|
Biographies
Artcult vous propose une sélection de biographies de grands maîtres. Sélection par Adrian Darmon.
JEAN AUGUSTE-DOMINIQUE INGRES
|
l'HERITIER DE HOLBEIN
Né à Montauban le 29 août 1780, Jean-Auguste-Dominique Ingres était le fils du peintre et musicien Jean-Marie Joseph Ingres qui le destina d'abord à la musique tout en lui donnant des leçons de dessin.
Jean-Dominique se montra tellement doué que son père décida de l'envoyer étudier à Toulouse où il passa successivement dans les ateliers de Guillaume Joseph Roques, un élève de Vien, du sculpteur Vigan et du paysagiste Briand.
En 1796, Ingres vint à Paris et fut placé par son père dans l'atelier de Jacques-Louis David.
"Portrait du comte Nicolai Guryev", 1821
Comme il recevait peu d'argent de sa famille, il gagna sa vie grâce à ses connaissances musicales en entrant comme violon dans l'orchestre d'un théâtre du boulevard.
Il concourut pour le Prix de Rome en 1800 mais n'obtint que le second prix. Il fut plus heureux l'année suivante, triomphant avec Achille recevant dans sa tente les députés d'Agamemnon mais dut attendre cinq ans avant de pouvoir partir pour l'Italie car l'Etat n'avait pas les moyens de satisfaire sur le champ les lauréats. En attendant de pouvoir effectuer ce voyage, Ingres obtint une cellule dans l'ancien couvent des Capucins où vivaient de nombreux artistes comme Gros, Girodet ou Dupaty. Déjà, il commençait à se détacher de l'influence de David et se mit à copier des dessins de maîtres du XVIe siècle avant de manifester une admiration sans bornes pour Raphaël.
Il est vrai que David ne s'intéressa pas vraiment à son élève qui reçut cependant une commande pour peindre le portrait du Premier Consul pour la ville de Liège en 1802 puis le portrait de Napoléon Ier sur son trône, destiné au corps législatif en 1806.
Il partit finalement pour Rome en 1806 et copia toutes les oeuvres de Raphaël qu'il eut l'occasion de voir durant son séjour avant d'acquérir sa vision définitive.
Ingres vécut quatorze ans à Rome et exécuta des oeuvres majeures durant son séjour comme La Baigneuse Vue de dos (1806), Oedipe et le Sphinx (1808), Jupiter et Théis, Virgile lisant l'Enéide à Auguste (Villa Médicis), le Sommeil d'Ossian et le Temple de Romulus (Quirinal, Rome), Roger délivrant Angélique (1819), Une Odalisque (1819), Jésus-Christ donne à St Pierre les clefs du Paradis.
Durant la même époque, Ingres produisit plus de 300 petits portraits à la mine de plomb qu'il faisait payer 40 francs pièce. En 1813, Ingres se maria pour la première fois avec Mlle Copelle et en 1820, il quitta Rome pour Florence où il résida quatre années.
Rentré à Paris en 1824, Ingres se fit remarquer au Salon où il exposa le Vœu de Louis XIII, Henri IV jouant avec ses enfants en présence de l'Ambassadeur d'Espagne, François 1er reçoit les derniers soupirs de Léonard de Vinci ainsi que plusieurs portraits.
Ses précédents envois au Salon avaient été accueillis plutôt froidement par le public mais l'exposition de 1824 fut par contre un grand succès. Il est vrai que cette année là, l'Ecole Romantique avec Delacroix et Géricault comme chefs de file faisait beaucoup parler d'elle alors que les classiques lui opposèrent Ingres qui avait ouvert un atelier où le respect des traditions fut vigoureusement défendu.
Ingres avait néanmoins un caractère exécrable, un esprit rigide et des idées plutôt rétrogrades. Il fut néanmoins aimé de nombre d'élèves (il forma Chassériau et Hyppolite Flandrin) malgré son attitude trop souvent hautaine. Ingres exposa encore en 1827 (des portraits et des scènes religieuses) puis encore en 1833. Il peignit également un plafond au Louvre (Apothéose d'Homère) puis succéda à Horace Vernet au poste de directeur de l'Ecole de Rome en 1834.
Durant les sept années où il resta en poste à Rome, Ingres peignit peu mais à son retour à Paris en 1841, il reçut une réception enthousiaste de la part de nombreux artistes et de ses partisans.
Malgré ses soixante ans passés, Ingres demeura aussi alerte et intransigeant dans ses idées que durant sa jeunesse. Chevalier de la Légion d'honneur en 1824, membre de l'Institut en 1825, officier de la Légion d'honneur en 1826, commandeur en 1845, il était comblé de récompenses et de commandes qui affluaient de toutes parts.
"Mlle Jeanne Hayard"
L'Exposition Universelle de 1855 marqua l'apogée de sa gloire avec une salle entière consacrée à ses oeuvres. On y vit Jésus-Christ donnant à St Pierre les clefs du Paradis, la Vierge à l'Hostie, Apothéose de Napoléon 1er, L'Apothéose d'Homère, Jupiter et Antiope, Naissance de Vénus Anadyomène, Oedipe et le Sphinx, Roger délivrant Angélique, Odalisque couchée, Odalisque (peinte à Rome en 1839), Francesca di Rimini, Jean Pastorel, Jeanne d'Arc, L'Arètin recevant avec dédain une chaîne d'or envoyée par Charles Quint, Portrait de Cherubini, Portrait de la comtesse d'H..., Portrait de Mme M..., de la Princesse de B..., de Mme L.B, de Mme G.., Portrait du Comte de Molé, de M. Ingres Père et de plusieurs autres tableaux.
Une grande médaille d'honneur lui fut offerte par le jury et le gouvernement l'éleva au rang de grand officier de la Légion d'Honneur. En 1862, il fut nommé sénateur et devint également membre de l'Académie Française à Rome, membre honoraire des Académies de Berlin, Vienne, Amsterdam, Anvers, Munich, Athènes, Florence et Montauban, chevalier de l'ordre du Mérite civil de Prusse, commandeur de l'ordre de Léopold de Belgique, chevalier de l'ordre de Saint-Joseph, de Toscane, Grand Croix de l'Ordre de Guadeloupe.
L'ambition de Ingres fut d'égaler Raphaël et la collection de peintures léguée à sa ville natale de Montauban témoigne de son acharnement à y parvenir. Il fut également graveur mais ce fut surtout comme peintre de portraits qu'il excella en se montrant l'héritier de Hans Holbein dans sa façon de dépeindre ses clients avec un souci du réalisme exacerbé au plus haut point.
Ingres se voulut aussi peintre d'histoire et peignit des sujets historiques tout au long de sa vie mais on retiendra avant tout le portraitiste. Ses premiers portraits étaient plutôt sobres, exécutés dans une manière sombre avec le souci de mettre surtout en valeur le visage de la personne représentée et en se contenant d'ébaucher le reste du corps comme avec les portraits de Gilbert (1805), Bartolini (1806) ou de J.B Desdéban vers 1810.
La plupart de ses autres portraits furent peints avec une fantastique qualité d'exécution et de précision quasi photographique. Il avait ainsi l'habitude de procéder à des études préalables au crayon en cherchant à mettre en avant la physionomie de ses personnages et leurs attitudes avec une mise en scène très élaborée comme dans les portraits de la famille Rivière.
Dans le portrait de Mlle Rivière, Ingres sut intégrer dans son tableau une lumière limpide faisant rayonner le visage de la jeune fille, qui mourut l'année même où fut exécuté ce portrait, et en éclairant le paysage du fond traité à la manière des peintres flamands.
Ses portraits eurent pour la plupart une étonnante profondeur psychanalytique dans ce sens où chaque personnage reflétait parfaitement sa condition sociale alors que dans certains tableaux d'histoire, l'artiste se permit des libertés d'interprétation tout en mêlant étroitement son style au contenu idéologique des scènes peintes, allant toutefois jusqu'à flirter avec le fantastique et l'onirisme dans certaines compositions, échappant ainsi au classicisme dont il était l'ardent défenseur. "Mme Moitessier"
Ingres se montra plus libre et peut-être plus étonnant dans la représentation de nus traités souvent dans un style orientaliste comme avec la baigneuse vue de dos, l'Odalisque ou la Vénus Anadyomène, mettant l'accent sur les contours des corps aux poses alanguies. On lui reprocha toutefois d'avoir déformé les corps, notamment celui de la Grande Odalisque de 1814 qui aurait trois vertèbres de trop. Ingres se défendit en disant qu'en peinture l'exagération pouvait être permise et même nécessaire pour dégager ce qui était beau. A ce propos, son chef d'œuvre fut probablement Le Bain Turc de 1862 alors que globalement on le considéra comme un peintre froid et dénué de sensualité mais ce tableau montra finalement qu'il était un véritable amoureux de la beauté féminine.
Travailleur infatigable et souvent insatisfait, il reprit plusieurs fois des tableaux exécutés des années auparavant comme cet autoportrait qu'il peignit à l'âge de 25 ans et qu'il retravailla plus de quarante années plus tard. Il exécuta aussi de nombreuses répliques d'une même oeuvre destinées à plusieurs collectionneurs ou musées et bien qu'il resta attaché à une conception assez stricte du classicisme, il inspira à travers la déformation des corps féminins de nombreux peintres novateurs comme Manet et même Picasso au début du XXe siècle. Ingres, qui perdit sa première femme en 1849 et se remaria deux ans plus tard avec Mlle Delphine Ramel, mourut le 14 janvier 1867 à Paris après avoir pris froid dans la nuit du 6 au 7. Il venait juste de donner un concert de musique de chambre chez lui et s'était couché dans son lit lorsqu'une bûche incandescente roula de la cheminée vers le sol provoquant un dégagement de fumée. Ingres se leva et ouvrit la fenêtre pour dissiper la fumée et aérer la pièce et prit froid en dormant.
|
|