Le développement
continu du marché de l'art a été grandement facilité par des achats massifs
effectués durant la dernière décennie dans le domaine de l'art asiatique suite
à l'émergence de nouveaux millionnaires en Chine.
On a ainsi constaté
un boom sans précédent, comme chez Sotheby's en juin dernier lorsqu'un vase en
porcelaine du 18e siècle découvert dans un grenier en France a été
vendu pour 16,2 millions d'euros sur une estimation de 800.000 et un album
calligraphié de poèmes par l'impératrice Yang de la dynastie Song (960-1279) a
été adjugé pour 166 fois son estimation à 2,5 millions d'euros.
A cet égard, les
exemples d'enchères phénoménales ont été multiples depuis 2007 à travers le
monde, les acheteurs chinois n'ayant apparemment aucune limité pour s'accaparer
des pièces rares sauf qu'il convient d'apporter un bémol à cet étonnant
phénomène car les résultats diffusés par les maisons de vente chinoises
comprennent souvent les pièces qui n'ont pas été payées, ce qui n'est pas le
cas en Occident.
C'est là où le bât
blesse. Les acheteurs chinois ne sont pas vraiment fiables. En conséquence de
quoi, l'évolution de leur marché local n'a été que 7 % en 2017 avec un total de
ventes de 7,1 milliards de dollars alors que celui-ci avait engrangé plus de 10
milliards en 2011 tandis que plusieurs maisons de vente chinoises (525
recensées avec 200 en sommeil en 2017 contre 93 aux USA) éprouvent désormais
des difficultés à équilibrer leurs comptes.
Dans le même temps,
les ventes d'art asiatique dans le monde ont progressé de 8% grâce encore à des achats
effectués par des acheteurs chinois qui se sont concentrés sur 0,5% des lots
proposés au-delà de 1,4 million de dollars alors pour le reste des pièces s'est
mal vendu au point que leurs ventes ont régressé de 12% en 2017.
Par ailleurs, il y a
deux marchés différents pour l'art asiatique, celui de Chine qui est vaste mais
instable et celui de l'étranger (incluant Hong Kong) qui attire plus d'acheteurs.
Ainsi, en dépit d'une présence accrue à Hong Kong, les maisons de vente
étrangères ont eu du mal à effectuer une percée en Chine, comme on l'a constaté
avec Sotheby's qui, après s'est associée en 2012 avec la société d'Etat Gehua
Art pour opérer à Pékin, n'a plus organisé de vente depuis l'année suivante. De
ce fait, le chemin s'est avéré long à parcourir pour faire de la capitale et de
Shanghaï des rivales de Hong Kong.
Christie's s'est aussi trouvée dans le même cas après s'être installée à Shanghaï en 2013 pour n'organiser
depuis qu'une seule vente annuelle en considérant que sa présence lui servait avant tout de test avant d'aller plus loin.
En dehors des
problèmes de logistique, les maisons étrangères n'ont toujours pas le droit de
vendre des reliques culturelles chinoises datant d'avant 1949 sans compter que
les acheteurs chinois, qui préfèrent s'activer à l'étranger, ont moins d'argent
à leur disposition depuis la chute des cours à la bourse de Shanghaï survenue depuis le début de 2018. Pour leur part, les maisons de vente basées en Chine n'ont
pas encore su endiguer le flot de pièces restées impayées, un problème qui n'est
pas près de s'arrêter.
Selon des
statistiques publiées récemment, plus de 50% des adjudications n'ont pas été
concrétisées en 2017, six mois après l'enregistrement des enchères gagnantes et
sur les 18 lots vendus au-delà de 14,2 millions de dollars, seuls deux ont été
payés. Cela s'est expliqué en grande partie par les grosses commissions prises par
les maisons de vente sur les acheteurs pour faire expertiser des pièces
acquises plus que par leur refus ou leur impossibilité d'honorer leurs
engagements parce que celles-ci, comme China Guardian, le 2e groupe
chinois, ne garantissent pas l'authenticité des lots vendus en se déchargeant
de toute responsabilité, ce que les maisons étrangères ne se permettent pas de
faire.
Donc tout acheteur
chinois est obligé de s'assurer de l'authenticité de la pièce qu'il a remportée
aux enchères, ce qui explique le temps mis pour régler son achat alors que les œuvres
d'art asiatiques ont été les proies de faussaires dans un pays où les copies
ont essaimé depuis des siècles. Exemple : un responsable de la librairie
de l'Académie des beaux-arts de Guangzhou, avait en 2015 été jugé pour avoir
remplacé 143 pièces datant du 17e au 20e siècle pour les
remplacer par des copies.
Les acheteurs des
maisons de vente chinoises, qui sont les seules autorisées à vendre des pièces
datant d'avant 1949, sont ainsi contraints de vérifier leur authenticité avant
de les payer, ce qui signifie qu'ils continueront à ne pas toujours vouloir honorer leurs acquisitions tant
que le problème des faux subsistera.
D'un autre côté, les
riches chinois s'intéressent de plus en plus aux œuvres produites en Occident,
le nombre de ceux s'activant dans les grandes ventes de Londres, New York,
Paris ou Hong Kong ayant été en constante augmentation, la part des acheteurs
asiatiques ayant atteint 960 millions de dollars en 2017, soit un ratio de 24%.
On a ainsi vu des œuvres
de Damien Hirst, Ugo Rondinone ou Cecily Brown intéresser des acheteurs chinois récemment à Hong Kong tandis que des amateurs occidentaux ont commencé à jeter leur
dévolu sur des pièces asiatiques présentées d'ailleurs de plus en plus dans des
foires importantes et que des musées ont présenté des artistes chinois
(notamment le Guggenheim Museum de New York avec son exposition « Art and
China After 1989 » organisée en 2017 sans oublier la galerie Gagosian avec
son exposition consacrée à l'artiste chinois Hao Liang dont les œuvres au lavis
se sont toutes vendues avant l'ouverture en juin dernier.
Ce principe des vases
communicants permet au marché mondial de rester actif grâce à de riches
acheteurs, tant chinois qu'étrangers, mais il sera bien plus performant lorsque
les places de Pékin ou de Shanghaï auront révisé leur politique de vente en
présentant enfin des lots dûment authentifiés.