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Prendre quelqu'un en traître, c'est trahir son propre honneur (AD)
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UNE PASIONARIA EN GUERRE CONTRE LES STROUMPFS DU MARCHE DE L'ART Par Adrian Darmon
03 Février 2011 Catégorie : FOCUS
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Cet article se compose de 2 pages.
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Les galeristes courbent le dos face à la crise tandis que les grandes maisons de vente ont de plus en plus vampirisé le marché de l'art en ce début de 2011 toujours aussi triste pour nombre de professionnels. Ce constat étant constant, il n'y aurait à priori rien de significatif à ajouter aux divers articles déjà publiés durant ces derniers mois mais en attendant, rien ne nous empêche de passer du coq à l'âne pour évoquer une drôle de croisade menée par une femme décidée à dénoncer ceux qu'elle surnomme les « Stroumpfs émergents » qui chercheraient plus ou moins à contrôler le marché de l'art. Après s'être gaussée de certaines installations ubuesques exposées dans des musées, Nicole Esterolle a cette fois pris pour cible une entreprise dijonnaise produisant des papiers peints d'artistes dont Olivier Mosset, ce qui lui a valu de recevoir en retour un e-mail ordurier que la décence m'impose de ne pas publier. Il est vrai que Nicole Esterolle n'enrobe pas ses écrits dans du papier de soie en dénonçant avec une verve vénéneuse les décideurs du marché. Exemple de sa prose : « Comme le savent bien les marchands la foule va toujours au plus facile : le tape à l'œil des créatures infantiles de Murakami, de la pornographie Saint-Sulpicienne d'Araki ou des mickey-mouseries de Jeff Koons, l'impressionneront toujours plus que la Joconde ou Fautrier. Surtout s'ils s'accompagnent de discours ésotériques d'experts médiatisés ... » Et d'ajouter : « …à la fin de ce siècle cohabitent sous l'épithète « contemporain » deux, sinon trois formules d'art aussi dissemblables dans leurs conception que dans leurs effets. Dans la première les artistes reviennent à ce qu'ils étaient depuis toujours : des constructeurs de mondes imaginaires,consolateurs d'eux-mêmes et des autres, nous fécondant de leur propre folie par le truchement de leurs formes. Dans la deuxième, celle des formules «minimalistes », la relation de l'artiste avec le spectateur se réduit à une expérience mécanique troublante pour la perception de ce dernier, dans le but, semble-t-il, de le convaincre de son impossibilité à saisir le réel, sans qu'on discerne très bien le bénéfice que ce constat d'impuissance puisse apporter à l'un et à l'autre. Quant à la troisième formule, qui constitue l'aboutissement logique de la réification et de la mécanisation de l'art en cours depuis les années soixante, il est une tentative d'ériger en mythe des objets industriels d'inspiration purement matérialiste pour leur conférer un statut « d'œuvre d'art », tout en restant accessible à des sensibilités ne fonctionnant que sur le mode primaire. Le but étant de susciter une nouvelle classe de collectionneurs peu enclins aux efforts exigés jusqu'ici par l'appréhension d'une œuvre. Ceci étant posé, en quoi Anselm Kiefer et ses murs d'ex-votos géants, ses immeubles-bunkers fracassés où poussent des soleils noirs, ses monumentales bibliothèques de plomb et ses entassements de débris inorganiques est-il moins « moderne » que Jeff Koons et son univers pour petits bourgeois immatures avec ses poupées kitsch, ses nains de jardin géants et ses dessus de cheminée coquins ? En quoi les personnages quasi pariétaux de Penck ou Baselitz, les récits sarcastiques d'Immendorf ou les figures mythiques de Luppertz ou Basquiat sont-ils moins « modernes » que les mini-peluches d'un Mike Kelleigh, les rectangles de briques d'un Carl André ou les monuments d'acier vaguement dissymétriques de Richard Serra ? En quoi Ernesto Neto qui intègre lui aussi les spectateurs dans son œuvre comme dans des installations mais pour les régénérer par la vitalité et l'harmonie de ses rêves de tulle est-il moins moderne qu'un Buren baladant des spectateurs passifs dans des dédales sans surprise ? Ou faut-il croire, ce qui est probablement le cas, que le seul fait d'être industriel et mécanique, c'est-à-dire vide de toute référence à l'imprévisible matière vivante, assure actuellement à tout objet artistique mort une aura prestigieuse de modernité ? »
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Les galeristes courbent le dos face à la crise tandis que les grandes maisons de vente ont de plus en plus vampirisé le marché de l'art en ce début de 2011 toujours aussi triste pour nombre de professionnels. Ce constat étant constant, il n'y aurait à priori rien de significatif à ajouter aux divers articles déjà publiés durant ces derniers mois mais en attendant, rien ne nous empêche de passer du coq à l'âne pour évoquer une drôle de croisade menée par une femme décidée à dénoncer ceux qu'elle surnomme les « Stroumpfs émergents » qui chercheraient plus ou moins à contrôler le marché de l'art. Après s'être gaussée de certaines installations ubuesques exposées dans des musées, Nicole Esterolle a cette fois pris pour cible une entreprise dijonnaise produisant des papiers peints d'artistes dont Olivier Mosset, ce qui lui a valu de recevoir en retour un e-mail ordurier que la décence m'impose de ne pas publier. Il est vrai que Nicole Esterolle n'enrobe pas ses écrits dans du papier de soie en dénonçant avec une verve vénéneuse les décideurs du marché. Exemple de sa prose : « Comme le savent bien les marchands la foule va toujours au plus facile : le tape à l'œil des créatures infantiles de Murakami, de la pornographie Saint-Sulpicienne d'Araki ou des mickey-mouseries de Jeff Koons, l'impressionneront toujours plus que la Joconde ou Fautrier. Surtout s'ils s'accompagnent de discours ésotériques d'experts médiatisés ... » Et d'ajouter : « …à la fin de ce siècle cohabitent sous l'épithète « contemporain » deux, sinon trois formules d'art aussi dissemblables dans leurs conception que dans leurs effets. Dans la première les artistes reviennent à ce qu'ils étaient depuis toujours : des constructeurs de mondes imaginaires,consolateurs d'eux-mêmes et des autres, nous fécondant de leur propre folie par le truchement de leurs formes. Dans la deuxième, celle des formules «minimalistes », la relation de l'artiste avec le spectateur se réduit à une expérience mécanique troublante pour la perception de ce dernier, dans le but, semble-t-il, de le convaincre de son impossibilité à saisir le réel, sans qu'on discerne très bien le bénéfice que ce constat d'impuissance puisse apporter à l'un et à l'autre. Quant à la troisième formule, qui constitue l'aboutissement logique de la réification et de la mécanisation de l'art en cours depuis les années soixante, il est une tentative d'ériger en mythe des objets industriels d'inspiration purement matérialiste pour leur conférer un statut « d'œuvre d'art », tout en restant accessible à des sensibilités ne fonctionnant que sur le mode primaire. Le but étant de susciter une nouvelle classe de collectionneurs peu enclins aux efforts exigés jusqu'ici par l'appréhension d'une œuvre. Ceci étant posé, en quoi Anselm Kiefer et ses murs d'ex-votos géants, ses immeubles-bunkers fracassés où poussent des soleils noirs, ses monumentales bibliothèques de plomb et ses entassements de débris inorganiques est-il moins « moderne » que Jeff Koons et son univers pour petits bourgeois immatures avec ses poupées kitsch, ses nains de jardin géants et ses dessus de cheminée coquins ? En quoi les personnages quasi pariétaux de Penck ou Baselitz, les récits sarcastiques d'Immendorf ou les figures mythiques de Luppertz ou Basquiat sont-ils moins « modernes » que les mini-peluches d'un Mike Kelleigh, les rectangles de briques d'un Carl André ou les monuments d'acier vaguement dissymétriques de Richard Serra ? En quoi Ernesto Neto qui intègre lui aussi les spectateurs dans son œuvre comme dans des installations mais pour les régénérer par la vitalité et l'harmonie de ses rêves de tulle est-il moins moderne qu'un Buren baladant des spectateurs passifs dans des dédales sans surprise ? Ou faut-il croire, ce qui est probablement le cas, que le seul fait d'être industriel et mécanique, c'est-à-dire vide de toute référence à l'imprévisible matière vivante, assure actuellement à tout objet artistique mort une aura prestigieuse de modernité ? »
Pour Nicole Esterolle, l'art n'est qu'une conséquence : l'expression d'un état de l'homme à un moment donné. Il n'est en aucun cas l'initiateur de la dépression actuelle. « Et il n'y a pas un « projet » suicidaire mais un fonctionnement auto-destructeur de l'homme qui a produit un repliement sur soi lui interdisant de se revitaliser par la communication subjective avec les autres, fonctionnement qui était jusqu'ici à la base de l'art traditionnel. Le nouvel artiste a donc inventé une nouvelle formule d'art dans lequel la communication ne s'effectue plus par les sens mais par les moyens mécaniques du happening ou des installations minimalistes .Ce qui n'a pas les mêmes résultats bénéfiques pour la conscience et le désir de vie ... Quant à « réorienter la mécanique suicidaire » engendrée par le post-moderniste c'est là l'énorme problème de société que vos générations devront résoudre pour survivre, et pour lequel l'art ne peut être d'aucune utilité, sinon de signaler en temps opportun, par un renouveau de dynamisme stylistique, que l'être humain reprend du poil de la bête », a-t-elle souligné en utilisant un phrasé percutant et par là dérangeant. « Peut-on parler d'adhésion des élites, critiques, bourgeoises, snobinardes, à ce projet d'autodestruction ? Y a-t-il une motivation consciente ou intéressée à ce projet, l'idée souvent évoquée dans la littérature de science-fiction ou d'anticipation, selon laquelle une élite autoproclamée survivrait en ayant sacrifié volontairement tout le reste ? », a-t-elle demandé. Selon Nicole Esterolle, n'y a pas de « projet » d'auto-destruction. Il y a un fonctionnement auto-destructeur de l'homme dû aux contraintes de la société industrielle engendrant un manque de communication humaine et un relativisme idéologique lui interdisant de donner un sens à sa souffrance, et une direction pour la combattre. Quand à l'adhésion des « élites bourgeoises, snobinardes » à l'art contemporain, elle s'interprète de deux façons. D'une part elle donne à des cadres technocrates, particulièrement formatés et serviles, du fait de leur carrière, et particulièrement insensibles du fait de leurs études techno-scientifiques, l'illusion gratifiante et sans danger de «transgresser » (le maître-mot de cet univers irréel qu'est l'Art contemporain) les pesantes conventions du monde totalitaire de leurs entreprises en participant à une activité rédemptrice et ésotérique réservée aux happy-fews. « Mais à un plus haut niveau, celui où les très grandes fortunes s'allient aux politiques, il est bien évident qu'en sus des profits dus à la spéculation sur les oeuvres, l'Art Contemporain est un des principaux leurres déployés dans le monde par les puissances d'argent pour convaincre les bourgeoisies occidentalisées de la sophistication intellectuelle et morale du système qui leur est imposé. Un club fermé qui a l'avantage d'offrir de généreuses prébendes à une population d'intellectuels en mal de carrière qui se trouvent politiquement désamorcés du fait même qu'ils participent à la promotion de l'Art », a-t-elle dit sans ambages. N'empêche, cette empêcheuse de tourner en rond balance des vérités dérangeantes au sujet du marché de l'art contemporain régi par une élite qui s'est progressivement substituée aux Jurys des grands Salons de la seconde moitié du XIXe siècle qui privilégiaient alors l'académisme au détriment de la modernité. Maintenant, ceux qui représentent l'élite imposent leurs choix en favorisant les artistes dont ils assurent la promotion et ce, sans se baser sur des critères cohérents aux yeux des véritables connaisseurs. Face à la dictature des Jurys d'antan, les Impressionnistes, les Cubistes, les Futuristes, les tenants du Suprématisme ou les Surréalistes surent finalement s'imposer sur la scène artistique pour marquer profondément l'histoire de l'art mais il en va autrement avec les autocrates actuels du marché qui imposent leurs choix personnels pratiquement sans concessions. Il reste désormais à savoir s'il est possible de faire obstacle aux abus. Avec Nicole Esterolle, on peut au moins être certain que la résistance à l'élite auto-proclamée n'a déjà rien de virtuelle. Adrian Darmon
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