Pour ceux qui auraient pu douter que le dessin, la peinture et la sculpture sont des formes d'écriture, il n'est que d'aller voir la surprenante exposition Daumier qui a eu lieu au Grand Palais à Paris jusqu'au 3 janvier 2000 pour s'en convaincre à jamais.
Quel que soit le domaine auquel s'intéresse l'artiste il y développe une verve des plus pointues, exprimant avec cruauté son opinion.
"Deux sculpteurs", huile sur panneau
Que ce soit en sculpture ou en dessin, les études de visages des personnages de Daumier, ne peuvent échapper à leur vérité intérieure. Certes sous Napoléon III ou sous les rois de cette époque la liberté était muselée autrement qu'aujourd'hui.
Sous notre république les politiques ont inventé d'autres moyens, moins visibles mais de beaucoup plus sournois pour imposer le silence. Daumier agit en véritable critique, démontrant, si besoin était, le lien qui existe entre artiste et analyste de la société. C'est un Intellectuel au sens le plus réel du mot.
"L'amateur de gravures", huile sur panneau
L'artiste interprète et symbolise son message, se servant aussi bien du quotidien, ou le transposant dans une illustration portant sur un fait ancien, ou encore dans la mythologie. Mais il exprime sa protestation et elle marque son époque.
Avec Daumier et son esprit caustique tout y passe : la vie quotidienne, les logements insalubres en sous-sol, la représentation des pauvres gens dans le quotidien de leur misère, la dureté de la vie face à la nature, telle que la rude tâche des lavandières avec leurs lourds fardeaux, les scènes de ménage, et la politique, domaine dans lequel on peut voir qu'en France les mêmes pratiques mensongères se perpétuent.
Mais c'est dans ses études de visages, dans ses chevaux, et dans les situations dramatiques que Daumier va nous convaincre qu'il est en plus d'un grand caricaturiste, un peintre immense. Il saura rendre léger et aérien un mouvement, nous montrer la puissance irrésistible d'une foule en exode. Il incruste les marques des sentiments sur un visage, utilisant la moindre ride, la forme d'un front, ainsi que le regard furtif comme la coiffure d'une belle ou d'un bourgeois.
Daumier nous démontre que l'art figuratif sait très bien être autre chose qu'une photographie ou un tableau impressionniste ou participer à un mouvement en iste.
Mais pour être un Daumier encore faut-il savoir parfaitement dessiner, avoir l'esprit d'observation et critique à la fois, tout en sachant remettre en cause ce que l'on croit familier et irréductible. En un mot savoir être un homme libre d'esprit, même si parfois il faut payer cette liberté par des sanctions, comme ce fut son cas.
Christian Germak (AGI)
Jusqu'au 3 janvier 2000 de 10h. à 20h. mercredi 22h.Mais sur réservation de 10h. à 13h. tel: 0803-808-803Galerie Nationale du Grand Palais/Place Georges Clémenceau/75008 Paris