Les faux sont la hantise des experts tout comme le cauchemar des amateurs, sortis brutalement de leur rêve à partir du moment où ils ont fini par comprendre leur erreur.
Parmi les faussaires qui surent habilement tirer parti de l'aveuglement de nombreux collectionneurs appâtés par des œuvres de grands artistes proposées à des prix alléchants, il y eut Van Meegeren, Elmyr de Hory, Réal Lessard, Alin Marthouret et aussi David Stein qui eut l'honneur de tromper Picasso en personne.
Le père de David Stein était un médecin collectionneur d'objets d'art et de peintures et ce dernier aurait pu envisager un avenir sans souci si l'invasion de la France par les troupes de la Wehrmacht en 1940 n'était pas venue changer brutalement le cours de son existence.
L'occupation allemande fut rapidement suivie par la collaboration du régime de Vichy, la promulgation de lois antisémites et la persécution des Juifs. Pour échapper à la déportation, David Stein dut changer d'identité et fut envoyé par ses parents au collège catholique Saint-Louis-de-Gonzague qui s'avéra être un refuge sûr tout le temps que dura la guerre.
A partir de là, David, qui avait rêvé de devenir pianiste, fut forcé d'oublier qui il était en se muant dans la peau de quelqu'un d'autre afin de survivre. La guerre finie, il fit à 20 ans son service militaire en Afrique où il se mit à dessiner pour tromper son ennui. Un jour, son adjudant-chef lui demanda de décorer le mess des officiers de sa caserne. Ce fut en quelque sorte le déclic qui allait le diriger vers l'art, non pas en tant qu'artiste mais comme faussaire.
Rentré en France, il fréquenta le milieu du cinéma et fit la connaissance de l'acteur Cliff Robertson qui l'appela à Hollywood pour servir de conseiller pour un film sur la guerre d'Algérie mais il se rendit vite compte que cet univers n'était guère fait pour lui.
Revenu sans but précis à Paris, il vécut de petits métiers, notamment comme journaliste pigiste ou pianiste au Harry's Bar, avant de rencontrer fortuitement un personnage du nom de Manlay qui s'était fait pour spécialité de vendre à des gogos des faux dessins ou tableaux. Intéressé par son coup de patte, ce dernier lui demanda alors de réaliser des faux en s'inspirant de Cocteau et de Picasso.
Sa carrière de faussaire faillit rapidement tourner court car un amateur à qui il avait vendu un pastel de Picasso n'avait pas manqué d'envoyer un cliché de cette œuvre au maître lequel l'avait renvoyé après l'avoir barré du mot « faux ». Feignant un grand étonnement devant l'amateur qui lui demandait des explications, il eut alors le culot monstre de lui proposer d'aller voir lui-même Picasso pour lui soumettre ce pastel.
En route pour la Provence, David Stein se demanda s'il n'était pas un peu cinglé d'aller directement se fourrer dans la gueule du loup. Arrivé à destination en tremblant à l'idée que Picasso n'allait pas se priver d'hurler au scandale et d'appeler la police, il fut néanmoins aimablement reçu par l'artiste qui examina attentivement le pastel avant d'avoir la surprise de s'entendre dire qu'il était bien de lui.
A cet instant, David Stein eut toutes les peines du monde à contenir son excitation mais une fois qu'il eût quitté la maison de Picasso, il se laissa envahir avec volupté par une folle extase durant tout le chemin du retour. Il avait trompé Picasso en personne ! Se sentant dès lors pousser des ailes, il décida de se lancer frénétiquement dans la production de plagiats avec la sensation d'être devenu un génie.
Sachant que les marchands et les experts parisiens n'étaient pas faciles à berner, David Stein trouva plus judicieux d'écouler des faux aux Etats-Unis, un pays qui regorgeait de millionnaires pour la plupart ignares en matière de peinture ainsi que de centaines de galeries dont les propriétaires ne pensaient qu'à faire de l'argent sans trop se demander si les certificats d'authenticité accompagnant les œuvres qu'ils vendaient étaient en béton.
David Stein écoula des faux à la pelle en profitant ainsi de cette propension qu'avaient souvent des marchands et des amateurs américains à d'abord flairer la bonne affaire lorsqu'on leur proposait une œuvre d'un grand artiste à bas prix sans chercher ensuite à l'examiner avec soin.
Gagnant d'emblée beaucoup d'argent, il mena grain train en recevant dans son appartement new-yorkais nombre de collectionneurs et de conservateurs de musées qui n'eurent jamais l'idée de se poser des questions sur la provenance des œuvres extraordinaires qu'il avait en sa possession.
Il ouvrit même une galerie à Palm Peach où il organisa des expositions et des fêtes très courues mais le succès commença subitement à lui paraître pesant. Ayant côtoyé le danger durant la guerre et devenu accoutumé au jeu de l'imposture, il ne supporta plus d'avoir une existence trop bien réglée et se mit à boire et à consommer de la drogue au point d'oublier le risque d'être démasqué.
Alors que Chagall était en visite à New York, il commit l'imprudence de produire plusieurs plagiats du maître que la trop naïve marchande Fanny Margulies se fit un plaisir d'exposer dans sa galerie. Comble de malchance, Chagall passa devant la vitrine de celle-ci et faillit avoir une syncope en voyant des œuvres portant sa signature offertes à des prix ridicules.
Pratiquement au même moment, un amateur furieux d'apprendre que des Chagall achetés auprès de David Stein étaient des faux appela le juge Joseph Stone pour que celui-ci diligente une enquête. Apprenant que l'artiste était à New York, il saisit alors l'occasion de le contacter et lui montra les œuvres en question.
Les faux sont la hantise des experts tout comme le cauchemar des amateurs, sortis brutalement de leur rêve à partir du moment où ils ont fini par comprendre leur erreur.
Parmi les faussaires qui surent habilement tirer parti de l'aveuglement de nombreux collectionneurs appâtés par des œuvres de grands artistes proposées à des prix alléchants, il y eut Van Meegeren, Elmyr de Hory, Réal Lessard, Alin Marthouret et aussi David Stein qui eut l'honneur de tromper Picasso en personne.
Le père de David Stein était un médecin collectionneur d'objets d'art et de peintures et ce dernier aurait pu envisager un avenir sans souci si l'invasion de la France par les troupes de la Wehrmacht en 1940 n'était pas venue changer brutalement le cours de son existence.
L'occupation allemande fut rapidement suivie par la collaboration du régime de Vichy, la promulgation de lois antisémites et la persécution des Juifs. Pour échapper à la déportation, David Stein dut changer d'identité et fut envoyé par ses parents au collège catholique Saint-Louis-de-Gonzague qui s'avéra être un refuge sûr tout le temps que dura la guerre.
A partir de là, David, qui avait rêvé de devenir pianiste, fut forcé d'oublier qui il était en se muant dans la peau de quelqu'un d'autre afin de survivre. La guerre finie, il fit à 20 ans son service militaire en Afrique où il se mit à dessiner pour tromper son ennui. Un jour, son adjudant-chef lui demanda de décorer le mess des officiers de sa caserne. Ce fut en quelque sorte le déclic qui allait le diriger vers l'art, non pas en tant qu'artiste mais comme faussaire.
Rentré en France, il fréquenta le milieu du cinéma et fit la connaissance de l'acteur Cliff Robertson qui l'appela à Hollywood pour servir de conseiller pour un film sur la guerre d'Algérie mais il se rendit vite compte que cet univers n'était guère fait pour lui.
Revenu sans but précis à Paris, il vécut de petits métiers, notamment comme journaliste pigiste ou pianiste au Harry's Bar, avant de rencontrer fortuitement un personnage du nom de Manlay qui s'était fait pour spécialité de vendre à des gogos des faux dessins ou tableaux. Intéressé par son coup de patte, ce dernier lui demanda alors de réaliser des faux en s'inspirant de Cocteau et de Picasso.
Sa carrière de faussaire faillit rapidement tourner court car un amateur à qui il avait vendu un pastel de Picasso n'avait pas manqué d'envoyer un cliché de cette œuvre au maître lequel l'avait renvoyé après l'avoir barré du mot « faux ». Feignant un grand étonnement devant l'amateur qui lui demandait des explications, il eut alors le culot monstre de lui proposer d'aller voir lui-même Picasso pour lui soumettre ce pastel.
En route pour la Provence, David Stein se demanda s'il n'était pas un peu cinglé d'aller directement se fourrer dans la gueule du loup. Arrivé à destination en tremblant à l'idée que Picasso n'allait pas se priver d'hurler au scandale et d'appeler la police, il fut néanmoins aimablement reçu par l'artiste qui examina attentivement le pastel avant d'avoir la surprise de s'entendre dire qu'il était bien de lui.
A cet instant, David Stein eut toutes les peines du monde à contenir son excitation mais une fois qu'il eût quitté la maison de Picasso, il se laissa envahir avec volupté par une folle extase durant tout le chemin du retour. Il avait trompé Picasso en personne ! Se sentant dès lors pousser des ailes, il décida de se lancer frénétiquement dans la production de plagiats avec la sensation d'être devenu un génie.
Sachant que les marchands et les experts parisiens n'étaient pas faciles à berner, David Stein trouva plus judicieux d'écouler des faux aux Etats-Unis, un pays qui regorgeait de millionnaires pour la plupart ignares en matière de peinture ainsi que de centaines de galeries dont les propriétaires ne pensaient qu'à faire de l'argent sans trop se demander si les certificats d'authenticité accompagnant les œuvres qu'ils vendaient étaient en béton.
David Stein écoula des faux à la pelle en profitant ainsi de cette propension qu'avaient souvent des marchands et des amateurs américains à d'abord flairer la bonne affaire lorsqu'on leur proposait une œuvre d'un grand artiste à bas prix sans chercher ensuite à l'examiner avec soin.
Gagnant d'emblée beaucoup d'argent, il mena grain train en recevant dans son appartement new-yorkais nombre de collectionneurs et de conservateurs de musées qui n'eurent jamais l'idée de se poser des questions sur la provenance des œuvres extraordinaires qu'il avait en sa possession.
Il ouvrit même une galerie à Palm Peach où il organisa des expositions et des fêtes très courues mais le succès commença subitement à lui paraître pesant. Ayant côtoyé le danger durant la guerre et devenu accoutumé au jeu de l'imposture, il ne supporta plus d'avoir une existence trop bien réglée et se mit à boire et à consommer de la drogue au point d'oublier le risque d'être démasqué.
Alors que Chagall était en visite à New York, il commit l'imprudence de produire plusieurs plagiats du maître que la trop naïve marchande Fanny Margulies se fit un plaisir d'exposer dans sa galerie. Comble de malchance, Chagall passa devant la vitrine de celle-ci et faillit avoir une syncope en voyant des œuvres portant sa signature offertes à des prix ridicules.
Pratiquement au même moment, un amateur furieux d'apprendre que des Chagall achetés auprès de David Stein étaient des faux appela le juge Joseph Stone pour que celui-ci diligente une enquête. Apprenant que l'artiste était à New York, il saisit alors l'occasion de le contacter et lui montra les œuvres en question.
Chagall entra dans une terrible colère et voulut d'emblée les détruire et le juge Stone dut le calmer en lui indiquant qu'elles devaient servir de pièces à conviction. Sur ce, le juge se rendit au domicile de Stein, accompagné de quatre détectives et de l'amateur floué qui pour confondre le faussaire avait été muni d'un micro-émetteur caché sous sa chemise.
Il était convenu que ce dernier devait se présenter seul chez Stein pour ne pas éveiller sa méfiance et que les détectives n'interviendraient une fois qu'il lui aurait fait cracher le morceau par l'intermédiaire du micro-espion mais, probablement effrayé par son rôle d'appât, l'homme lui déclara une fois la porte ouverte qu'il était venu en compagnie de détectives chargés de l'arrêter. Stein lui claqua la porte au nez et courut s'enfuir par l'escalier de service en n'emportant qu'une faible somme avec lui.
Dès lors, une longue traque commença pour le fugitif qui avait gagné la Californie dans l'espoir d'échapper à une arrestation. En attendant, une perquisition effectuée à son domicile se révéla fort instructive puisque le juge Stone y découvrit un calepin contenant la liste de ses transactions et les adresses de ses clients ainsi que des tampons ayant servi à la fabrication de faux certificats et des œuvres en attente d'être vendues.
Le juge Stone eut néanmoins le plus grand mal à recueillir les témoignages de nombreuses victimes de Stein lesquelles n'avaient eu guère envie de se manifester, honteuses qu'elles étaient d'avoir été dupées mais aussi peu désireuses d'avouer qu'elles avaient surtout agi par cupidité en cherchant à spéculer sur des œuvres acquises à bas prix sans se soucier le moins du monde de leur authenticité.
Finalement arrêté, Stein fut condamné et purgea une peine de quatre ans et demi de prison. Libéré en 1972, il décida de devenir copiste en toute légalité et devint l'ami du juge Stone qui avait déjà éprouvé plus de sympathie à son égard que pour ses victimes, prises en flagrant délit de mensonge durant son procès.
Copiste de talent, Stein vendit ensuite des centaines d'œuvres à des amateurs désireux de frimer à bon compte en ayant un « Miro» ou un "Picasso" accroché sur le mur de leur salon ou soucieux de n'exposer chez eux que des copies de toiles importantes mises dans un coffre à l'abri des convoitises de gens mal intentionnés.
Les tableaux « à la manière de » peints par Stein furent dès lors recherchés mais sa réputation passée de faussaire génial fut néanmoins plutôt surfaite car certains faux reproduits dans des magazines il y a quelques années paraissaient pour le moins aberrants.
Ses plagiats de Renoir étaient très faibles tout comme ceux de Toulouse-Lautrec. Ses faux Modigliani passaient difficilement la rampe. Par contre, Stein se débrouilla beaucoup mieux avec ses interprétations de Miro, Chagall et Picasso.
Question de feeling, un faussaire se retrouvera toujours plus à l'aise avec certains peintres à plagier que d'autres. C'est simplement une affaire d'affinité sélective mais Stein, un tantinet vaniteux, ne se priva pas d'affirmer un jour dans une interview que pas un maître ne lui résistait tout en appuyant son propos par la reproduction d'une trentaine de signatures qu'il avait falsifiées. Pas de chance, si les signatures de Picasso, Miro, Modigliani, Renoir, Gauguin, Van Gogh ou Chagall paraissaient parfaites, celles de Van Dongen, Matisse, Vlaminck, Derain, Vuillard, Braque ou Marie Laurencin laissaient vraiment à désirer.