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MURAKAMI,LE BORDEL A VERSAILLES par Adrian Darmon
28 Septembre 2010
Catégorie : FOCUS
Lundi 27 septembre 2010, débat lors de l'émission de télévision « Ce Soir ou Jamais » de Frédéric Taddéi sur France 3 à propos de l'exposition des œuvres de l'artiste japonais Murakami au château de Versailles pour tenter de répondre à la question de savoir où en est l'art contemporain.

Les invités se divisaient en deux camps, d'un côté Jean-Jacques Aillagon, Président de Versailles, et Nicolas Bourriaud, critique d'art et commissaire d'exposition, pour défendre la présence de Murakami au château et de l'autre, l'ancien ministre Laurent Fabius, fils d'antiquaire et auteur du livre « Le Cabinet des Douze, regards sur des tableaux qui font la France » associé à l'écrivain Marc Edouard Nabe, tous deux circonspects vis à vis des artistes contemporains aujourd'hui en vogue.


Ne s'étant vraiment intéressé à l'art que sur le tard malgré sa filiation, Fabius a eu plutôt des jugements à l'emporte pièce qui n'ont guère déstabilisé Aillagon et Bourriaud, moins à l'aise face à Nabe qui ne s'est pas privé de dire que l'ex ministre de la Culture avait organisé cette exposition à Versailles pour faire plaisir à l'entrepreneur François Pinault, grand amateur des œuvres de Murakami.

Comme Jeff Koons, l'artiste japonais s'est entouré d'un nombre appréciable de collaborateur en créant pour sa part des œuvres inspirés des mangas japonais très appréciés de la jeunesse de son pays mais propres à  instiller le doute parmi nombre d'individus attirés par l'art contemporain qui en sont venus à penser que son propos tient plus du marketing que de l'art.


Taddéi a eu au moins le chic de reconnaître que l'art contemporain était une branche à part de l'arbre du marché de l'art qui a permis à celui-ci de trouver un moyen adéquat d'assurer sa floraison, ce qui n'a pas été sans danger quand on constate que la cote de Damien Hirst, au plus haut lors de l'éclatement de la crise économique et financière et aujourd'hui plutôt mal en point.


Comme dans tout autre secteur artistique, il y a du bon et du mauvais dans l'art contemporain qui est devenu un domaine de spéculation après les envolées des prix pour Warhol, Maurizio Cattelan, Koons, Hirst ou Murakami pour ne citer que ceux-là. Etant encore trop jeune, l'art contemporain a donc continué à se chercher avant que ses acteurs puissent devenir dans vingt ans des valeurs vraiment établies pour rejoindre alors les grands noms de l'art moderne.


On ne peut par ailleurs décemment comparer le parcours d'un Claude Monet, longtemps décrié à son époque avant d'être salué comme un grand maître, avec celui de Murakami qui commet quelque part l'imposture de faire passer des gimmicks pour de l'art quand bien même les goûts de nos contemporains auraient changé en subissant les influences de notre temps.


Certes, Rubens s'entourait de multiples collaborateurs pour satisfaire de nombreuses commandes mais son génie était bien réel. Certes encore, les goûts au 17 e siècle allaient vers la religion ou la mythologie et très peu vers le social, un thème que Le Caravage aborda par la bande en peignant des saints à l'image des gens du peuple, ce qui fit de lui un peintre décrié.


Il n'est pas inutile de rappeler que les grands peintres de la Renaissance durent leur notoriété aux princes et monarques qui étaient leurs mécènes alors qu'ils ne faisaient que traiter des mêmes thèmes représentés par d'autres artistes qui eux restèrent moins recherchés faute d'avoir eu des protecteurs puissants. Le mécénat royal ou princier se poursuivit aux siècles suivants pour perdre progressivement son rôle au profit d'une clientèle en majorité bourgeoise à partir du milieu du 19e siècle alors que les grands Salons permettaient aux artistes en vue de bénéficier de commandes importantes de l'Etat.

Au début du 20e siècle, les grands marchands et des collectionneurs déterminés à sortir des sentiers battus de l'art prirent le relais pour promouvoir des artistes avant-gardistes dédaignés des arcanes officielles avant que les Américains finirent par imposer leur hégémonie après la Seconde Guerre Mondiale. A partir de la fin des années 1990, celle-ci a été battue en brèche avec l'arrivée de riches collectionneurs des pays émergents tels la Russie, la Chine ou l'Inde ou européens comme François Pinault dont les choix ont fortement influencé les tendances du marché. Ces derniers ont ainsi joué le rôle de nouveaux mécènes d'artistes promus sur le devant de la scène à coups d'opérations de marketing menées par certaines maisons comme Christie's ou par des galeristes avisés.


Tout cela pour dire que l'art contemporain, au contraire des autres domaines artistiques, est devenu aujourd'hui un instrument spéculatif au détriment des considérations d'ordre esthétique, la provocation à travers une utilisation de clichés à connotation sociale ou sociétale ou la représentation d'icônes de notre monde ayant pris le pas sur le talent pur qui n'a plus eu d'importance aux yeux des acquéreurs.


L'art contemporain a donc fini par des marcher sur des œufs, Koons, Hirst, Murakami et d'autres n'ayant manifestement l'envergure d'artistes comme Yves Klein ou Jean-Michel Basquiat qui proposaient avec un certain à-propos une nouvelle formulation de l'art dans un contexte autrement plus intéressant et visible. Peu importe finalement que Koons, Xavier Veilhan ou Murakami aient eu l'honneur de voir figurer leurs œuvres dans ce temple de l'art classique qu'est le château le Versailles. Ce qui compte avant tout est de connaître la dimension réelle de l'art contemporain qui aborde souvent des chemins propres à s'égarer. pour aboutir dans une impasse De ce fait, il faudra attendre encore une bonne décennie pour que les écuries d'Augias sont vraiment nettoyées…

 

Adrian Darmon
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