander jusqu'à 900 millions d'euros mais vu la résistance qui lui a été opposée jusqu'ici, elle reste encore loin de faire plier son beau-fils et les héritiers de son frère Alec, sûrs jusqu'au bout des ongles de leur bon droit.


En attendant, le combat plutôt homérique qu'elle a mené depuis sept ans n'est pas près de trouver une conclusion définitive sauf que cette interminable série de procès n'aura pas manqué d'être dérangeante pour la dynastie Wildenstein dont les montages savants imaginés pour préserver son fabuleux patrimoine auront été exposés crûment devant une justice apparemment dépassée par la complexité du volumineux dossier qui lui a été soumis mais une chose est sûre, ni Sylvia Wildenstein, convaincue d'avoir été lésée, ni son beau-fils, déterminé à défendre ses intérêts, n'auront trouvé dans les prétoires matière à connaître la tranquillité à laquelle ils auraient pu aspirer s'ils avaient pu conclure un arrangement amiable au lendemain de la mort de DW. Dont acte…


Adrian Darmon

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