Ce que d'aucuns jugeaient impensable est finalement arrivé. La famille Wildenstein que l'on croyait soucieuse de préserver l'héritage laissé par Nathan, le fondateur de la célèbre dynastie né en 1851 et mort en 1934, a surpris le monde de l'art en décidant de vendre l'extraordinaire collection de ce dernier chez Christie'sles 14 et 15 décembre 2005 à Londres. On s'est demandé quelle mouche avait bien pu piquer Alec et Guy Wildenstein pour aller jusqu'à se séparer des meubles et objets d'art que leur arrière-grand-Père avait réunis dans son hôtel particulier du 57 de la rue La Boétie. Explication: la vente du contenu de ce bâtiment resté inhabité depuis la mort en 1963 de leur grand-père Georges est destinée à financer la création de nouveaux locaux et équipements pour le Wildenstein Institute, la plus grande des maisons d'édition de catalogues raisonnés et non pas, comme de mauvaises langues ont essayé de faire croire, pour couvrir les 15 millions d'euros versés à Sylvia Wildenstein, la veuve de leur père Daniel, suite à leur condamnation en avril 2005 par la cour d'Appel de Paris pour avoir amené leur belle-mère à renoncer à l'héritage de son défunt mari mort le 23 octobre 2001 au prétexte que cela lui aurait permis d'éviter à payer une dette fiscale de plus de 10 millions d'euros laissée par ce dernier.
Se séparer d'une telle collection représente néanmoins un sérieux coup porté au patrimoine de la famille alors que Guy et Alec Wildenstein auraient pu vendre quelques chevaux de course de leur célèbre écurie pour financer la modernisation et l'extension des locaux du Wildenstein Institute. Cela dit, ils ont apparemment pris à la lettre le conseil de Nathan selon lequel un marchand se devait de remettre sur le marché ce qu'il avait acheté.
En attendant, cette collection, estimée au total à 25 millions d'euros, suscitera bien des convoitises puisqu'elle comporte des pièces jamais vues sur le marché depuis plus de 75 ans, tels un ensemble de meubles Boulle dotés de provenances prestigieuses, notamment un grand bureau plat estimé entre 1,5 et 3 millions de livres sterling ainsi qu'un secrétaire Louis XVI décoré de plaques en Wedgwood et portant l'estampille de Nicolas-Philippe Dussault.
Aîné de sept enfants d'une famille juive installée en Alsace depuis 1709, Nathan Wildenstein s'était rendu célèbre comme marchand de tableaux de grands maîtres comme Fragonard, Greuze, Boucher ou Vermeer ainsi qu'avec son écurie de pur-sang à partir de 1890.